5,5% de taux de croissance du PIB en moyenne pendant cinq ans, inflation maîtrisée à 2% par an, renforcement des équilibres macroéconomiques, création, dans le cadre de la loi de Finances, de 20.000 emplois par an et taux de chômage ramené à 8%, réduction de moitié du déficit en logement, élargissement de la couverture médicale pour concerner 8 millions d'individus... les fuites détaillées publiées sur le contenu de la déclaration gouvernementale, que le chef du gouvernement, M. Abdalilah Benkirane, devrait dévoiler aujourd'hui aux représentants de la nation, révèlent les objectifs ambitieux en ces temps incertains, de la nouvelle équipe gouvernementale. La réalisation des objectifs «affichés» du gouvernement Benkirane demeure toutefois tributaire de facteurs que le ministre de la justice, M. Mustapha Ramid a énumérés à la presse et sur lesquelles l'Exécutif n'a aucune influence. En plaçant la pluviométrie au premier rang de ces aléas dont dépend le succès du programme de son gouvernement, M. Ramid n'est pas sans rappeler le propos du Maréchal Lyautey il y a près d'un siècle: «Au Maroc, Gouverner c'est pleuvoir». Comme quoi, bien des choses n'ont pas changé Après quoi, c'est la situation économique du partenaire européen. Avec la dégradation récente des notes de la France et du Fonds européen de stabilité financière par l'agence «Standard and Poor's», les perspectives ne s'annoncent pas du tout prometteuses, bien au contraire. Sur les colonnes même de ce journal, nous avions appelé à une «nécessaire anticipation» (L'Opinion du 7/12/2011) des décideurs politiques marocains face au risque, de plus en plus plausible, d'une aggravation plus prononcée de la crise économique en zone euro, voir d'un effondrement de la monnaie unique européenne, sous la pression d'une récession de plus en plus prévisible dans les pays de l'UE. Les conséquences, ne serait-ce que d'une persistance, de la crise en Europe sont, bien entendu, faciles à prévoir pour le Maroc, mais plus difficile à contrecarrer. L'impact sur le volume des exportations et le rendement de certains secteurs d'activités est de plus en plus à craindre. Des secteurs tels ceux du textile/habillement et de l'agroalimentaire, grands pourvoyeurs d'emplois, sont parmi les plus menacés. Mais le tourisme aussi, bien sûr, et les transferts des MRE vont également en souffrir. Quand aux investissements directs, mis à part les projets déjà bien engagés, il faudrait raisonnablement s'attendre à un net ralentissement du flux en provenance des pays d'Europe. Accorder grande confiance aux capacités de résilience dont le Maroc a fait preuve depuis le début de la crise chez les partenaires européens serait quelque peu aventureux. Toutes les mesures prises par le gouvernement sortant étaient destinées à affronter une situation difficile que tout portait à croire alors passagère. Mais depuis lors, il est devenu de plus en plus évident que les choses ne sont pas prêtes de s'améliorer chez nos principaux partenaires commerciaux. Il est peut être vaniteux de se hasarder à faire des projections sur l'évolution de la situation économique et sociopolitique dans les pays d'Europe, mais cela semble de plus en plus indispensable en raison des effets certains sur le Maroc. La diversification désormais question de survie A voir les soubresauts contestataires des rues grecques et italiennes, le préjugé favorable et le répit dont disposent MM. Lucas Papademos et Mario Monti ne vont pas tarder à se dissiper au fur et à mesure que les mesures d'austérité imposées aux Grecques et aux Italiens vont devenir insupportables. Il en est autant de l'Espagne de M. Mariano Rajoy, que les «Indignés», mouvement de jeunes révoltés ibériques, attend au tournant. Comme la question de l'endettement touche tout aussi gravement pas mal d'autres pays d'Europe, dont la France et la Grande Bretagne, que le problème des titres «toxiques» qui a empoisonné le système bancaire européen est loin d'être vraiment réglé, que la facture de ce jeu de «casino» financier est acquittée par les contribuables européens, sommés par ailleurs de se serrer la ceinture pour ce faire, il ne serait pas étonnant d'assister dans pas très longtemps à une prolifération des «places Tahrir» dans les capitales du vieux continent. M. Ramid a cité comme troisième facteur incontrôlable de l'équation la possibilité de conflit en Iran et ses effets automatiques sur les cours du pétrole, sachant que le Maroc couvre à 97% par l'importation ses besoins en énergie. Là encore, le plus prudent consisterait à tabler sur le pire. Tout porte à croire que le courant va-t-en-guerre à Tel Aviv et Washington va finir par obtenir le conflit qu'il veut, comme ce fût le cas pour l'Irak. Car, jusqu'à présent, l'opposition affichée à la guerre de personnalités pourtant non dénudées d'influence en Israël comme aux Etats-Unis, ne semble pas avoir l'effet désiré ; un apaisement de la tension grandissante au Moyen Orient. Selon l'éditorialiste du quotidien israélien, Yediot Aharonot, Nahum Barnea, les chefs du Mossad, service de renseignement israélien, du Shin Bet, le service de sécurité intérieure, et de Tsahal, l'armée israélienne, ont clairement affiché leur opposition à une attaque contre l'Iran. Meir Dagan et Yuval Diskin, anciens patrons du Mossad et du Shin Bet, qui ne sont pas tenus par l'obligation de silence que leurs successeurs, vont même jusqu'à crier haut et fort leur objection. De leur côté, plusieurs hautes personnalités internationales, dont d'anciens ambassadeurs des Etats-Unis, d'anciens hauts responsables politiques et militaires et des experts en non-prolifération nucléaire, ont adressé une lettre au président Barak Obama pour le dissuader d'entrer en guerre contre l'Iran. Mais beaucoup d'observateurs de la scène internationale ne trouvent pas rassurants les propos du secrétaire d'Etat américain à la défense, M. Léon Panetta, qui ne se gêne pas pour souffler le chaud et le froid sur ce sujet pourtant si délicat. Il déclare une fois que l'Iran peut assembler une bombe atomique en un an, l'autre, que ce pays n'était pas entrain de fabriquer d'armes nucléaires. Mais avec les présidentielles qui approchent et les propos plus que belliqueux concernant l'Iran des candidats républicains aux cours des élections primaires de leur parti, la surenchère politique pour s'attirer la sympathie du lobby sioniste pourrait fort bien mener au conflit. D'ailleurs, quoi de mieux qu'une «bonne» guerre pour détourner l'attention des causes et conséquences d'une crise économique en Occident dont la gravité a fini par réveiller les consciences politiques longtemps assoupies des «99%, too big to fail», comme le rappellent les pancartes des manifestants protestataires du mouvement «Occupy Wall Street». Au Moyen Orient, donc, les bruits de bottes se font plus entendre que les appels à la raison. La bonne santé économique de la Chine et autres dragons asiatiques, traduisible en un accroissement de la demande en énergie, participe de son côté, à accroitre encore plus la pression sur les prix du baril de pétrole. Selon les informations publiées relatives aux objectifs quinquennaux du gouvernement, la diversification des débouchés est l'un des points essentiels de sa politique de commerce extérieur. M. Abdelkader Aâmara, en charge du portefeuille de l'industrie et du commerce, aura fort à faire pour prospecter de nouveaux marchés, mais le plus difficile serait d'adapter les produits marocains aux attentes différenciées de ces marchés, alors que l'appareil productif national est moulé sur la demande européenne. Le défi de la diversification est de taille et aurait dû être relevé depuis longtemps déjà, ne serait-ce que par souci sécuritaire de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier. Pour que les ambitions du gouvernement puissent être réalisées, il faudrait donc que le ciel se montre généreux en précipitations pluviométriques au Maroc, mais plutôt ensoleillé pour les économies européennes et sans nuages de guerre au dessus du Moyen Orient