Si on regarde en arrière, on est perdant dans l'affaire. Mais si on regarde devant, le Maroc peut sortir gagnant de cette affaire. A condition qu'il tire les leçons des dernières élucubrations du Parlement européen concernant le protocole de pêche Maroc-UE. Ou plutôt de ce qui reste de ce protocole. Car on oublie que de cette prorogation d'une année que le parlement européen vient de rejeter, il n'en reste que deux mois, et que par conséquent, rejet de l'accord ou pas, les bateaux de pêche communautaires allaient partir. Le Maroc les a sommés de partir, même si c'était à Bruxelles de les rappeler illico après le vote de Strasbourg. La prorogation de l'accord de pêche entre le Maroc et l'Union européenne est entrée en vigueur exactement le 28 février 2011 et devait prendre fin le 27 février 2012. Autrement dit, le Parlement européen a laissé sa flottille opérer une «exploitation excessive» (pour reprendre les termes du texte de la proposition rejetée) de certaines espèces pendant dix mois avant de s'apercevoir, comme par miracle, de la faiblesse du «rapport coût-bénéfice pour l'Union européenne». Comme arnaque on n'en fait pas mieux. Et bien sûr, en tant que partenaire, le Maroc ne doit aucunement considérer «le rejet de cette prorogation comme un geste hostile», mais devrait au contraire y voir «une prise de conscience sérieuse sur une question cruciale», a déclaré, lors du débat précédant le vote, M. Haglund, auteur du rapport appelant le PE à rejeter la prorogation de l'accord de pêche. Une prorogation consommée déjà à presque à 100%, faut-il le rappeler. Faisant preuve de magnanimité, l'euro député finlandais nous rassure qu'il était en faveur d'un nouvel accord avec le Maroc, mais de meilleure qualité. «Il ne fait aucun doute que c'est ce que nous souhaitons tous», a-t-il ajouté. Et dans une résolution distincte, les députés ont souligné qu'un nouveau protocole devrait être durable sur les plans économique, écologique et social, et être avantageux pour les deux parties. Rejeter un accord pour obtenir un autre Et c'est là que réside l'objectif de tout ce charivari. Un autre accord de pêche de plus longue durée avec plus d'avantage d'intérêts pour les flottes communautaires concernées, quitte à recourir au chantage avec la question de l'intégrité territoriale marocaine. Les euro- députés ne s'en cachent nullement puisque, dans la résolution distincte votée ce même 14 décembre, ils appellent clairement la Commission à «garantir que le nouveau protocole (NDLR: à croire qu'ils l'ont déjà dans la poche) respecte pleinement les lois internationales et soit avantageux pour toutes les populations concernées, en particulier le peuple sahraoui». A relever ici qu'ils ne parlent plus de «population locale du Sahara» tel qu'il en est dans la proposition concernant le rejet. Le comble, cette résolution «distincte» se distingue par le fait qu'elle a été approuvée par 544 voix pour, 123 voix contre et 33 abstentions. Autrement dit, même ceux qui ont voté pour la prorogation du protocole ont approuvé cette résolution. Maintenant que les Européens ont clairement affiché leur ambitions, reste au Maroc de tirer les leçons de l'expérience et de ne pas retomber dans l'erreur. Autrement dit, le rejet par le PE de la (faisons la concession) prorogation de l'accord de pêche doit inciter le Maroc à revoir de manière globale sa politique de partenariat avec l'UE ou avec d'autres partenaires à même de préserver, en priorité, tous ses droits et ses acquis. Cela a été mentionné dans le communiqué des Affaires étrangères qui stipule, entre autres, que «le vote du Parlement interpelle, à l'évidence, les autorités du Royaume quant à l'opportunité d'une réévaluation globale de son partenariat avec l'UE, à l'heure où des négociations sont en cours dans le cadre de perspectives mutuellement prometteuses sur d'autres volets de coopération, à savoir le commerce des services, la mobilité et la réadmission, ainsi que la mise en œuvre du «Statut avancé», et notamment la perspective de l'instauration d'un Accord de libre- échange global et approfondi». Enfin, conclut la même source, le Royaume poursuivra et renforcera sa stratégie de développement du secteur, dans toutes ses filières, aussi bien sur la base d'efforts nationaux endogènes que dans le cadre de nouveaux partenariats internationaux spécifiques et mutuellement bénéfiques. Faute d'un lobbying efficace, le renversement de la vapeur Cela dit, force est de relever que le Maroc a été surpris, sinon pris de court par la décision de Strasbourg. Il y a à peine trois semaines, exactement le 22 novembre dernier, les députés européens ont voté, au sein de la commission «pêche», contre le rapport original de Carl Haglund qui appelait le Parlement à ne pas prolonger les dispositions actuelles, principalement pour des raisons économiques, écologiques et juridiques, avec 12 voix contre 8, et une abstention, en faveur de la prorogation du protocole contesté. Et tout le monde s'attendait à ce que le Parlement européen allait donner son accord pour proroger l'accord de pêche entre l'UE et le Maroc. C'était sans compter l'obstination du sieur Haglund qui trouvait que cet accord n'était pas satisfaisant et qui a promis de «travailler dans la perspective d'un vote à la plénière». Chose faite. Il a travaillé et a obtenu gain de cause. Certes, on peut déplorer que «la responsable du dossier au sein de la Commission européenne, qui a pourtant négocié et conclu ledit protocole au nom des Etats-membres de l'Union, ait failli à sa responsabilité première, celle de l'expliquer et de le défendre de manière appropriée devant les membres du Parlement européen». Dixit le communiqué des Affaires étrangères marocains. Mais force est de reconnaître que si on doit s'en prendre à quelqu'un, ce serait à nous même. Tout simplement parce que n'aurions pas su exercer un lobbying efficace dans les coulisses de l'hémicycle de Strasbourg, à même de nous ramener des voix favorables, laissant le champ libre à M. Haglund. Qu'à cela ne tienne ! Nul besoin de regarder dans le rétroviseur, et c'est à nous de prendre dorénavant nos affaires en main, en donnant la priorité au développement du secteur distinctement de toute dépendance à quelque partenariat externe.