Rescapé d'un véritable ghetto, l'attaquant argentin de City continue de trimballer ses cicatrices. Physiques et morales John Terry doit remercier le ciel d'être né à Londres, du côté de Barking, Car à Ejercito de Los Andes, en périphérie de Buenos Aires, ses supposées aventures extraconjugales avec l'ex de son ancien coéquipier et ami Wayne Bridge lui auraient sans doute valu de sacrées bricoles. « Dans mon quartier, si tu fais ça, on te coupe les jambes, où même pire, tu ne survis pas », prévient même Carlos Tevez, natif de cette zone à faire passer nos banlieues les plus crasses pour de véritables quartiers résidentiels. Plus connu sous le nom de Fuerte Apache, en référence au film avec Paul Newman, Fort Apache, the Bronx Ejercito de Los Andes est une catastrophe urbaine des années 70, où s'entassent près de 30 000 Argentins et où l'analphabétisme galopant et le chômage record font presque figure de moindre mal au regard de la criminalité et du taux de mortalité infantile, sans équivalent en Amérique du Sud. C'est dans ce « Théâtre des cauchemars » que celui qui sera ensuite l'idole du « Theatre of Dreams » d'Old Traffort a grandi, ce qui est une forme d'exploit tant la vie ne lui a fait aucun cadeau. Mais, alors vraiment aucun… « Le soir, c'était Beyrouth » Accidentellement ébouillanté au visage par sa mère à l'âge de cinq ans, les dents fracassées à douze ans par sa propre sœur, après que celle-ci lui eut envoyé une balançoire en pleine mâchoire, Carlitos porte aujourd'hui encore les stigmates de son enfance sur le fil du rasoir. La chirurgie esthétique proposée par Boca Junior ? Balayée d'un revers de la main par l'intéressé. « J'ai le corps que j'ai et je ne veux pas en changer, même pour tout l'or du monde. Au départ, je pensais vraiment finir mes jours en ramassant des cartons, mais heureusement le football m'a sauvé. Aujourd'hui, quand je vois les types avec leur chariot, ça me révolte parce que j'aurais pu être à leur place. Mes cicatrices sont les témoignages de cette ancienne vie… » Une vie de funambule, au bord du vide. Car si son foyer ne l'a pas ménagé, que dire de la rue ? « Je ne pouvais jamais sortir seul dans la rue, c'était trop dangereux, se remémore « l'Apache ». Le soir, c'était comme si on était à Beyrouth ! On entendait des coups de feu, des cris, des pleurs, et en sortant le matin il y avait souvent des morts sur le chemin de l'école ». La seule chance du môme : le football, évidemment. A douze ans, l'adolescent commence à se faire une sacrée réputation dans des parties endiablées sur des terrains à l'image de Fuerte Apache : mauvais coups des adversaires et tessons de bouteilles qui jonchent le sol achèvent d'orner le corps de « Survivor ». « Dans ces matches-là, il fallait surtout dribbler les bouts de verre et le tétanos, parce qu'on jouait pratiquement sur une décharge, sourit Tevez. Je jouais avec quatre protections : deux pour les tibias et deux autres pour les mollets. Mais le vrai problème, c'était les chaussures ; j'avais les pieds tellement serrés qu'à la fin mes ongles ne poussaient plus ». Un père tué par balles et une mère droguée… Il n'empêche, les souffrances paient. A treize ans, le phénomène, qui évolue alors sous les couleurs des All Boys, est repéré par Boca Juniors. Problème : les dirigeants de son club formateur ne veulent pas lâcher celui qui s'appelle alors Carlos… Martinez, soit le patronyme de son géniteur, prénommé Carlos lui aussi et tué de vingt-huit balles par le gang principal de Fort Apache, les Backstreet Boys, quand son rejeton n'avait pas encore cinq ans, une disparition qui fera sombrer la mama, Trina, dans la drogue et la dépression. S'ensuite une histoire rocambolesque. Boca, certain de tenir un talent rare, organise alors une réconciliation entre Trina et son second compagnon, Segundo Tevez. Le but ? Changer le nom de famille du petit pour pouvoir lui attribuer une nouvelle licence et ainsi l'enrôler chez le pensionnaire de la Bombonera. La fusée est lancée, même si, aujourd'hui encore, l'international albiceleste souffre de profonds coups de déprime, menaçant régulièrement de tout envoyer balader pour revenir dans son quartier, marqué pour l'éternité par ce passé hors du commun. Oui, chez Carlos Tevez, les cicatrices les plus profondes ne sont pas les plus visibles.