Des groupes rebelles centrafricains ont pris et pillé mardi la ville minière de Bria (centre) et menacent désormais le régime de François Bozizé, qui a appelé l'armée tchadienne, arrivée mardi soir, à son secours. Après plusieurs années de relative accalmie depuis les accords de paix signés à partir de 2007, les rebelles de la coalition Séléka, qui avaient déjà attaqué Ndélé et d'autres villes du Nord la semaine dernière, ont pris d'assaut, à l'aube, Bria, ville de 30.000 habitants, dans la principale zone diamantifère du centre. Coalition de plusieurs factions, le Séléka («alliance») menace de renverser le gouvernement du président François Bozizé, exigeant «le respect» de différents accords de paix signés entre 2007 et 2011. Ces accords prévoyaient notamment le désarmement et la réinsertion des combattants, mais un de ses membres a récemment affirmé que «rien» n'avait été fait «pour (les) sortir de la misère». Cette avancée rebelle face à des Forces armées centrafricaines (FACA), en débandade, a conduit le président François Bozizé à faire appel son fidèle allié, le Tchad du président Idriss Deby, dont l'armée est rompue aux combats. Les soldats tchadiens avaient déjà aidé Bozizé lors de sa prise de pouvoir à Bangui en 2003 et étaient intervenus pour expulser les rebelles de la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP) de Birao, capitale du nord, fin 2010. «Des éléments de l'armée de terre tchadienne lourdement armés, à bord d'une vingtaine de véhicules, sont arrivés en milieu d'après-midi à Kaga Bandoro (centre)», selon une source militaire centrafricaine. De même source militaire, ils «ont pour mission de renforcer les forces armées centrafricaines dans la contre-attaque pour reconquérir les villes tombées aux mains des rebelles». M. Bozizé «était attendu en début de soirée à Kaga Bandoro pour saluer les troupes alliées avant leur départ vers les zones occupées», de même source. D'après le Haut-Commandement militaire, les rebelles «se livrent à des pillages de magasins et sont suivis par certains habitants qui (en) profitent» à Bria. Jointe par téléphone, une habitante, Christelle Padoundji, 28 ans, affirme que «Les habitants qui le peuvent ont déjà quitté la ville. Ceux qui sont restés sont terrés chez eux.». Les rebelles du Séléka ont parcouru quelque 300 kilomètres depuis Ndélé vers le sud-est pour rallier Bria. S'ils restent à distance de la capitale Bangui, située à plus de 400 km, ils font planer une vraie menace de déstabilisation du pays, la fragilité des forces armées - sous payées, peu équipées et mal encadrées - n'étant plus à démontrer. Selon des sources militaires concordantes, l'armée régulière «a opéré un repli» vers Bambari (centre sud), place forte de l'armée. «Tel que c'est parti, seule une intervention étrangère peut sauver le régime», estimait un officier supérieur qui témoigne sous couvert de l'anonymat de l'état d'esprit qui règne au moins au sein d'une partie des troupes: «Personne ne veut servir de chair à canon», poursuit-il.. La coalition Séléka a été créée en août par trois factions rebelles dont la CPJP et la faction dissidente de l'Union des forces démocratiques pour le rassemblement (UFDR). A Bangui, les députés ont organisé une marche pacifique sur près de dix kilomètres pour apporter leur soutien au pouvoir mais aussi demander «des négociations» avec «ceux qui ont pris les armes». Pour l'universitaire Isidore Mbamo, «il faut voir dans les attaques rebelles des velléités de révolte d'une bonne partie de la population. C'est en réalité une insurrection qui prend forme progressivement et qui est loin de s'arrêter». «Il est à craindre qu'on ne revienne à la case de départ, comme en 2003 puisque les jeunes désoeuvrés, démunis, ou les ex-combattants en attente de réinsertion, peuvent être tentés de se joindre à cette sorte d'insurrection», conclut-il. Le Bureau des Nations unies pour la coordination des Affaires humanitaires (Ocha) a souligné que «des centaines de personnes ont fui leur domicile» dans le nord du pays après les attaques et s'est dit «profondément préoccupé par les conséquences humanitaires». La Centrafrique était engagée depuis 2008 dans un processus de paix après des années d'instabilité, de multiples rébellions, mutineries militaires et putsch qui ont ravagé son tissu économique et social. L'actuel chef de l'Etat, le général François Bozizé, a pris le pouvoir par un coup d'Etat en 2003, avant d'être élu président en 2005, puis réélu en janvier 2011.