Le Conseil Economique et Social vient de publier son premier rapport (2011) qui a pété présenté dernièrement à Sa Majesté le Roi par son Président, M. Chakib Benmoussa. Le CES y consacre une partie intitulée Focus 2011 à la question des « jeunes et mécanismes d'inclusion ». Le Conseil justifie le choix de ce thème par plusieurs considérations d'ordre juridique, économique et social qui font de celle-ci une question centrale et qui sont exposées ci-après. Les remarques et constats dressés par le CES se prévalent de pertinence et les analyses de cette question découvrent des réalités qui est nécessaire aujourd'hui d'exposer avec objectivité et franchise, et ce d'autant que le CES recommande, lui-même, ailleurs dans son rapport, de « faire prévaloir le langage de vérité à l'intention des citoyens et des acteurs sociaux ». Les jeunes Marocains rencontrent de grandes difficultés au cours de leur inclusion dans la vie publique, dans la quête d'un savoir utile, dans la recherche d'un emploi, l'accès aux services publics de base, ou encore la participation aux institutions représentatives et politiques. La jeunesse a exprimé ces difficultés sous la forme de mouvements de protestation collective mobilisant de larges catégories de jeunes et contribuant, dans un contexte régional et international perturbé et en crise, à une évolution politique qui a été marquée par le discours royal du 9 mars 2011 puis l'adoption d'une nouvelle constitution le 1er juillet 2011 et l'organisation d'élections anticipées. Le Maroc connaît des transitions diverses sur tous les plans : politique, par l'adoption de la nouvelle Constitution ; sociodémographique, dans la structure de la famille, l'urbanisation en progression, la montée des inégalités sociales ; économique, à la faveur des grands chantiers et des changements dans les structures de production ; culturel, à travers la reconnaissance de la diversité culturelle et l'ouverture médiatique ; territoriale, avec la refondation de l'Etat marocain sur les bases de la régionalisation avancée. Ces mutations se heurtent à un ensemble de contraintes dans les domaines de la gouvernance, de l'enseignement, de l'économie et de l'inclusion, qui entravent l'accompagnement stratégique des mutations en cours. Ces entraves, ou « noeuds » (comme les dénomme le Rapport du Cinquantenaire), sont imputables à des politiques publiques offrant rarement les conditions de continuité et de persévérance dans l'effort. Or, force est de relever que les jeunes ont été la catégorie sociale qui a pâti le plus de ces mutations et qui a le plus souffert de ces déficits de gouvernance et de développement. Si d'aucuns vont jusqu'à parler de générations sacrifiées, les faits illustrent bien que les jeunes étaient plutôt exclus des efforts de modernisation et que leur insertion sociale et économique a été marquée, durant les décennies écoulées, par une faiblesse notable dans l'encadrement éducatif, politique, culturel et sportif. Considérant la question de la jeunesse comme un axe central de son action, le CES a souhaité lui consacrer le focus thématique de son premier rapport annuel. Trois éléments de contexte fondent par ailleurs ce choix et justifient toute sa pertinence. D'une part, l'article 33 de la nouvelle Constitution insiste sur la nécessité d'« étendre et généraliser la participation de la jeunesse au développement social, économique, culturel et politique du pays, aider les jeunes à s'insérer dans la vie active et associative et prêter assistance à ceux en difficulté d'adaptation scolaire, sociale ou professionnelle, et faciliter l'accès des jeunes à la culture, à la science, à la technologie, à l'art, au sport et aux loisirs, tout en créant les conditions propices au plein déploiement de leur potentiel créatif et innovant dans tous ces domaines ». D'autre part, l'article 2 du Dahir instituant le CES stipule que le Conseil doit « présenter des propositions dans les différents domaines liés aux activités économiques, sociales et culturelles, et au développement durable », mandat qui interpelle à plusieurs égards les questions qui intéressent la jeunesse, la frange la plus importante et la plus dynamique de la société. Enfin, à la lumière des travaux effectués par le CES, qui s'est employé, depuis son installation, à l'élaboration d'une nouvelle charte sociale définissant des normes à respecter et de grands contrats structurants à conclure, et eu égard à l'intérêt particulier accordé par les composantes du Conseil à deux sujets touchant directement les jeunes et l'inclusion -l'emploi des jeunes et l'inclusion par la culture -, le Conseil a veillé à l'élaboration de rapports et de propositions prônant une société plus intégrative, mettant les jeunes au coeur des politiques publiques, où les droits humains sont respectés, et dans laquelle les jeunes s'engagent de manière positive. Ce rapport se propose de relever et diagnostiquer quelques aspects de l'état des lieux de la jeunesse marocaine, en mettant notamment en évidence certaines formes de carence et de déficit dont ils souffrent dans leur inclusion sociale. Il passe en revue des pistes et des visions susceptibles d'assurer la réussite de l'inclusion des jeunes dans la vie économique, sociale et civique. Ce rapport, en voulant approcher les grandes questions qui intéressent les jeunes et diagnostiquer les problèmes qui semblent importants dans le processus de leur inclusion, ne prétend en aucune manière présenter des réponses globales ou proposer des solutions toutes faites. Il a pour finalité principale d'attirer l'attention des acteurs politiques, économiques et sociaux sur l'urgence de la question de la jeunesse au Maroc d'aujourd'hui. La jeunesse n'est pas facile à définir avec précision, du fait qu'il ne s'agit pas d'une catégorie une et homogène, mais de catégories multiples, qui se rapprochent ou s'éloignent les unes des autres par le genre, le lieu de résidence, la situation sociale, le capital culturel et la situation économique. C'est pourquoi cette catégorie est identifiée comme incarnant « la transition » vers la maturité et vers l'entrée dans la vie publique : les membres la composant sont supposés changer leur situation en passant de l'école au travail, et de la famille initiale à la constitution d'un nouveau foyer familial indépendant.