Dans la vie d'une personne, 19 ans signifie tout juste l'adhésion au club de la majorité. Dans celle d'un festival, qui a décidé de s'inscrire dans la durée, c'est à la fois une maturité acquise au fil des éditions et une quête de sang neuf, de nouvelles expressions d'art et de culture. Le Festival de Fès des musiques sacrées du monde, qui soufflera sa 19-ème bougie vendredi, ne peut déroger à la règle. Le choix justement de la culture andalouse pour guider le fil de ses festivités (7-15 juin) traduit bien cette dualité sagesse-renouveau. «La culture andalouse est celle par laquelle se rassemblent toutes les autres dans une même ingénieuse alchimie». C'est par ces mots que Mohamed Kabbaj, président de la Fondation Esprit de Fès, qui organise ce festival, tente d'expliquer les raisons de ce choix. «C'est elle qui a su, pendant plus de huit siècles, conjuguer culture amazigh, arabe, ibère, romaine et wisigothe, réunir dans un même creuset les cultures d'Orient et d'Occident, faire communier dans une même recherche de sens et de sagesses les différentes religions abrahamiques», argumente-t-il dans un habituel éditorial publié à l'approche de chaque édition. Plus encore, 2013 est une remarquable occasion. C'est en cette même année qu'est fêté partout en Andalousie et dans le monde le millénaire de la création du Royaume de Grenade par les Zirides. En anthropologue qu'il est, Faouzi Skalli, directeur général de la Fondation Esprit de Fès, lui, n'y va pas par quatre chemins pour baliser cette voie andalouse. Il avance qu' «il arrive que certains lieux et périodes de l'histoire restent dans la mémoire des hommes comme des séquences privilégiées au cours desquelles l'humain semble échapper à ses petitesses habituelles et marquer son passage d'empreintes qui deviennent source d'inspiration pour des générations et des siècles à venir». La traduction de ces argumentaires historico-culturels en chants et danses est pensée de manière à créer une sorte de communion artistique entre Fès et l'Andalousie. Pour commencer, un spectacle poétique, chorégraphique et musical intitulé +l'amour est ma religion+ pour donner le ton aux festivités. Mise en scène par Andrès Marin, l'un des artistes les plus significatifs du flamenco actuel, cette création réunira plus d'une trentaine d'artistes du monde arabo-andalou, soufi, amazigh et du flamenco espagnol. Ensuite, qui mieux que le grand Paco de Lucia, l'une des légendes encore vivantes du flamenco et l'un des meilleurs guitaristes au monde, pour transmettre l'âme de l'Andalousie. Son concert prévu le 9 juin à Bab Al Makina fait déjà parler de lui. Aux côtés des ingrédients andalous, la dimension universelle du festival sera bien présente dans le menu de cette 19ème édition. Des sommités de la musique et du chant viendront animer les après-midis et soirées du festival. L'on s'attend plus particulièrement à accueillir Patti Smith (USA), Assala Nasri (Syrie), Pandit Shyam Sundar Goswami (Inde), Aïcha Redouane et la tradition amazigh (France - Maroc), Rosemary Standley et Dom La Nena (France), Amina Allaoui (Maroc - Espagne), ou encore Ladysmith Chicago Gospel Experience (Afrique du sud - USA). En dehors des murs bien chargés d'histoire de l'incontournable Bab Al Makina, les festivaliers pourraient effectuer un véritable voyage musical et initiatique au cœur des maisons et Riads traditionnels de la médina. Des nuits soufies, qui se dérouleront durant toute la durée du Festival, permettront de clore les journées dans une ambiance chaleureuse, empreinte de spiritualité et de convivialité. Et encore cette année, la démocratisation du spectacle sera au rendez-vous. Le grand public, qui n'a pas les moyens de se payer les concerts de Bab Al Makina et autres sites, aura la possibilité de suivre des concerts gratuits sur diverses places populaires, dans le cadre du Festival dans la ville. Des expositions et projections sont aussi prévues et que l'on peut visiter durant la semaine du Festival dans différents endroits, comme par exemple à Dar Tazi ou au Musée Batha. Dans l'autre volet du festival, qui n'est que le bien suivi forum «une âme pour la mondialisation», un panel d'intellectuels triés sur le volet animera les débats programmés lors de cette édition. Axé sur le thème des «Nouvelles Andalousies : solutions locales pour un désordre global», le forum discutera des «nouveaux enjeux de la diversité», de la «définition d'un nouveau paradigme économique», ou encore de «Fès l'Andalouse : le développement par la culture».