En général, dans leur besoin de comprendre et d'expliquer le monde, tous les peuples se sont mis en quête de mythes. Seulement, comme on peut le constater, les mythes antiques, surtout en Orient, sont entourés de mystère et de crainte. Dans toutes les religions, aussi, on constate le dualisme du bien et du mal, plus ou moins nuancé selon les cultures. Au début, il y avait la liaison immédiate et spontanée du concept de la Fécondité et de la Destruction. Cette liaison est fragile, souvent suivie de ruptures et de luttes. Avec la civilisation mésopotamienne, la lutte devient la caractéristique essentielle, rompant la liaison fragile entre deux mondes condamnés à vivre ensemble, dans le même esprit. La Mésopotamie, terre des luttes La terre de la Mésopotamie est fragile, dépourvue de pierre et d'eau ; les peuples de l'Irak antique n'avaient que l'argile pour bâtir leurs constructions, et les deux fleuves pour irriguer leurs terres et se nourrir. Contrairement à l'Egypte relativement homogène et cohérente, la Mésopotamie, à cause de sa situation géographique, était vouée à la lutte, à l'instabilité, mais aussi aux échanges commerciaux et culturels. Cette civilisation est marquée, comme l'a souligné Gina Pischel, « par la prédominance alternée de races et de peuples variés, par leurs valeurs différentes, par une unité politique souvent précaire, et par de multiples contacts avec d'autres peuples ». (Histoire mondiale de l'art, p.23.). Cette prédominance ne s'est effectuée que par la force la guerre et la conquête. L'image la plus cruelle fut donnée par les Assyriens ; c'était un Etat despotique, totalitaire, dont l'économie était fondée sur le pillage. Les cités prises par les Assyriens étaient pillées puis livrées aux flammes. Enrichies par les butins de guerre et le nombre illimité des esclaves, les cités assyriennes prospérèrent. L'atrocité du pouvoir en Mésopotamie se voit aussi à travers le fameux Code d'Hammourabi, gravé sur une stele de diorite. Elle constitue avec la précarité du pouvoir et les luttes (entre les dieux, entre les peuples, entre l'homme et la nature), ainsi que le mystère et la crainte, les caractères essentiels de cette civilisation antique. L'homme et la bête La lutte se manifeste par la construction des digues, l'irrigation, la guerre et la chasse. La chasse, dans un certain sens, est héritée de la Préhistoire. Toutefois, en Mésopotamie, elle a pris une autre signification, celle de la virilité et de la bravoure. Le roi n'hésite pas à descendre de son char pour se mesurer avec les fauves, en corps à corps. Les artistes mésopotamiens, surtout les Assyriens, se sont montrés maîtres dans la représentation des sujets de la chasse. Ils ont su capter les moindres mouvements de la bête, au repos ou en action, avec une observation remarquable, mettant ici un lien entre la Préhistoire et les premières civilisations de l'humanité. Ce qu'ils aiment souligner dans ces bas-reliefs, nous semble-t-il, c'est cette lutte à mort entre l'homme et la bête, cette cruauté atroce qui les unit dans un duel tragique et cette agonie poignante de la bête transpercée par les flèches. Ces sujets de la chasse, où le duel entre les deux rivaux est souligné avec une étonnante expression sont significatifs. Au Paléolithique, ils symbolisent la destruction, avons-nous dit. Toutefois, ils deviennent parmi les sujets préférés des civilisations antiques, hautement développés par les Grecs et les Romains, en sculpture, admirablement décrits dans la poésie arabe. Ce n'est qu'à travers la Renaissance et le baroque qu'on a saisi la signification symbolique de ce duel entre l'homme et la bête, pourtant introduite par le mythe d'Œdipe, questionné par le Sphinx. Comme on va le voir en Egypte ancienne, et comme la magistralement développé Hegel, le Sphinx est le symbole proprement dit, puisqu'en lui, on voit la « bête humaine » (terme de Zola) qui s'acharne à anéantir en lui sa bestialité. Dans ce cas, du combat des arènes, sous l'Empire romain, entre l'homme et la bête, jusqu'à la corrida espagnole, en passant par la chasse organisée par les seigneurs et les nobles du Moyen-âge et de l'époque classique, il ne s'agit que de cet acharnement. Les schèmes de l'ascension Le centaure et la sirène sont des images de cette bête humaine, dont on fête l'union immédiate dans les orgies, et qu'on continue à combattre dans la tauromachie et la chasse. Cette union et ce duel entre l'homme et la bête se manifestent dans la conception mythique et la production esthétique depuis l'Antiquité. Ce qui fait distinguer cette conception de celle de la Préhistoire, ce sont les schèmes de l'ascension, symbolisés par les ailes et l'architecture ascensionnelle. De là, on peut nettement constater à travers les images symboliques populaires ou artistiques,, que les démons, les esprits malfaisants et les ogres sont souvent représentés en hommes mêlés aux bêtes, en un collage grossier et grotesque des membres humains à des fauves, et que les anges, les génies bienfaisants et les fées sont représentés en hommes (et des femmes également) beaux, sveltes et ailés, en une composition raffinée et douce. La plupart des mythes, des épopées et des récits épiques, évoquent et mettent en action la vie des êtres surnaturels, issus de l'imagination collective. Les Géants, les Cyclopes, Gilgamesh, Herakles, Saïf-dou-Yazan, Khali, la Belle et la bête, ont essayé, entre autres, de faire sortir l'homme de sa bestialité mythique, puis de le faire rehausser au stade des dieux et des anges. Les divinités de la Mésopotamie, comme celles de l'Egypte, de la Perse, de l'Inde et de la Chine, sont représentées en bêtes humaines ailées. Cependant, dans ces luttes entre l'homme et la nature, l'homme manifeste sa piété par une crainte permanente, par une obéissance passive envers les dieux, bienfaisants ou malfaisants, et par des cultes minutieusement organisés ; d'où la création en Mésopotamie de la magie, de la divination et de l'astrologie. D'où aussi, dans cette première civilisation, l'invention de l'astronomie, la médecine, la géométrie et surtout l'architecture ascensionnelle.