Le 9è round des pourparlers sur le Sahara, prévu du 11 au 13 mars à Manhasset (banlieue newyorkaise), se tient avec en toile de fond un soutien consolidé et réaffirmé des Etats Unis au plan d'autonomie, sous souveraineté marocaine, que l'Administration américaine qualifie de “sérieux, crédible et réaliste”. Ce round se tient également au lendemain d'appels de voix influentes dans la capitale fédérale US pour la fermeture des camps de Tindouf, “devenus le ventre mou de la lutte antiterroriste dans un ensemble géographique allant du Maghreb au Sahel”. Lors de sa récente visite au Maroc, la secrétaire d'Etat US, Hillary Clinton, a en effet saisi l'opportunité de son déplacement dans le Royaume pour réitérer le soutien de l'Administration américaine au plan marocain d'autonomie au Sahara, en rappelant qu'il s'agit là d'une position exprimée par les Etats Unis depuis l'administration Clinton jusqu'à celle d'Obama en passant par l'exécutif que dirigeait George W. Bush. Plan d'autonomie, “porteur de paix et de dignité pour les habitants du Sahara” “Nous avons veillé à souligner que le plan marocain d'autonomie est sérieux, crédible et réaliste, car il constitue une approche potentielle à même de satisfaire les aspirations des habitants du Sahara et de leur permettre de gérer leurs propres affaires dans la paix et la dignité”, a réaffirmé le chef de la diplomatie US, lors d'une conférence de presse conjointe avec son homologue marocain, Saad Dine El Otmani. La politique américaine, a-t-elle insisté à ce sujet, “demeure la même et ce depuis plusieurs années”, une posture de politique étrangère que la secrétaire d'Etat a réitéré lorsqu'elle a reçu en janvier dernier le ministre algérien des affaires étrangères, Mourad Médelci, en “encourageant Alger à une plus grande coopération avec le Maroc et à jouer un rôle actif dans le cadre des négociations qui se déroulent sous l'égide des Nations Unies en vue de trouver un règlement à la question du Sahara”. Lors de sa visite au Maroc, elle s'est félicitée du rapprochement amorcé entre le Maroc et l'Algérie à travers plusieurs initiatives, en notant qu'il s'agit là “d'un pas dans la bonne direction (...) dans l'intérêt des deux pays, mais également dans celui de la région du Maghreb dans son ensemble”. Les camps de Tindouf, le ventre mou de la lutte antiterroriste dans la région Sur un plan sécuritaire impliquant la stabilité de la région du Maghreb et du Sahel plusieurs voix se sont élevées à Washington pour appeler à la fermeture des camps de Tindouf, “devenus le ventre mou de la lutte antiterroriste dans un ensemble géographique qui s'étend du Maghreb à la région du Sahel”. Une problématique exacerbée par la rapt en plein coeur de Tindouf de trois travailleurs humanitaires occidentaux, dont le sort reste inconnu. “Les camps de Tindouf sont devenus, sous l'emprise des milices du polisario, un terrain fertile pour les recruteurs des réseaux terroristes, des trafiquants de tous genres et des bandes criminelles, d'où l'impératif de leur fermeture”, souligne à cet égard un rapport intitulé : “Terrorisme en Afrique du nord, de l'ouest et en Afrique centrale: du 11 septembre au Printemps arabe”, rendu public à Washington. Pour l'auteur de ce rapport, Yonah Alexander, Directeur du Centre international pour les études sur le terrorisme, relevant du Potomac Institute, la menace d'Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) doit inciter la communauté internationale “à placer en tête de ses priorités une délocalisation permanente des populations de ces camps conformément aux protocoles et conventions internationales pertinentes”. M. Alexander a, dans ce cadre, confié à la MAP avoir constaté lors d'une visite à Dakhla les opportunités offertes aux personnes, qui avaient eu la chance de s'extraire aux camps de Tindouf, pour devenir des citoyens productifs et partant bénéficier de l'essor et du progrès que connaissent les provinces du Sud. “Il s'agit là d'un droit humain inaliénable”, a-t-il insisté. Le rapport met l'accent, dans ce cadre, sur la nécessité de trouver un règlement définitif à la question du Sahara, qui constitue “une entrave à la sécurité de la région et empêche le déploiement d'une véritable coopération économique au Maghreb et dans le Sahel”. L'année dernière, poursuit le document, des rapports de services de renseignement et une série d'arrestations ont confirmé l'existence de liens avérés entre AQMI et des cartels sud-américains dans le cadre d'opérations de trafic de drogues vers l'Europe via la région du Sahel, avec la complicité de membres du polisario. Le rapport soutient, par ailleurs, que le conflit du Sahara “représente