Faite mercredi dernier, la déclaration du ministre de l'Intérieur, M. Taïb Charkaoui, devant la Commission de l'Intérieur et des Infrastructures de base à la Chambre des représentants de mettre un terme à la transhumance politique au sein des institutions élues, et satisfaire ainsi à une exigence formulée dans des mémorandums portants sur les réformes électorales, adressés par certains partis politiques au département de l'Intérieur, a suscité un émoi certain chez les observateurs politiques qui ont salué à sa juste valeur une position qui ne prête nullement à l'équivoque. Les observateurs politiques ont toujours été sidérés, et l'opinion publique cramoisie, de devoir relever qu'à chaque ouverture de session parlementaire nombre de groupes parlementaires changent de configuration. Non pas que des représentants de la Nation sont décédés ou ont démissionné et donc été remplacés comme le prévoit le règlement, mais du fait du changement de la couleur politique par les constituants des groupes défaits et refaits au gré des sessions. Ce phénomène désigné sous l'appellation péjorative de «transhumance politique» est pour beaucoup dans le dégoût que la chose politique suscite chez les citoyens. Certains se sentent même désabusés. Le désappointement touche d'abord, et directement, les quelques milliers d'électeurs qui se sentent trahis lorsque le parlementaire en qui ils ont placé leur confiance change de bannière, oubliant que c'est parce qu'il représentait un parti politique donné qu'il a recueilli leurs voix qui l'ont mené à l'hémicycle. Plutôt faisant cavalièrement fi de ce que penseraient ces électeurs «paumés». Un parlementaire qui change sans vergogne de camps politique doit avoir une piètre idée de son électorat. Il croit qu'il peut agir à sa guise une fois élu et s'arroger le droit de faire siennes des positions autres que celles qui ont décidé ses électeurs à le choisir pour les représenter. L'électeur ne l'entend pas ainsi. Pour lui, le candidat qui l'a approché la veille des législatives et l'a convaincu en usant d'arguments puisés dans le programme de son parti doit rester fidèle à ce même argumentaire... le long de son mandat. L'électeur estime que du moment où il a mis dans l'urne un bulletin de vote comportant le symbole coché du parti politique qu'il a choisi, si ce parti remporte le siège de son arrondissement, celui qui le représente doit le faire jusqu'au bout de son mandat. Ce sont là les termes d'un contrat tacite et sacré entre électeur et élu. Imaginons combien peut être grande la frustration d'un électeur qui constate que le parlementaire pour qu'il a donné sa voix quitte son parti et rejoint un autre dont la raison d'être même est sujette à caution pour cet électeur. Multiplions par mille ou dix mille le nombre d'électeurs frustrés pour la même raison Au moins une cinquantaine de députés ont transhumé lors de l'actuelle législature. Si l'on admet pour chacun un millier de voix ce sont 50 mille électeurs de renfloués. Or, l'on sait que pour un siège au parlement ce sont parfois des milliers de voix en cause. Et s'il n'y avait pas grosse abstention ce serait des dizaines de milliers de voix pour chaque siège remporté. Et derrière chaque voix il y a une personne, un citoyen ou une citoyenne dont il est indécent de «se payer la poire». S'agissant des élections, les Marocains, dans une large proportion, savent ce qu'ils font et pourquoi ils le font. Et au fil des échéances, cette prise de conscience va crescendo. Autant dire que ceux parmi les parlementaires qui ont déjà fait l'exercice de transhumance, seraient mieux avisés de s'abstenir de se porter candidat lors des prochaines législatives. Ne voteront pour eux que les proches parents et ceux qui en escomptent un bénéfice particulier qui n'a rien à voir avec l'intérêt local, régional ou national. A mon humble avis, une loi devrait être promulguée qui leur interdirait de se porter candidat à moins de «faire patte blanche». En attendant, savourons la promesse du ministre de l'Intérieur d'éradiquer ce phénomène malsain qui a assez fait de mal à l'image de notre pays. Il a affirmé devant la commission de l'Intérieur à la Chambre des Représentants qu'«il n'y aura plus de transhumance» et que son département y mettra un terme. Il n'est pas normal, ni juste pour les autres formations politiques, qu'un groupe parlementaire renforce ses rangs par des transhumants et dénature le cadre électorale directement issu du dépouillement des voix.