La première caractéristique du mythe est d'être ambiant, collé à la vie des hommes, les dominant en tout. Ceci est engendré par le sentiment religieux, vague et imprécis, dont sont habitués les peuples dits primitifs. L'art, chez ces peuples, est aussi dominé par le mythe ambiant, collé à la vie, régi par la sensation subjective, touchant tous les domaines de la création. La peinture dans cet art dit primitif est complémentaire de la sculpture, de l'architecture, du chant, de la danse. Il n'y a pas d'art autonome ; toute production primitive est symbolique, créée dans un champ d'activités artistiques symboliques, pour célébrer ou invoquer le mythe, dans un spectacle inconscient et spontané. La valorisation du spectacle Ainsi, le concept du spectacle est créé, dans sa formation primitive et archaïque, chez les peuples dits primitifs, avant toute autre forme d'art. il n'est qu'ébauche, balbutiement de l'art, une naissance de la vie artistique, mais il touche tous les domaines de l'art, dans une relation intime, spontanée et inconsciente. Etant donné que cette vision primitive s'est prolongée, surtout en Océanie et en Afrique, jusqu'au XIXème siècle et même au-delà, la conception du spectacle va prédominer dans plusieurs cultures contemporaines issues de cette vision, non seulement dans le théâtre ou le cinéma, dans la peinture ou la poésie, mais aussi dans les rites et les coutumes. Cela se voit nettement en Afrique actuelle, que ce soit au Maroc ou en Tunisie, au Sénégal ou au Cameroun. L'art en Afrique prend sa source du spectacle ; que ce soit Abdelkrim Berrechid ou Ousmane Sembene, Nass –al-Ghiwane ou Miryem Makeba, Senghor ou Tchicaya, Isyakhem ou Yusof Grillo, la plupart des artistes africains, sans le vouloir souvent, puisent leurs recherches dans le spectacle. Le concept qu'on en a donné ici est fort différent de celui qui est adopté en Occident. Le spectacle occidental se réfère à « l'image » avant tout, héritage de la culture grecque. Il est engendré par la conception occidentale, réaliste et théorique, où se dégage, ce que nous appelons par « l'anti-mythe ». Le spectacle africain est aussi différent de celui qu'adoptent les artistes orientaux. Ces artistes se réfèrent, pour la plupart au « verbe », à la prose et à la poésie, et l'image chez eux n'est souvent qu'accessoire. L'Afrique, berceau de l'humanité et de la culture, et créatrice du spectacle, située entre l'Orient, créateur du verbe, et l'Occident, créateur de l'image, est par conséquent la terre féconde de toutes les inspirations conceptuelles et artistiques. Elle sera aussi, espère-t-on, pour l'avenir, féconde de la synthèse et l'assimilation consciente de ces deux concepts fondamentaux, verbe et image, surtout, lorsqu'en elle, le rythme et l'expression continuent toujours de s'épanouir. Pour le moment, semble-t-il, l'artiste africain est encore en lutte, cherchant sa liberté et sa désaliénation. La symbolique selon Hegel Cependant, la deuxième caractéristique du mythe, qui est en même temps une évolution dans ce trajet anthropologique, est, comme l'a développé Hegel, la « fusion purement matérielle avec la nature ». Elle est spécifique à la première civilisation comme, à savoir la Mésopotamie, directement issue de la Préhistoire. Toutefois, dans son « Esthétique », en développant cette conception, Hegel désigne seulement la civilisation perse, et surtout l'art engendré par la religion de Zoroastre, où le symbolisme demeure encore inconscient. Dans l'esthétique hégélienne, où l'adoration directe de la nature, le culte de la nature et la vénération des fétiches ne sont pas de l'art », où l'art primitif et l'art mésopotamien ne sont même pas cités- par manque de documents en cette époque, sans doute- où l'art perse constitue la naissance de l'art, sans pour autant être considéré comme art, l'art des peuples de l'Orient forme l' « art symbolique ». Le symbole, dans un contexte défini par Hegel, « repose sur l'association directe de la signification universelle et, pour autant, spirituelle, et de la forme qui peut être adéquate ou inadéquate, mais dont l'inadéquation échappe encore à la conscience » (Voir Esthétique, vol. II. p.33). Ce qui caractérise l' « art symbolique », selon Hegel, « c'est qu'il représente une lutte de l'art vrai contre le contenu qui échappe encore à sa maîtrise et contre la forme inadéquate à ce contenu. Bien qu'associés en apparence, contenu et forme ne coïncident ni entre eux ni avec le vrai concept de l'art et manifestent une tendance souvent irrésistible à rompre leur précaire association ». (Esthétique, vol. II. p.26). On comprend par-là que l' « art symbolique », dont parle Hegel, est une vision artistique générale propre aux peuples antiques, exceptés les Grecs et les Romains, puisque cette vision est spécifique pour la Perse, l'Inde, l'Egypte, les Hébreux et le Monde islamique. Hormis l'Egypte, africaine par sa situation géographique, mais qui forme des liens historiques et culturels avec la Mésopotamie, à travers le Croissant fertile, et la civilisation islamique qui s'est étendue de l'Atlantique à l'Indus, les autres peuples sont orientaux.On comprend aussi par l' « art symbolique », spécifique chez ces peuples cités, que les arts et la conception artistique de l'Orient- et l'Egypte aussi- sont imprégnés de la conception mythique et du sacré. Comme la religion est évolutive (sentiment religieux, polythéisme puis monothéisme), la vision artistique aussi. Selon Hegel toujours, l' « art symbolique » (propre à l'Orient antique) constitue le symbolisme inconscient à travers la Perse, le symbolisme fantastique à travers l'Inde, le symbolisme proprement dit à travers l'Egypte pharaonique, et le sublime, qui est négatif chez les Hébreux et positif chez les Arabes.