La décision du ministre de la Justice et des libertés de procéder à des prélèvements sur les salaires des grévistes a suscité une vive polémique sur la légalité d'une telle démarche, le ton étant monté d'un cran entre les défenseurs du droit de grève et ceux qui font valoir la continuité d'un service public étroitement lié aux citoyens. Cette démarche a remis au coeur du débat la nécessité d'accélérer le processus de promulgation de la loi régissant le droit de grève de sorte à déterminer avec précision les conditions et les modalités d'exercice de ce droit constitutionnel. Au demeurant, elle n'a fait qu'exacerber le climat de tension dans le secteur de la justice qui a connu ces derniers temps une vague de sit-in et de grèves, dont le dernier en date fut le sit-in ouvert, avec grève de la faim, observé au siège de ce département à l'appel du Syndicat démocratique de la justice, un des plus représentatifs. Le même syndicat envisage d'organiser une grève nationale de 24 heures vendredi prochain dans tous les tribunaux du Royaume. Si la grève est un droit constitutionnel auquel on peut avoir recours chaque fois qu'un processus de négociation se trouve dans l'impasse, le prélèvement sur salaire devrait être, de l'avis des observateurs, le dernier choix à faire tant la grève anarchique demeure intolérable dans des services publics importants pour les citoyens. Ce constat rend nécessaire la mise en place d'un cadre juridique à même d'assurer le fonctionnement normal des institutions et le droit d'accès des citoyens aux services vitaux comme l'éducation, la santé et la justice. Dans une déclaration à la MAP, le secrétaire général du Syndicat démocratique de la justice, Abdessadek Saidi a indiqué que «la décision de prélèvement sur les salaires des grévistes se base sur une série de décrets, de circulaires et de décisions de la justice administrative se rapportant à l'absence de travail injustifiée, alors qu'en l'état actuel des choses, il s'agit de l'exercice d'un droit constitutionnel». Le ministre de la justice avait lors d'un point de presse indiqué que les prélèvements sur les salaires des grévistes est une décision irréversible fondée sur la loi et les pratiques démocratiques, soulignant que son département veille à la mise en oeuvre de cette décision qui concerne 2.771 greffiers. Selon lui, la grève des fonctionnaires du ministère de la Justice et des libertés en 2012 a coûté 10.877.344 DH et des heures de travail perdues estimées à 472.928. Si la décision de prélèvement trouve son fondement, comme l'a annoncé le ministre, sur le principe «à travail égal, salaire égal», le responsable syndical a pour sa part qualifié cette décision de «politique» car ne reposant sur «aucune base légale», appelant à mettre en place la loi organique relative à la grève question qui s'avère d'urgence dans le secteur de la justice. Dans son article 29, la constitution stipule que les libertés de réunion, de rassemblement, de manifestation pacifique, d'association et d'appartenance syndicale et politique son garanties et que «la loi fixe les conditions d'exercice de ces libertés. Le droit de grève est garanti. Une loi organique fixe les conditions et les modalités de son exercice». Pour trouver une issue à cette impasse, le gouvernement a annoncé en mars dernier la création d'une commission interministérielle chargée d'examiner le dossier pour faire une proposition avant la fin de l'année en cours. Le projet de loi organique reconnaît le droit de grève garanti par la Constitution, préservant ainsi le droit des grévistes, la liberté du travail des non-grévistes et les droits des employeurs, en plus de mesures visant à assurer un service minimum en temps de grève, notamment dans le secteur public. Le projet de loi organique ambitionne de développer une vision claire pour éviter les grèves anarchiques de sorte à préserver le droit de grève et le droit de travail conformément aux dispositions de la loi. M. Saidi, qui considère que les revendications des grévistes sont professionnelles et sociales qu'il convient de régler par des négociations sérieuses, a fait part de la volonté du syndicat, qui a organisé en octobre 2011 l'initiative «un mois d'octobre sans repos» de rattraper le retard causé par ce mouvement de grève afin de créer une mobilisation nationale et consacrer le principe de «la justice au service du citoyen». Pour sa part, la fédération nationale du secteur de la justice a exprimé son rejet de la décision de prélèvement sur le salaire des grévistes, d'autant plus que la loi régissant la grève n'a pas encore été promulguée.