La bande de Gaza et sa population seront les grands absents des pourparlers de paix du 2 septembre à Washington. A croire même qu'Israéliens et Palestiniens réussiraient l'impossible et faire la paix en l'espace d'un an, il n'en demeure pas moins que 40% de la population palestinienne aurait été tenue à l'écart parce que soumise au blocus israélien. Pour le Mouvement de résistance islamique (Hamas), au pouvoir à Gaza après avoir remporté en janvier 2006 les élections, le Fatah au pouvoir en Cisjordanie occupée qui parlera au nom des Palestiniens à Washington est un traître à la cause. Les textes de ces vingt dernières années prévoient comme objectif "la création d'un Etat palestinien en Cisjordanie et dans la bande de Gaza" - dans les faits, les Gazaouis (ils sont environ 1,7 million, contre 2,5 millions de Cisjordaniens) seraient exclus de ce futur Etat palestinien. Mais comme personne ne veut jouer les trouble-fête avant une naissance, cette dure réalité est passée sous silence avant la reprise du dialogue direct israélo-palestinien. Dans une lettre à Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, omet ainsi d'évoquer Gaza. "Nous notons qu'un Etat doté de frontières provisoires n'est pas une option pour le peuple palestinien", dit-il. Prié récemment par la télévision israélienne d'indiquer comment il entend résoudre cette quadrature du cercle, Mahmoud Abbas, qui est aussi le chef du Fatah, a répondu laconiquement: "Nous règlerons le problème de Gaza et du Hamas". La semaine dernière, il a confié à des journalistes: "Si nous parvenions demain à un accord de paix, nous serions incapables de l'appliquer sans mettre un terme à cette division". D'où la question épineuse, à savoir comment Abou mazen fera-t-il, pour mettre en oeuvre les dispositions d'un hypothétique accord de paix, qui, au regard de la légalité, doit s'appliquer aussi à Gaza ? Cela dit, tout en sachant que le successeur d'Abou Amar (Yasser Arafat) n'a désormais presque aucune prise sur l'enclave côtière, géographiquement séparée de la Cisjordanie. Mardi à Damas, le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, a estimé que Mahmoud Abbas était trop faible pour obtenir des Israéliens un accord de paix équitable. "S'ils aboutissent, les pourparlers (de Washington) seraient un succès selon les critères israéliens et liquideront la cause palestinienne", a-t-il dit. "Ils nous restitueront une partie des territoires conquis en 1967, ils redessineront les frontières selon leur bon vouloir et confisqueront notre souveraineté". Il a ajouté: "Notre mission est de résister". Pour des diplomates occidentaux, en cas d'accord israélo-palestinien, le Hamas pourrait soit se réconcilier avec le Fatah et le soutenir, soit permettre aux Gazaouis de se prononcer par référendum sur le texte, soit encore le rejeter en bloc. George Friedman estime que si le Fatah fait des concessions susceptibles de permettre un accord de paix, le Hamas non seulement s'y opposera, mais il dispose des moyens pour saboter toute disposition concernant Gaza. Enfin, dans l'hypothèse où les Palestiniens et/ou les Israéliens seraient trop divisés pour appliquer un accord négocié, les Etats-Unis et leurs principaux alliés pourraient toujours tenter d'imposer un accord reconnaissant l'Etat palestinien dont le Premier ministre, Salam Fayyad, affirme qu'il sera prêt d'ici le second semestre 2011.