Le gouvernement français dévoilera mercredi le premier budget d'un quinquennat marqué du sceau de la rigueur, un texte qui vise à trouver des milliards d'euros pour tenir les objectifs de réduction du déficit malgré le ralentissement de l'économie. Cette loi de finances rectificative pour 2012 n'est que la première étape d'une longue série de textes qui rogneront les dépenses et augmenteront les impôts tout au long du quinquennat jusqu'à atteindre l'équilibre des comptes publics en 2017, ce qu'aucun gouvernement français n'a réussi à faire depuis 1974. «Si vous voulez me faire dire que ce sera dur, ce sera très dur», résumait Jérôme Cahuzac, aujourd'hui ministre délégué au Budget, lors d'un entretien à Reuters avant la présidentielle. Réduire le déficit public de la France à 4,4% du PIB fin 2012 et 3,0% fin 2013 comme prévu dans le programme de stabilité suppose d'accentuer l'effort sur les dépenses et des hausses d'impôts, estime la Cour des comptes dans son audit présenté lundi. Selon la Cour, 6 à 10 milliards d'euros de recettes pourraient manquer pour tenir l'objectif cette année. Pour 2013, l'ajustement nécessaire est tel qu'une hausse temporaire d'impôt type TVA ou CSG pourrait être envisagée, ajoute-t-elle. «La mise en oeuvre d'une trajectoire de retour des comptes publics à l'équilibre d'ici 2016-2017 est un élément central de la crédibilité de notre pays», note la Cour. Son audit s'appuie sur la prévision d'un déficit à 4,4% en 2012 et la date de 2016 pour le retour à l'équilibre, qui figurent dans le programme de stabilité du précédent gouvernement. Il ne prend pas en compte le programme de François Hollande ni les mesures annoncées depuis son élection. François Hollande a dit prévoir un déficit à 4,5% fin 2012 (après 5,2% fin 2011), 3,0% fin 2013 et l'équilibre fin 2017, ce qui serait une première pour un gouvernement français depuis 1974. Selon la Cour des comptes, le risque de 6-10 milliards d'euros sur les recettes en 2012 s'explique par un trop grand optimisme sur la réaction des recettes à la croissance, en particulier pour l'impôt sur les sociétés, et par le ralentissement de la croissance elle-même. Le risque sur les dépenses du budget général est estimé entre 1,2 et 2 milliards d'euros, un montant comparable à ceux des exercices précédents, que la Cour recommande de neutraliser en redéployant des crédits. Quant aux comptes sociaux, ils ne présentent pas de risque grave de dérapage, estime la Cour, qui souligne néanmoins une forte incertitude sur l'évolution des comptes de l'assurance chômage en raison du ralentissement de l'économie. Le gouvernement devrait annoncer mercredi la création d'une nouvelle taxe sur les stocks pétroliers, relever la taxe systémique sur les banques et la taxe sur les transactions financières, porter le forfait social sur la participation et l'intéressement de 8% à 20% et revenir sur des baisses d'impôts. Le barème de l'impôt sur la fortune (ISF) serait relevé, le régime des successions durci, l'exonération de charges des heures supplémentaires supprimée dans les entreprises de plus de 20 salariés et une taxe sur les dividendes devrait être créée. « Le risque d'une spirale négative » L'opposition aimerait comprendre comment l'exécutif tiendra les dépenses, après avoir arrêté la politique de réduction du nombre de fonctionnaires, augmenté l'allocation de rentrée scolaire et donné un léger «coup de pouce» au smic. Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a déjà donné quelques grandes orientations, même si les réponses précises viendront après les vacances d'été, avec le budget 2013. Selon Jean-Marc Ayrault, la dépense de l'Etat sera gelée en valeur de 2013 à 2015, hors charge de la dette et retraites des fonctionnaires, ce qui supposera une baisse de 7% des dépenses de fonctionnement l'an prochain, puis 4% en 2014 et 4% en 2015, et un «effort de même ampleur» sur les dépenses d'intervention, des coupes supérieures à celles réalisées sous Nicolas Sarkozy. «En termes de réduction des dépenses, il va falloir regarder très précisément l'écart entre les annonces et les résultats», déclare le dirigeant d'une banque d'affaires parisienne. «Il y a des annonces relativement sérieuses mais, sur un fond de conjoncture économique qui se dégrade sérieusement depuis la mi-avril, c'est très, très difficile», ajoute-t-il, en soulignant le risque d'»une spirale négative, vicieuse, récessive: moins de revenus, moins de fiscalité, plus d'impôts, moins de revenus, et ainsi de suite». Si la croissance pourrait cette année être proche de la prévision gouvernementale -l'Insee prévoit 0,4% et le gouvernement 0,5%- le gouvernement a prévu d'abaisser bientôt sa prévision pour 2013, actuellement de 1,7%. «L'Insee vient de publier son diagnostic : il prévoit 0,4% en 2012. Mercredi, le chiffre que nous retiendrons dans le projet de loi de finances rectificative sera de cet ordre», déclare le ministre des Finances, Pierre Moscovici, dans un entretien dans l'édition de lundi du Figaro. «Quant à 2013, tout le monde sait que nous n'atteindrons pas 1,7%. Tabler sur une progression du PIB comprise dans une fourchette de 1% à 1,3% -retenue par toutes les grandes institutions- paraît plus crédible», ajoute-t-il. Chaque point de croissance en moins représente environ un demi-point de déficit en plus, soit autant d'effort supplémentaire à fournir pour tenir ses engagements européens.