Des accrochages entre hommes armés ont fait sept morts depuis dimanche soir au Liban, où l'armée a averti qu'elle serait intraitable face aux risques de chaos provoqués par le décès du chef des renseignements vendredi dans un attentat. Après les obsèques à Beyrouth de Wissam al Hassan, qui ont tourné aux manifestations violentes contre le gouvernement accusé de collusion avec la Syrie, six personnes ont trouvé la mort à Tripoli et un homme a été tué dans le sud de Beyrouth, selon des responsables de la sécurité et des sources médicales. Dans un communiqué, l'armée a estimé lundi que le pays traversait une période critique et appelle «tous les dirigeants politiques à la prudence dans l'expression de leurs positions et opinions». Tout en invitant les responsables politiques à trouver une solution à la crise, l'armée a averti qu'elle ne tolérerait «aucune violation de la sécurité et qu'elle agirait pour sauvegarder la paix nationale» en prenant des «mesures résolues» pour empêcher le chaos dans les zones de tension. Au lendemain de la tentative d'assaut des bureaux du Premier ministre, Nadjib Mikati, des hommes armés ont dressé des barricades dans plusieurs quartiers de Beyrouth et d'autres villes pour bloquer les grands axes. Dans la matinée, cinq personnes ont été blessées dans des échanges de tirs en lisière de Tarik al Djadida, un quartier sunnite du sud de la capitale qui jouxte des faubourgs chiites, après une nuit marquée par des fusillades nourries entre des groupes d'hommes armés de fusils et de lance-roquettes. L'armée a annoncé ensuite avoir abattu dans le même quartier un Palestinien d'un camp de réfugiés qui avait ouvert le feu sur eux. Le reste de la ville était étrangement calme, épargnée par ses habituels embouteillages, de nombreux habitants étant restés chez eux par crainte des violences. Policiers et militaires étaient postés à de nombreux carrefours. A Tripoli, où le conflit syrien a déjà provoqué par ricochet des heurts sanglants entre partisans et adversaires de Damas, six personnes ont péri et une cinquantaine d'autres ont été blessées dans des affrontements entre le quartier sunnite de Tabbaneh et celui majoritairement alaouite de Djebel Mohsen. Une fillette de neuf ans a été tuée par un tireur embusqué. Ces heurts illustrent les tensions provoquées au Liban par la guerre civile en Syrie, qui oppose le clan de Bachar al Assad issu de la minorité alaouite à une population majoritairement sunnite. Damas exerce une forte influence chez son voisin depuis la guerre civile libanaise (1975-1990). L'opposition accuse le régime de Bachar al Assad d'être le commanditaire de l'attentat à la voiture piégée qui a coûté la vie vendredi à Wissam al Hassan, chef des services de renseignement des Forces de sécurité intérieure libanaise et adversaire du pouvoir syrien. Elle reproche aussi à Nadjib Mikati, dont le gouvernement comprend des membres du Hezbollah, allié de Damas, d'être trop proche de la Syrie. Wissam al Hassan, qui était âgé de 47 ans, était à l'origine de la mise au jour, en août, d'un complot syrien censé déstabiliser le Liban, qui a conduit à la mise en examen d'un ancien ministre libanais, Michel Samaha, et du Syrien Ali Mamlouk, chef du bureau de la sécurité nationale syrienne, et accentué la crainte que la Syrie cherche à exporter le conflit qui fait rage chez elle. Damas et le Hezbollah ont condamné son assassinat. Les violences ont éclaté dimanche à Beyrouth après un discours de l'ex-Premier ministre Fouad Siniora, qui a affirmé devant les milliers de personnes rassemblées sur la place des Martyrs pour les obsèques de Wissam al Hassan qu'aucun dialogue ne serait possible sans démission préalable du gouvernement. Des participants ont ensuite pris la direction des bureaux du Premier ministre, lançant des barres métalliques, des pierres et des bouteilles en direction des forces de l'ordre, qui ont répliqué par des tirs de sommation et des gaz lacrymogènes. Le chef de l'opposition, Saad Hariri, a lancé un appel au calme et a demandé à ses partisans de rentrer chez eux. «Nous voulons la paix, le gouvernement doit tomber mais nous voulons que cela se produise de manière pacifique», a-t-il dit à la télévision. Nadjib Mikati a déclaré samedi avoir présenté sa démission pour permettre la formation d'un gouvernement d'unité nationale. Il a toutefois accepté de rester en poste à la demande du président Michel Souleïmane le temps d'organiser des pourparlers destinés à sortir de la crise politique. Les ambassadeurs des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'Onu ont rencontré Michel Souleïmane lundi et ont appelé les dirigeants libanais à résoudre pacifiquement la crise. Interrogé sur les chances de survie du gouvernement Mikati, un diplomate occidental a répondu : «Ses chances de s'en sortir à court terme semblent plus probables aujourd'hui qu'hier. Il faudra du temps pour former un consensus sur une alternative et dans l'intervalle il faudra du temps pour ramener l'ordre.»