une ouverture pour l'expansion des activités d'Al Qaeda dans le Maghreb Islamique dans la région (...) qui constitue un bastion et un terrain fertile à ce groupe terroriste”. Le “new deal” régional, levier pour un règlement du différend artificiel Près de sept mois donc après les derniers pourparlers informels sur le Sahara marocain, ce nouveau round se tiend alors que le Maghreb qui inaugure un nouveau départ, mais fait face, dans le même temps, à de nombreux défis, en premier lieu la menace terroriste sur son flanc sud. Plusieurs experts et observateurs avaient, à de nombreuses reprises, attiré l'attention de la communauté internationale sur les risques “d'un Sahélistan aux portes du Maghreb”, une menace accentuée par les derniers bouleversements dans la région, notamment en Libye et qui sont venus confirmer la collusion entre groupes terroristes. “On constate depuis plusieurs années une hybridation des mouvements terroristes (dans la région) qui versent et recrutent de plus en plus dans le milieu criminel de droit commun”, a expliqué à la MAP une source diplomatique occidentale. Dernier en date, un rapport des Nations Unies est venu confirmer cette crainte en mettant au jour les liens tissés par la secte terroriste Boko Haram, un groupe actif au Nigéria avec Al Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), dans une région sahélo-saharienne déjà en proie aux turbulences. La guerre civile en Libye aurait permis à des groupes armés africains tels que la secte Boko Haram et AQMI d'accéder à de vastes caches d'armes, selon ce rapport publié en janvier dernier, à l'issue d'investigations menées en Afrique de l'Ouest par une mission onusienne, et présenté devant le Conseil de sécurité de l'ONU. La Chute du régime Kadhafi en plus d'amplifier la menace terroriste, signe aussi la fin d'un appui moral, financier et militaire généreux apporté aux séparatistes du polisario. La chute du régime de Kadhafi a également laissé une direction corrompue du polisario, plus en plus fragilisée et aux abois et qui persiste à tenir en otage, depuis plus de 37 ans, des populations dans les camps de Tindouf. Celles-ci sont privées de recensement et exposées à tous les risques, une situation qui vient s'ajouter à l'instabilité au Sahel. La série d'enlèvements d'Occidentaux dans la région sahélo-saharienne, dont les trois humanitaires européens kidnappés à Rabouni, en liaison avec les différents trafics liés à la drogue et à la contrebande, devient une puissante source de financement pour les bandes criminelles et terroristes qui opèrent dans cette zone vulnérable, aux frontières poreuses et à la jeunesse désuvrée, et une sérieuse menace pour la sécurité de la sous-région, notamment les pays du Maghreb. «Nous avons vécu le printemps arabe, nous avons vu des signes de désaffection grandissante parmi les jeunes et nous avons relevé un désir de raviver le mouvement pour l'unité du Maghreb. Nous avons aussi vu une prise de conscience plus forte concernant la menace terroriste», soulignait récemment l'Envoyé personnel du Secrétaire général de l'ONU pour le Sahara, Christopher Ross. Ces éléments, selon lui, «pourraient pousser les parties prenantes à un engagement plus solide et cela pourrait aussi pousser les acteurs régionaux et internationaux à s'engager davantage à la recherche d'une solution», a insisté l'Envoyé personnel. Dès lors, une solution négociée basée sur le réalisme et l'esprit de compromis à la question du Sahara revêt un caractère prioritaire dans le nouvel ordre régional au Maghreb, marqué par la récente dynamique, le signe du réchauffement entre les cinq pays frères. Dans cette perspective, l'initiative marocaine d'autonomie reste la solution la plus réaliste à ce conflit d'un point de vue américain tout comme français ou espagnol, selon l'ancien représentant spécial du secrétaire général de l'Onu pour le Sahara, Erik Jensen. Pour M. Jensen, depuis les évènements qui ont secoué la région d'Afrique du Nord et du Moyen Orient (MENA), l'ancien ordre, quand il n'a pas totalement disparu, a connu de grands défis. Mais dans tous les cas, selon lui, un nouvel ordre doit émerger pour accompagner la nouvelle génération de populations, en majorité des jeunes, bien éduqués, aspirant à une vie meilleure et mieux au fait de leur environnement immédiat et international. Dans ce contexte, le Maroc, à travers les choix opérés dans le cadre de profondes réformes initiées par SM le Roi Mohammed VI, adoptées lors du vote historique de juillet dernier, et massivement saluées à l'échelle internationale, offre une nouvelle dynamique pour engager des discussions substantielles sur le plan d'autonomie.