L'Espagne, envahie par une vague de contestation sociale inédite contre le chômage et la crise économique, vote dimanche pour des élections locales qui s'annoncent comme une débâcle pour les socialistes au pouvoir. A Madrid, une foule immense s'était à nouveau rassemblée samedi soir et dans la nuit sur la place de la Puerta del Sol, où le campement de bâches bleues et de tentes des jeunes «indignés» est devenu le coeur de la contestation. Des dizaines de milliers de personnes ont comme la veille manifesté à travers le pays. Cette fronde soudaine a été l'invitée de la campagne électorale, au moment où les socialistes s'apprêtent, selon les sondages, à affronter une sévère défaite aux élections régionales et municipales, face à leurs adversaires conservateurs du Parti Populaire (PP). Le mouvement a surgi depuis le 15 mai via les réseaux sociaux, pour très rapidement s'amplifier, gagner tout le pays et se structurer. Spontané, coloré, pacifique, laboratoire d'idées pour des réformes à venir, il dénonce l'injustice sociale, les dérives du capitalisme, la «corruption des politiciens». Si les revendications sont des plus diverses, le chômage, avec un taux record de 21,19% et près de la moitié des moins de 25 ans, revient sur toutes les lèvres. Et aussi la défiance envers les grands partis politiques, les socialistes et le Parti populaire, qui pourrait alimenter dimanche le vote blanc, l'abstention tant redoutée par le gouvernement ou le vote pour de petits partis. «Bien sûr, bien sûr qu'ils ne nous représentent pas», est l'un des slogans favoris répété à l'infini sur la Puerta del Sol. «Bien sûr je vais voter, mais pour un petit parti», confiait dimanche matin Ana Rodriguez, une jeune femme ingénieur au chômage de 29 ans, qui venait de passer deux nuits avec les manifestants. «Il faut un changement dans le système politique, pour que les petits partis soient mieux représentés». Le défi est double pour le gouvernement, puisque les rassemblements se poursuivent en dépit de la trêve qui, selon la loi, interdit toute activité politique à la veille et le jour des élections. Sous la pression de la rue, face à des foules de manifestants réunissant des citoyens de tous horizons, le gouvernement a dû opter pour la souplesse et admettre qu'aucun ordre d'évacuation n'avait été donné aux forces de police, sauf en cas d'incidents. A dix mois des élections législatives de mars 2012, le pouvoir socialiste était déjà en très mauvaise posture pour sa politique d'austérité contre la crise. Dans ce contexte troublé, toutes les communes d'Espagne élisent dimanche leurs conseils municipaux et 13 des 17 régions autonomes leurs Parlements. La Catalogne, le Pays Basque, la Galice et l'Andalousie votent à d'autres dates. 34,6 millions d'électeurs sont appelés à élire 8.116 maires, plus de 68.400 conseillers municipaux et 824 députés régionaux. L'annonce le 2 avril par le chef du gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, qu'il ne se présenterait pas pour un troisième mandat en 2012 semble être restée sans effet sur la chute de popularité des socialistes. A partir de lundi, les socialistes pourraient ne plus contrôler qu'une seule des 17 régions espagnoles, l'Andalousie, et devraient perdre des fiefs historiques comme la région de Castille-la Manche ou l'Estrémadure. Barcelone, deuxième ville d'Espagne tenue depuis 32 ans par les socialistes, devrait basculer aux mains des nationalistes conservateurs de la CIU et Séville, quatrième ville du pays, être remportée par le PP tandis que Madrid et Valence resteraient à droite. Les bureaux de vote sont ouverts entre 09h00 (07h00 GMT) et 20h00 (18h00 GMT). Les premiers résultats partiels sont attendus à partir de 20h00 GMT.