La menace jihadiste reste bien présente jeudi dans la région de Gao (nord du Mali) au lendemain de la découverte d'un engin explosif de 600 kilos, alors qu'à Bamako, le capitaine putschiste Amadou Haya Sanogo, discret depuis un mois, revenait sur le devant de la scène. L'armée française a de son côté affirmé à Paris qu'elle se trouvait «dans une phase de sécurisation» des zones où elle est présente dans le nord du Mali, en particulier dans l'extrême Nord-Est, vers Tessalit, près de la frontière algérienne, où elle recueille également des renseignements. C'est dans cette région du massif des Ifhogas qu'ont trouvé refuge une partie des chefs et combattants jihadistes - notamment du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), un des groupes ayant occupé pendant plus de neuf mois ces zones avec Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) et Ansar Dine - après avoir fui l'avancée des troupes françaises et maliennes. Jeudi, les Etats-Unis ont annoncé avoir ajouté un des principaux commandants d'Aqmi, Yahya Abou El Hamame, à leur liste noire des personnes visées par leurs sanctions antiterroristes. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a salué l'action militaire française «réussie» au Mali, et exhorté Bamako à organiser des élections et discuter avec une partie de la rébellion dans le nord du pays. La question du scrutin a également été évoquée par Romano Prodi, envoyé spécial de l'ONU dans le Sahel, qui a insisté à Ouagadougou sur «la nécessité d'aboutir rapidement aux élections» dans le pays. Avant le Burkina Faso, M. Prodi s'était rendu mercredi au Sénégal, et jeudi en Mauritanie où il a annoncé la création d'un fonds destiné à aider le Sahel. Si Gao (1.200 km de Bamako) a été reprise aux islamistes le 26 janvier par les soldats français et maliens, quasiment sans combats, elle a ensuite été le théâtre des premiers attentats suicides de l'histoire du Mali et de violents combats de rue entre ces soldats et des combattants jihadistes infiltrés dans la ville. Mercredi, trois jours après ces combats de rue, l'armée française a désamorcé un énorme engin artisanal contenant 600 kilos d'explosifs, trouvé dans la cour d'une maison proche d'un hôtel où logeaient des journalistes étrangers. Pendant l'occupation de la ville en 2012 par le Mujao, cette maison a été habitée plusieurs semaines par «Abdulhakim», chef de la police islamique de Gao qui y a commis de nombreuses exactions au nom de la charia (loi islamique). Et dans une maison proche, d'autres importantes quantités d'explosifs ont également été trouvées, selon des militaires français. L'Unesco «mobilisée» pour le patrimoine L'armée malienne semblait se préparer à des opérations autour de Gao, dans des villages dont certains habitants seraient des islamistes ou leurs sympathisants. Selon des habitants de Kadji, un village proche de Gao, une île sur le fleuve Niger, habitée par les membres d'une secte musulmane radicale, sert de refuge à des jihadistes du Mujao, d'où ils peuvent mener des actions violentes dans la région. A Bamako, le capitaine Amadou Haya Sanogo, chef des auteurs du putsch du 22 mars 2012 contre le régime d'Amadou Toumani Touré, a refait surface après un mois de silence. Il a été investi mercredi à la tête d'un comité chargé de la réforme de l'armée malienne, divisée entre ses partisans et ceux du président renversé, en présence du chef de l'Etat par intérim, Dioncounda Traoré, du Premier ministre Diango Cissoko et de hauts responsables militaires. «Le comité militaire n'a aucune vocation politique et ne saurait se substituer à la chaîne de commandement militaire», a affirmé le capitaine tandis que le président Traoré a précisé que ce n'était pas «un prolongement» de la junte des putschistes ayant gardé le pouvoir deux semaines. Le capitaine Sanogo a accepté de quitter son quartier général de Kati (près de Bamako), pour s'installer au siège de l'état-major des armées dans la capitale où il est plus facilement contrôlable selon des sources diplomatiques et militaires. En visite à Dakar, Irina Bokova, directrice générale de l'Unesco, a pour sa part affirmé que son organisation était «très mobilisée» pour reconstruire les mausolées et sauver les manuscrits de Tombouctou dont une partie a été détruite par les islamistes.