Au moins six manifestants réclamant le départ de Laurent Gbagbo ont été tués lundi à Abidjan tandis qu'une délégation de chefs d'Etat de l'Union africaine chargés de proposer une solution à la crise politique rencontrait le président sortant à Abidjan. La communauté internationale a reconnu l'ancien Premier ministre Alassane Ouattara comme étant le vainqueur, le 28 novembre, du second tour de l'élection présidentielle, mais le président sortant, Laurent Gbagbo, conteste ces résultats et refuse de céder le pouvoir. Selon les Nations unies, le conflit a fait jusqu'ici quelque 300 morts, en majorité des partisans d'Ouattara. La délégation de l'UA a été ensuite reçue par Laurent Gbagbo. D'après une source proche des discussions préparatoires de dimanche, elle devait insister pour qu'il s'en aille en échange de diverses garanties. Ce dernier a jusqu'ici rejeté toutes les propositions en ce sens. Le gouvernement d'Ouattara a lancé un appel à un soulèvement semblable à celui qui a poussé au départ le président égyptien Hosni Moubarak, mais les forces de sécurité ont dispersé les tentatives de rassemblement. Des habitants ont fait état de coups de feu tirés tout au long de la matinée dans des quartiers d'Abidjan pro-Ouattara. Dans le quartier de Koumassi, des soldats utilisant des mitrailleuses montées sur des véhicules militaires ont tiré sur des manifestants, ont rapporté des habitants. Trois manifestants au moins ont été tués, a dit Djaté Traoré, habitants de Koumassi, qui précise avoir vu les corps. Dans le quartier de Treichville, on déplore trois morts et 14 blessés, a déclaré par téléphone à Reuters un employé de mairie qui a vu les morts. Cette source, qui a requis l'anonymat pour des raisons de sécurité, a participé au transport des blessés à l'hôpital. Le camp Ouattara a fait état pour lundi d'un bilan de 12 morts, dont trois civils frappés par une grenade RPG. Les militaires n'ont fait aucune déclaration. Des tentatives similaires de manifestation ont été réprimées ce week-end par des forces pro-Gbagbo qui, selon des témoins, ont tué au moins cinq personnes. L'armée a prorogé le couvre-feu nocturne imposé durant le week-end et qui sera maintenu jusqu'à jeudi. Babri Gohourou, porte-parole de l'armée, a déclaré à la télévision publique qu'au moins quatre soldats ou policiers avaient été lynchés dimanche par des manifestants, dont trois auraient été égorgés. Les dirigeants sud-africain, mauritanien, tchadien, burkinabé et tanzanien s'étaient réunis dimanche en Mauritanie afin de discuter de propositions préparées par des experts de l'UA. "Nous ne pouvions revenir sur la précédente décision de la commission de l'UA qui reconnaissait Ouattara comme le vainqueur de l'élection", a dit, sous le sceau de l'anonymat, la source proche des discussions. "Il a été estimé que les deux candidats ne pouvaient coexister, de sorte que la préférence est allée à un transfert de pouvoir avec des garanties à la partie perdante (...) La délégation de haut niveau s'est mise d'accord sur la voie à suivre, mais il reste de nombreux détails à préciser". A 14h00 GMT, tous les chefs d'Etat avaient atterri à l'aéroport d'Abidjan, à l'exception du président burkinabé, Blaise Compaoré. Aucune raison n'a été donnée à son absence, mais les partisans de Gbagbo considèrent qu'il a un parti pris en faveur de Ouattara. Les deux rivaux ont formé chacun un gouvernement, mais Ouattara reste cantonné à un hôtel d'Abidjan où il est placé sous la protection de casques bleus des Nations unies. Invoquant une "détérioration rapide du secteur financier", la banque SIB, filiale de la banque marocaine Attijariwafa, a suspendu lundi ses opérations dans le pays. Presque toutes les autres banques internationales avaient déjà fermé leurs portes la semaine dernière. Gbagbo, qui continue d'exercer le pouvoir avec l'appui de l'armée en dépit de sanctions internationales, a promis de rouvrir ce lundi deux banques françaises nationalisées la semaine dernière. Néanmoins, selon des sources proches du ministère des Finances, des représentants de Gbagbo devaient rencontrer du personnel pro-Gbagbo des succursales de la Société Générale et de BNP Paribas en vue de leur réouverture mardi en tant que banques nationalisées.