Depuis la Guerre d'octobre 1973, Majdal Chams, chef-lieu des localités druzes de la partie du Golan syrien occupée et annexée par Israël, est resté paisible. Mais la fracture provoquée par la guerre civile en Syrie commence à se faire vivement sentir parmi les quelque 20.000 druzes du Golan qui, dans leur très grande majorité, ont refusé de prendre la nationalité israélienne et se considèrent comme syriens. «Imaginez quelqu'un qui refuse de parler à son propre frère à cause de disputes sur la Syrie», déplore Nour, une jeune étudiante de Majdal Chams. Ici, les familles sont divisées, les amis se querellent entre ceux qui soutiennent le président Bachar al-Assad et ceux qui prennent fait et cause pour les insurgés. «Avec qui es-tu?» La lancinante question revient sans cesse et beaucoup se fâchent avec leurs proches à cause d'elle. Un père a giflé son fils devant tout monde», raconte-t-elle. Les Druzes, une minorité dispersée entre la Syrie (3% de la population), Israël et le Liban, ont été longtemps considérés comme pro-Assad par loyauté au régime ou par crainte des islamistes radicaux parmi les rebelles. Les habitants de Majdal Chams préfèrent l'anonymat quand on demande leur opinion. «Je suis pour le peuple syrien et par conséquent pour Assad», confie un commerçant. «L'ASL (L'Armée syrienne libre, opposition) n'existe pas, ce n'est qu'une armée de Pakistanais, d'Afghans et d'Américains qui mènent le jihad (la guerre sainte)», estime ce Druze âgé de 30 ans. Une autre commerçante redoute une victoire des combattants islamistes radicaux du Front Al-Nosra, une organisation affiliée à Al-Qaïda selon Washington: «Ils vont arriver ici et croient que tous ceux qui ne sont pas de leur religion sont des infidèles qui doivent être tués». Le Front Al-Nosra contrôle une grande partie de la zone frontalière sur les hauteurs du Golan. «Je soutiens Assad et je suis pour des élections. S'il y avait un scrutin, le peuple choisirait Bachar», affirme la commerçante. Les combats se rapprochent Beaucoup de Druzes du Golan soutiennent le régime de Damas car ils refusent de reconnaître l'annexion par Israël de cette région conquise sur la Syriependant la Guerre des Six Jours de juin 1967 et où 20.000 colons israéliens se sont installés. Pour ce fermier, la révolte syrienne qui a débuté en mars 2011 n'est qu'»une conspiration à laquelle participent 130 pays». Et pour lui, les rebelles ne sont qu'»un gang armé soutenu de l'étranger par la France et l'Amérique». La tension est d'autant plus perceptible à Majdal Chams que les combats se rapprochent. Au moins onze Syriens, dont des combattants insurgés, ont été soignés dans des hôpitaux israéliens depuis un mois. Une unité de soins a été également discrètement installée près d'une base de l'armée dans le secteur frontalier. D'autres Druzes de Majdal Chams ne cachent pas qu'ils souhaitent la victoire de la rébellion. «Nous sommes contre Assad», affirme Fawzi Mahmoud, 42 ans. «Lorsque l'insurrection a démarré, Assad a montré son véritable visage: il est pire qu'un dictateur. Il tue tout le monde sans discrimination. Peu lui importe», proclame-t-il, en faisant allusion aux massacres attribués au régime d'Assad. La nuit, chez des habitants favorables aux insurgés, on entonne des chants de ralliement de l'opposition syrienne. En ville, un célèbre monument dédié à «la Grande révolution syrienne de 1925» se dresse à la mémoire d'un Druze qui conduisit le soulèvement contre le régime colonial français dans la région du Jawlan (Golan). Hier unis dans leur opposition à un pouvoir étranger, les Druzes sont aujourd'hui divisés par une guerre civile qui déchire la Syrie.