Faisons le point. Dans la foulée de la revendication par la rue qui, dans sa forme actuelle, a pris naissance dans notre pays au lendemain des révolutions de Tunisie et d'Egypte, et dans le sillage de la dynamique réformatrice qui s'est immédiatement fait valoir, chacun a pu s'exprimer selon sa propre vision et ses propres considérations. Les Marocains ont pu prendre connaissance des positions des uns et des autres et mesurer le degré de crédibilité et de rationalité de chaque groupe, parti politique, syndicat, organisation, tendance, etc. Les uns se sont exprimés dans la rue, d'autres s'y sont exercés via les médias et la presse, d'autres encore ont préféré le faire au sein de leurs institutions respectives, alors que certaines catégories, opportunistes et surtout lâches, ont choisi d'agir derrière les rideaux et de jouer aux tireurs de ficelles sans parvenir toutefois à tromper la vigilance de la majorité écrasante de la population. Peu importe en définitive la méthode utilisée par chaque partie. L'essentiel c'est que l'opinion publique a fini par se faire une idée claire sur les intentions des uns et des autres. Ce qu'elle n'arrive cependant pas à comprendre, c'est l'entêtement de certaines composantes dont le jeu a été pourtant dévoilé, à vouloir continuer à manifester bien que le message ait été entendu et la réponse on ne peut plus rapide et conséquente. Bien que tout un processus ait été mis en oeuvre pour doter le pays d'une nouvelle Constitution, moderne et modernisante, clé de voûte justement des réformes dans leurs différentes dimensions. Une Constitution qui soit à même de présider à la consécration de l'équité démocratique, sociale, juridique, économique, culturelle, etc. La question centrale qui se pose à ce propos est la suivante: lorsqu'on a manifesté au début, était-ce pour faire aboutir les revendications et réformes escomptées ou uniquement pour le plaisir de manifester -ça peut être excitant en effet- et pour être “in” à l'heure du “printemps arabe”? Le paradoxe, c'est cet acharnement auquel nous assistons alors que, déjà, le peu qui a filtré au sujet du projet de nouvelle Constitution dépasse largement le minima fixé par le discours Royal du 9 mars, ce que d'aucuns ont d'ores et déjà qualifié de révolutionnaire. Le risible, c'est que l'on continue à crier à gorge déployée des revendications devenues obsolètes depuis le discours annonciateur de la réforme constitutionnelle. Le comique, c'est que le prétexte de “continuer à manifester pour maintenir la pression” ne peut, en aucun cas, tenir la route dès lors que la concrétisation est un fait réel et irréversible. Pourquoi alors s'inscrire dans une logique si négative et improductive ? Quand on se veut défenseur de la transparence, on commence par décliner clairement et publiquement sa vraie visée. Quand on prétend militer pour l'intérêt général, on encourage la participation constructive, le débat, le dialogue et la confrontation des idées conformément aux valeurs démocratiques. Exploiter à outrance le principe du droit de manifester pacifiquement pour faire enrayer la machine et provoquer le blocage, n'a rien de patriotique. La bonne foi, au moment où tout un processus d'importance et de portée capitales est en cours, voudrait qu'on encourage la participation dans la sérénité et la responsabilité. Quelle que soit la position à l'égard du texte constitutionnel, la bienséance politique veut qu'on encourage un débat démocratique calme et civilisé pour permettre au citoyen de se positionner. On peut très bien être conduit à voter par “oui” ou par “non” ou à boycotter le référendum. En démocratie, c'est un droit indiscutable. Ce qui ne l'est pas par contre, c'est de prendre les citoyens en otages dans un activisme qui ne les emballe pas, mais que l'on oblige à en subir les conséquences. C'est là où ce petit jeu qui a trop duré devient subversivement dangereux. On aurait aimé voir ceux qui continuent à appeler à manifester lancer plutôt un appel citoyen en exhortant les Marocains à retirer leurs cartes d'électeur en vue de participer massivement au référendum constitutionnel projeté afin de défendre leur position, quelle qu'elle soit. À ce moment, on peut parler de Mouvement démocratique.