Un véritable challenge attend les médecins universitaires du Maroc, particulièrement les gynécologues obstétriciens. Qui sera le premier des 5 Centres Hospitaliers Universitaires du Maroc (Rabat, Casablanca, Marrakech, Fès et Oujda), qui offrira sa première reconstruction du sein ou prothèse, à une femme Marocaine, qui relève du régime RAMED, qui a subi une ablation du sein suite à un cancer ? Ce ne sera pas un luxe mais une nécessité car, dans certains milieux sociaux, cette femme risque en plus du cancer, la répudiation, le divorce et dans le meilleur des cas, sombrer dans la dépression Il est 11H du matin, ce mercredi de septembre 2012, nous sommes dans l'une des 4 salles du bloc opératoire de la maternité Souissi de Rabat. L'équipe du Pr. Driss FERHATI, chef du service de gynécologie obstétrique, prépare une troisième malade, qui avait subi une ablation de sein suite à un cancer il y a plus de 10 ans, pour bénéficier d'une reconstruction mammaire. Toute l'équipe, médecins, infirmiers, anesthésistes et techniciens, sont regroupés autour du Dr Marc QUILLOT, médecin gynécologue obstétricien français en mission de formation médical continue au CHU de Rabat et qui a une longue expérience en matière de reconstruction mammaire. Le besoin des équipes marocaines pour le développement des différentes techniques de reconstruction mammaire, émane d'une constatation sur laquelle s'accordent les spécialistes de la cancérologie au Maroc, comme ailleurs à travers le monde : Aujourd'hui on traite bien le cancer du sein, mais pas la femme qui a un cancer du sein. Car, beaucoup de femmes qui subissent une ablation du sein, présentent un état de dépression, se sentent dépossédées de leur féminité, d'autant plus qu'elles subissent des affronts sociaux, tel un divorce ou l'abandon par leur conjoint. Et si au Maroc, il n y a ni statistiques ni consensus quant à la pratique de la reconstruction mammaire, la Haute Autorité de santé (HAS) en France, considère que la reconstruction fait partie intégrante du traitement et doit être évoquée dès les premières consultations avec le chirurgien, lorsque les options de traitement sont envisagées (chirurgie, chimiothérapie, radiothérapie..). Pour s'approcher de cette option scientifique reconnue mondialement, il vaudrait mieux informer les femmes sur les différentes techniques disponibles et améliorer les compétences des médecins Marocains, indique Pr Driss FERHAT. Car le choix de la technique de reconstruction dépend de nombreux paramètres, en particulier des traitements qui viennent s'ajouter à la chirurgie initiale. La technique de reconstruction la plus pratiquée est l'implantation d'une prothèse en gel de silicone. Au Maroc, elle est relativement bien développée dans le secteur libéral et reste balbutiante dans le secteur public. Pourtant, l'intervention est simple et les risques de nécrose désormais très faibles. Cependant, lorsqu'une radiothérapie est nécessaire, l'intervention ne peut être pratiquée au même moment que la mastectomie (ablation du sein), car les implants supportent mal les radiations. Par ailleurs, la peau irradiée est de mauvaise qualité et en quantité insuffisante pour introduire un implant. Elle sera donc envisagée entre six mois et un an après la fin des séances radiothérapie. Mais depuis quelques années, des techniques utilisant uniquement les tissus de la patiente pour reconstituer le volume initial du sein sont apparues, pour éviter le recours aux implants. De nombreuses femmes sont en effet réticentes à ces derniers, qu'elles considèrent comme un corps étranger indésirable ou simplement perçu comme froid et d'un toucher peu naturel. En outre, les prothèses ont une durée de vie limitée et doivent être remplacées après dix ou quinze ans. Enfin, ces nouvelles reconstructions par tissu autologue (de la patiente elle-même), peuvent se pratiquer en même temps que la mastectomie, même lorsqu'une radiothérapie est envisagée, et évitent ainsi une nouvelle intervention qui peut se révéler traumatisante pour celles qui ont déjà subi le choc de la mastectomie. La maîtrise des différentes techniques de reconstruction du sein par des praticiens hospitaliers marocains, particulièrement du secteur public, offre la possibilité dans le cadre du programme RAMED, de faire bénéficier des femmes qui n'ont pas de moyens financières, de ce genre d'opérations chirurgicales, qui leur rendra une part de féminité, qui, dans leur cas, n'est pas un luxe mais une nécessité. Cela suppose également que les CHU du Royaume et les hôpitaux qui relèvent du ministère de la santé et disposant d'équipes de gynécologie rodées à ce genre d'opérations, puissent prévoir dans leurs budgets le matériel nécessaire pour ce genre d'activités, qui ne peut que tirer vers le haut la médecine marocaine. Pr. FERHATI Driss, gynécologue obstétricien à la maternité Souissi du Centre hospitalier Ibn Sina