Inventeur d'une technique innovante d'irrigation en sous-sol très économique, Omar Belmine peine à convaincre des collectivités locales en proposant un procédé au moindre coût pour l'irrigation des espaces verts. Récit des déboires d'un inventeur qui en a vu d'autres. Omar Belmine, originaire de la région de Zagora, connaît parfaitement le problème de la pénurie d'eau, problème qu'il a vécu étant enfant dans la région natale saharienne et dont il a gardé les stigmates avec les distances à parcourir et les lourds fardeaux à porter sous un soleil de plomb. Son parcours de formation supérieure n'a pas manqué d'en porter la marque dans son orientation et ses choix puisqu'il est spécialiste en « prospection hydrogéologique et minière ». Cet intérêt pour l'eau et son économie ne s'est jamais démenti par la suite puisqu'il est, en 2007, inventeur d'une nouvelle technique économique d'irrigation en sous-sol, objet d'un brevet d'invention déposé à l'OMPIC le 16 novembre 2007. « On ne peut pas parler du Plan du Maroc Vert sans penser à la gestion de l'eau qui est toujours gaspillée et surexploitée alors que la bonne gouvernance implique une rationalisation rigoureuse des ressources naturelles », dit-il. Or, il s'agit justement là d'une technique d'exploitation plus rationnelle de l'eau et qu'il a expérimentée d'abord dans le domaine agricole pour les palmiers dattiers dans la région de Zagora avant de tenter de l'introduire dans le monde urbain pour les plantations d'espaces verts. « Parce que les palmiers avaient beaucoup souffert de la sécheresse durant des décennies, on a fini par se rendre compte que cela n'aurait pas été aussi dur si on avait pensé à un système approprié de gestion de l'eau. Le traumatisme des années de sécheresse a créé l'orientation vers la prévention pour que la situation de souffrance ne soit pas rééditée, du moins pas avec la même intensité » La démonstration permet de voir comment un arbre planté avec cette technique nouvelle qui conduit l'eau près des racines donne plus de rendement que la technique conventionnelle. « Dans le passé plus ou moins récent, on a tenté de procéder à une gestion rationnelle de l'eau grâce à la technique du goutte-à-goutte, mais cette technique s'est avérée comporter des inconvénients divers. La technique d'irrigation en sous-sol est donc une amélioration de la technique du goutte-à-goutte car elle peut générer une plus grande efficacité comme nous l'avons expérimentée sur des arbres plantés de manière conventionnelle et d'autres avec cette nouvelle technique, ce qui a permis de démontrer les différences au niveau du rendement, elle permet de même une économie d'eau jusqu'à 85% et parallèlement cela permet aussi d'éviter divers inconvénients comme les dégâts que peut subir le circuit de tuyauterie à ras du sol soit en étant piétiné par des passants ou des animaux, ou tout simplement par les conditions climatiques du moment que le système n'est pas protégé en étant enterré ». Omar Belmine a essayé, dit-il, de mettre en pratique cette technique innovante auprès des collectivités locales, notamment des arrondissements à Casablanca pour les espaces verts, des Eaux et Forêts, de l'Académie de Casablanca pour les établissements scolaires dans le but de participer à l'effort de préservation de l'environnement au sein de l'école en renforçant les plantations d'arbres tout en diminuant les frais du coût de la facture d'eau. Au niveau très local, il a tenté des actions à travers l'INDH et des associations de quartiers pour la réalisation de deux prototypes d'expérimentation de cette nouvelle technique d'irrigation dans deux petits jardins aux arrondissements de Sidi Belyout - Ancienne Médina, Place Ouezzane avec 25 ficus à planter (chantier en cours) et à Anfa au jardin avenue Abdellatif Ben Kaddour. De même, il a réalisé une démonstration au lycée Moulay Idriss (Casa-Anfa) où il avait poursuivi ses études secondaires. Malgré toutes ces démarches, presque une année et demie de va-et-vient, avec d'innombrables correspondances adressées à qui de droit, l'invention n'a jamais pu être mise en application de manière officielle. Tout est resté au stade des expérimentations. « Chaque fois je suis très bien accueilli, les gens semblent satisfaits des démonstrations, voire enthousiastes, jamais on n'a relevé le moindre reproche ou inconvénient, mais quand on arrive à la mise en application, le train s'arrête brutalement… ». A titre d'exemple, les démarches à la commune de Casablanca semblaient très concluantes. « Les responsables de la division des espaces verts de la ville ont exprimé leur satisfaction en disant qu'ils étaient d'accord à condition de procéder d'abord à une expérience-démonstration à la pépinière de L'Hermitage pour examiner la faisabilité et l'efficacité de la technique. Cela a été réalisé avec des résultats satisfaisants, en moins de trois semaine l'arbre planté a bourgeonné et il fut donc décidé que l'expérience allait être généralisée sur les plantations d'alignement de la route de Nouacer. Après des va-et-vient à la Division des espaces verts, un jour en passant sur la route de Nouacer, je constate qu'on a déjà commencé à planter les arbres à la manière conventionnelle ! Les responsables auraient pu me dire franchement ce qu'il en était au lieu de me laisser en plan sans me révéler le fond de leur pensée en toute franchise». Depuis 2010 à aujourd'hui, Omar a pu envoyer des correspondances à des collectivités locales à travers le territoire national et autres départements intéressés par les directives du Plan du Maroc Vert. Actuellement, il est déçu car aucune de ses démarches n'a pu aboutir. Il a certes été bien accueilli parfois à la suite d'un simple message par email comme ce fut le cas pour le Haut Commissariat des Eaux et Forêts. A l'Académie de Casablanca, il lui fut même proposé d'encadrer des formations des cellules d'environnement des établissements scolaires. Finalement, il arrive à la conclusion suivante : « Ce que j'ai compris après ces nombreuses démarches, c'est que, jusqu'à présent, les responsables avaient eu l'habitude de projets générant des dépenses énormes et pour justifier ces énormes dépenses, ils n'ont pas intérêt à se lancer dans des projets très économiques, pire que ça, des projets qui pourraient s'avérer pour eux comme une cure d'austérité ! ». Du parcours de Omar Belmine, on peut tirer plusieurs enseignements dont le suivant : dans les années 90, c'était un diplômé chômeur qui avait choisi de se battre pour participer au développement de sa région (Zagora) pour la prospection de l'eau de la nappe phréatique à une époque où la palmeraie souffrait intensément des méfaits de la sécheresse, mais les modes de gouvernances de l'époque s'interposaient à toute initiative individuelle de la part d'un jeune diplômé arborant de nouvelles idées qui, plus est, ne possédant de sésame pour ouvrir les portes. Malgré le verrouillage bureaucratique, au lieu de faire des sit-in à la recherche d'une place peinarde dans la fonction publique, Omar Belmine avait choisi de se battre en fondant une entreprise spécialisée notamment dans la « prospection géologique et hydrogéologique pour la recherche des eaux souterraines ».