La prestation télévisée du chef de gouvernement, M. Abdellilah Benkirane, sur la hausse des prix des carburants, a-t-elle pu convaincre ? Pas si sûr tant que certains arguments avancés et la réalité sur le terrain ne font pas bon ménage. M. Benkirane était dans le vrai lorsqu'il a affirmé, s'appuyant sur le seul aspect comptable, que la hausse des prix des carburants -qui intervient, certes, dans une conjoncture internationale assez difficile- «permettra d'éviter une réduction du budget d'investissement qui pourra avoir des retombées désastreuses», et qu'en l'absence d'une telle décision le déficit budgétaire atteindrait les 7,5%. Par contre, les propos du chef de gouvernement manquaient de réalisme lorsqu'il a soutenu que la hausse des prix des carburants est une décision «à portée limitée et ne se répercutera pas sur les prix du transport des personnes et des marchandises». Car c'est bien le contraire qui s'est produit et qui se produira encore. Pour preuve, la décision de la Fédération du Transport de la CGEM d'augmenter le prix de revient du transport routier de marchandises de 10% ; une décision mise à exécution le 2 juin 2012, soit le jour même de l'entrée en vigueur de l'augmentation des prix des carburants. Le lien de cause à effet étant évident, cette hausse de 10% se répercute inévitablement sur les prix de plusieurs produits de consommation à des taux différents et incontrôlés, et ce n'est qu'un début. Idem pour le transport de voyageurs, la FT-CGEM a retenu une hausse de 7%. Déjà au niveau interurbain, les grands taxis ont appliqué, dans plusieurs villes, des augmentations sans qu'ils n'y soient autorisés et selon leur propre arbitre. M. Benkirane s'est voulu rassurant en affirmant, de bonne foi, l'engagement du gouvernement à assurer sa mission de contrôle pour lutter contre toute forme de spéculation. Mission plutôt difficile, faut-il le reconnaître, eu égard aux difficultés objectives qui entravent sa mise en oeuvre, à l'image de l'incapacité, jusqu'ici, des pouvoirs publics d'obliger tous les intermédiaires et transporteurs des fruits et légumes à faire transiter leur marchandise par les marchés de gros. Autre point qu'il faudra bien expliquer aux citoyens est le lien fait entre la hausse actuelle des prix du gasoil, de l'essence et du fuel industriel et la réforme de la Caisse de Compensation dont les fonds doivent bénéficier aux populations défavorisées. On n'en voit pas. Ce qu'on voit par contre, c'est que les hausses appliquées aujourd'hui ne servent en rien le pouvoir d'achat des défavorisés qui vont recevoir de plein fouet leurs retombées sur les prix des produits de consommation. Il ne suffit pas de dire que les démunis ne roulent pas en voiture, ces derniers ont besoin de consommer des légumes et autres fruits dont les prix ne seront pas épargnés. Les défavorisés empruntent aussi les moyens de transport collectif dont ils sont en réalité les principaux clients, à moins de leur ordonner de s'en tenir à la marche à pied...