Le jour même où les éléments du Raid en ont fini avec l'affaire du tueur au scooter, avec le dénouement que tout sait, les deux cadors de la course pour l'Elysée sont repartis en campagne. Et bien sûr, Mohamed Remah, même mort, était l'invité des deux meetings tenus et par Nicolas Sarkozy et par François Hollande. Toutefois, il y a lieu de relever d'abord, qu'aucun des candidats n'avait suspendu sa campagne suite aux meurtres de Montauban où trois soldats français et d'origine maghrébine y ont laissé leur peau. On a attendu la tuerie de Toulouse pour le faire. Pour son premier meeting après trois jours dominés par la tuerie de Toulouse, Nicolas Sarkozy a promis jeudi à Strasbourg de ne pas transiger dans la défense des valeurs et des institutions de la République, pour ne pas «ouvrir une brèche pour les semeurs de haine et de violence». Il a dénoncé des crimes odieux perpétrés non par un fou d'après lui mais par «un fanatique, un monstre» et estimé que chercher une explication à son geste, «laisser entrevoir la moindre compréhension à son égard ou pire, lui chercher la plus petite excuse, serait une faute morale impardonnable». Pour Nicolas Sarkozy, «la France n'est pas coupable» des sept morts de Toulouse et Montauban et il n'y a pas dans le pays un climat qui puisse expliquer ces crimes, «parce que ces crimes sont inexplicables et inexcusables». À un mois jour pour jour du premier tour de la présidentielle, il a fait un lien entre ces événements et la nécessité de défendre les valeurs de la République, un de ses thèmes récurrents, déclarant qu'on ne pouvait transiger sur le respect dû à l'autorité de l'Etat, à la justice, aux enseignants, aux élus. «Ceux qui seraient tentés de s'enfermer dans une hostilité radicale à la République, ceux qui voudraient l'abattre, ceux qui, par leurs propos, leurs comportements, encourageraient le fanatisme et feraient prévaloir des idées qui sont contraires à nos valeurs, ceux-là doivent savoir que la République n'aura à leur égard aucune indulgence. Nous ne leur passerons rien», a-t-il ajouté. En matière de politique internationale, Nicolas Sarkozy a utilisé un vocabulaire très gaullien en évoquant les «responsabilités particulières» de la France en Europe et dans le monde. Ces responsabilités ont directement inspiré, selon lui, ses interventions en Libye et en Côte d'Ivoire, sa médiation en Géorgie, ses initiatives pour lutter contre la crise financière mondiale et promouvoir le rôle du G20 comme tribune pour en discuter ou encore circonscrire la crise de la zone euro. Et il a conclu son intervention en revenant sur sa journée «si particulière» : «Dans une journée, je me dois d'être président de la République face à la douleur des victimes, président de la République face à des décisions graves, (...) et en même temps candidat. Ici, dans cette journée si particulière, où j'ai fait mon discours en pensant à l'étrangeté de cette journée, je veux vous dire une chose : aidez-moi!» La République au service de la sécurité Pour sa part, François Hollande a affirmé que «rien n'empêchera le changement», en meeting jeudi à Aurillac, dans le Cantal, le candidat socialiste à l'élection présidentielle, soucieux de ne pas laisser à la droite l'exclusivité des thèmes de la lutte contre le terrorisme et de la sécurité réveillés par les drames de Toulouse et Montauban, a composé un discours collant à l'actualité, répondant à la fois aux inquiétudes liées à la série de meurtres qui s'est soldée par la mort de leur auteur et aux attaques nourries de la droite au terme d'une trêve de trois jours de deuil national. «Ce n'est pas un soir comme les autres, ce n'est pas une réunion publique comme les autres», a dit l'élu PS en préambule d'un discours au ton grave dominé par les questions de sécurité. «Aujourd'hui la campagne reprend ses droits, c'est nécessaire, c'est même indispensable. Le pays a besoin d'un débat clair, transparent, simple et en même temps exigeant», a-t-il ajouté devant 2.000 personnes réunies au Prisme d'Aurillac. François Hollande a fait siennes la lutte contre le terrorisme, la sécurité et la défense de la laïcité, estimant que ces domaines ne sauraient être abandonnées à la droite. «Si les Français m'accordent leur confiance, la République ne laissera aucun terroriste en paix, la République poursuivra tout ce qui menace la sécurité de nos concitoyens», a-t-il dit. Attaqué sur ce thème, notamment par Nicolas Sarkozy en meeting ce même jour à Strasbourg, François Hollande a répliqué par une série de mesures et affiché sa détermination. «Que l'on ne vienne pas nous dire que la gauche aurait là-dessus je ne sais quelle indulgence ou que la droite aurait je ne sais quelle compétence en matière de sécurité», a-t-il lancé. La lutte contre le terrorisme doit être «l'une des principales missions de notre politique de défense», a insisté le candidat, qui prône une accélération du retrait des forces françaises d'Afghanistan. Sans critiquer directement l'enquête ayant conduit à l'identification de Mohamed Merah, l'auteur des meurtres de Toulouse et Montauban tué par les forces de sécurité, François Hollande a demandé plus de moyens pour les services de renseignements et une meilleure coopération. «L'heure n'est pas aujourd'hui (à) je ne sais quelle polémique», mais «c'est vrai que ce tueur avait fait deux voyages en Afghanistan et au Pakistan», a-t-il noté, prônant un contrôle des «déplacements des voyageurs dans les pays sensibles». Il a mis en garde contre tout «amalgame», expliquant que «ce n'est pas un musulman qui a perpétré ces assassinat (mais) un terroriste». «L'islam ce n'est pas le terrorisme», a-t-il dit. «L'islam est pratiqué par des millions de personnes dans le monde de façon pacifique. C'est la religion de centaines de milliers de Français.» «Aucune religion n'a à être suspectée et encore moins stigmatisée», a ajouté le candidat, qui a réaffirmé l'importance de la laïcité dans la République qu'il entend présider.