La bonne gouvernance revêt toute sa signification et son importance à la lumière de certains rapports, comme ceux que viennent de rendre publics le Conseil économique et social et la Cour des comptes. Portant sur certaines entités ou secteurs, comme la fiscalité et le domaine privé de l'Etat à propos duquel nous présentons, dans notre présent supplément, le dernier rapport de la Cour des comptes, ces rapports révèlent les lourdes pertes que subit l'Etat, et qui se chiffrent à des dizaines de milliards de dirhams, montant à même de compenser les déficits budgétaires, de financer la croissance de manière conséquente, d'assurer un investissement public sans emprunt et de créer des emplois et des richesses pour l'économie. Les manques à gagner en ressources financières pour l'Etat sont la contrepartie de montants de dépenses que celui-ci n'effectue pas pour résorber les déficits sociaux et subvenir aux besoins des populations vulnérables et pauvres. Ces rapports et d'autres constats relatifs à la mauvaise gestion des services publics, à la dilapidation des deniers de l'Etat et à la corruption mettent en avant l'impératif de la bonne gouvernance. Ces manques à gagner sont la conséquence de la mauvaise gouvernance des services publics et de l'absence de contrôle et de reddition des comptes. Evoquant la crise économique en Europe, ses conséquence sur les équilibres macroéconomiques du Maroc et ses besoins financiers, la Cour des comptes a rappelé que « pour faire face aux conséquences de la crise et aux pressions qu'elles exercent sur les dépenses publiques et sur les équilibres macro-économiques et financiers, des mesures s'avèrent nécessaires. Sur ce registre, la préservation des deniers publics via l'amélioration de la gestion des entités publiques, aussi bien au niveau central qu'au niveau local, constitue un facteur principal de redressement pouvant atténuer les effets négatifs de la crise actuelle. Ainsi, face aux nouveaux défis de la mobilisation des ressources publiques et de la maîtrise des dépenses de l'État, les juridictions financières sont invitées, plus que par le passé, à exercer un rôle plus accru dans la mise en oeuvre de la nouvelle gouvernance financière à travers les différentes missions de contrôle qui leur sont dévolues par la loi. Dans son rapport relatif à la maîtrise et sécurisation du domaine privé de l'Etat, la cour des Comptes rappelle que le législateur marocain n'a pas donné de définition juridique au domaine privé de l'Etat. Dans la pratique, le domaine privé de l'Etat est constitué des biens immobiliers et mobiliers dont l'Etat est propriétaire et ne faisant pas partie du domaine public régi par le Dahir du 1er Juillet 1914, ou du domaine forestier soumis au Dahir du 30 Octobre 1917. Dans sa gestion, le domaine privé de l'Etat est soumis au droit commun. La direction des domaines de l'Etat (DDE) relevant du ministère de l'économie et des finances, gère un patrimoine foncier estimé à près de 1.566.816 Ha (49.132 immeubles domaniaux) pour une valeur approximative de 500 Milliards Dhs. 68% de ce patrimoine est situé en milieu rural, 25% dans le périmètre suburbain et 7% dans le périmètre urbain. Par origine de propriété, le patrimoine privé de l'Etat est essentiellement constitué d'immeubles anciennement domaniaux et des terres récupérées dans le cadre du Dahir du 02 Mars 1973, soit respectivement près de 42% et 22% de la superficie globale. La mission de contrôle de la gestion menée par la Cour des comptes a porté sur les aspects relatifs à la maîtrise et la sécurisation du domaine privé de l'Etat. Elle a touché les services centraux et certaines délégations provinciales de la DDE et a abouti aux observations suivantes : La maîtrise de l'assiette foncière du patrimoine privé de l'Etat consiste en le recensement, l'identification et la connaissance de sa consistance exacte. L'appréciation de cet aspect a permis de relever que cette mission n'est pas complètement accomplie. En effet, à fin 2011, la DDE n'est pas en mesure d'identifier le patrimoine qu'elle gère, de produire un inventaire précis et de se prononcer sur le foncier disponible. Sa base de données du portefeuille immobilier n'est pas exhaustive et ne reflète pas avec précision la consistance de ce patrimoine. Cette situation provient essentiellement des facteurs suivants : - Non achèvement de l'apurement de la situation juridique du patrimoine privé de l'Etat. A fin 2011, seulement la moitié des biens est immatriculée. Les immeubles en cours d'immatriculation constituent près de 40%, mais bloqués, depuis plusieurs années, au niveau des différentes phases de la procédure d'immatriculation (Dépôt de réquisition, bornage, levé et établissement du titre foncier). - Non apurement des confiscations régies par le Dahir n°1.58.103 du 27 Mars 1958 notammentpar l'assainissement des sorties d'indivision. - Non transfert à l'Etat de propriétés de certains immeubles confisqués dans le cadre de l'exécution des jugements rendus à l'encontre des personnes condamnées dans des affaires de trafic des stupéfiants. - Non apurement de certains immeubles grevés de charges foncières (hypothèques, prénotations, saisies conservatoires, saisies exécutoires, commandements immobiliers). - Non assainissement du patrimoine mobilisé dans la cadre de la réforme agraire, d'une superficie de plus de 300.000 Ha, et ce depuis 1966. En effet, certains attributaires n'ont pas encore régularisé leurs situations vis-à-vis de la DDE alors que les contrats de cession des lots attribués remontent à plus de 40 ans. De plus, un certain nombre de lots n'a pas encore fait l'objet d'immatriculation au nom des bénéficiaires. - Non prise en charge, dans le sommier de consistance, d'immeubles situés à l'étranger, affectés au Ministère des affaires étrangères et de la coopération (Ambassades, consulats, logements de fonction du corps diplomatique). - Non suivi de l'utilisation réelle du patrimoine foncier affecté aux administrations publiques notamment par l'établissement d'un inventaire physique des aménagements et extensions opérées. Certains immeubles affectés ne sont plus utilisés, d'autres ont changé d'objet ou de destination. Les départements affectataires se comportent en tant que propriétaires de ces immeubles et préfèrent les garder pour d'éventuelles autres utilisations. Il s'agit notamment des immeubles affectés au ministère de l'agriculture et au ministère de l'éducation nationale. - Non fiabilité des données afférentes à la superficie disponible du domaine privé de l'Etat estimée au 04 juin 2012 à 703.422 Ha, soit 45% de la superficie totale. En effet, la DDE prend en charge certains immeubles, au niveau du sommier de consistance, en tant que patrimoine disponible, alors qu'ils sont occupés illégalement ou soumis à d'autres procédures de gestion (location, cession, affectation) ou en attente de radiation ou non encore identifiés. - Non apurement du foncier agricole provenant du transfert à l'Etat des terres récupérées dans le cadre du Dahir du 02 mars 1973. A ce titre, des discordances persistent entre la base de données de la DDE et celle de l'ANCFCC (Agence nationale de la conservation foncière, du cadastre et de la cartographie) (immeubles d'une superficie d'environ 88 Ha, récupérés par l'Etat demeurent, sur la base de données de la l'ANCFCC, inscrits aux noms d'étrangers, d'autres, d'une superficie de 2.362 Ha non pris en charge ni par la DDE, ni par l'ANCFCC).