Pour atteindre à la perfection esthétique, elles s'infligent les plus grands sacrifices: la dernière mode, en Corée du Sud, est à la chirurgie des mâchoires, une opération douloureuse qui entraîne dans un cas sur deux des conséquences dramatiques. Prescrite en cas de prognathie (mâchoire avancée) ou de rétrognathie (mâchoire rejetée en arrière) importante, susceptible de provoquer des troubles de la mastication par exemple, la chirurgie orthognatique permet de repositionner les dents et de rendre à un visage son... harmonie. Une notion subjective qui, en termes purement thérapeutiques, suppose une infirmité. Or en Asie de l'est, il s'agit avant tout de se conformer à des canons de beauté exotiques qui commandent de se dessiner un visage émacié en "V", un nez relevé (non épaté) et de grands yeux (non bridés). Mais l'opération des mâchoires "altère l'apparence de façon beaucoup plus évidente que, disons, le Botox ou une opération du nez parce qu'elle modifie tout le squelette facial", explique Choi Jin-Young, professeur d'orthodontie à l'université de Séoul. "C'est une opération très complexe et potentiellement dangereuse (...). C'est malheureux de voir des personnes qui n'ont pas vraiment de dysharmonie dentaire y recourir juste pour avoir un joli et fin visage", dit-il. Les risques vont d'une simple perte de sensibilité à la paralysie. L'opération, plaide un médecin membre de la Société coréenne de chirugie plastique et réparatrice, "a été inventée pour corriger une déformation dentaire, mais on ne peut pas reprocher à quelqu'un de se faire opérer pour améliorer son apparence dans un pays comme la Corée du Sud où la beauté, surtout pour les femmes, prime sur tout le reste". Pour ce praticien s'exprimant sous couvert de l'anonymat, le nombre de plaintes n'est pas lié directement à la nature de l'opération mais au fait qu'un nombre croissant de femmes en font le choix. Un choix sous influence Selon une étude récente, 52% des opérées sont sujettes à des complications post-opératoires. Et l'agence de défense des consommateurs a enregistré 89 plaintes en 2012, contre 29 en 2010, un chiffre certainement très en deçà de la réalité. "Ma bouche se déplace vers la gauche et la zone maxillaire est engourdie", raconte une patiente sur un forum médical, photos à l'appui. "Je ne sens même pas quand la salive coule de ma bouche". L'an dernier, une étudiante de 23 ans opérée s'est suicidée, expliquant ne plus pouvoir mâcher ses aliments et s'arrêter de pleurer après le sectionnement accidentel d'un canal lacrymal. Selon la Société internationale des chirurgiens plastiques et esthétiques (ISAPS), la Corée du Sud connaît l'un des taux d'interventions les plus élevés au monde par habitant, derrière les Etats-Unis (numéro 1), le Brésil, la Chine, l'Italie, le Mexique et le Japon.