C'est une visite «déloyale» car «elle ne contribue pas» à apaiser la tension ; elle est «irresponsable» et «opportuniste». Ces propos ne sont pas d'un haut responsable marocain mais du ministre espagnol de l'Equipement, José Blanco, qui réagissait mercredi au nom du gouvernement de son pays, à la visite effectuée le jour même à Mellilia occupée par José Maria Aznar, ancien chef du gouvernement espagnol. Aznar s'est rendu à Mellilia pour appuyer les éléments des forces et corps de sécurité de l'enclave, ceux-là mêmes qui ont été, par leur comportement agressif et xénophobe à l'encontre de citoyens marocains et subsahariens, les déclencheurs de la dernière tension dans les relations maroco-espagnoles. Les signes d'apaisement succédant à la période de crise, marqués notamment par l'entretien téléphonique entre les Souverains des deux pays qui ont décidé que «les derniers incidents ne peuvent porter préjudice à la qualité des relations maroco-espagnoles», et la programmation d'une visite officielle au Maroc (le 23 août) du ministre espagnol de l'Intérieur, n'ont visiblement pas été du goût de l'homme qui a toujours développé un anti-marocanisme primaire et qui aurait sans doute souhaité que les relations entre les deux pays continuent à se dégrader pour atteindre un point de non retour. Par sa visite provocatrice à Mellilia occupée, Aznar a cherché désespérément à créer un autre sujet de tension, au-delà de son besoin «vital» de provoquer des dissensions au sein de la classe politique espagnole, au sein de la coalition gouvernementale espagnole de préférence. Pour un homme largué de l'arène politique, sa visite trahit une fébrilité qui renseigne sur son état d'esprit et qui, plus grave encore, fait peu de cas des intérêts de son propre pays, de la stabilité dans la région et des impératifs de la politique de bon voisinage. Mais rien au fait n'étonne de la part d'un Aznar que les Marocains connaissent très bien pour l'avoir pratiqué au moins pendant huit années, du temps où il dirigeait le gouvernement espagnol. Huit années de relations tendues, d'hostilité gratuite, d'animosités improductives, d'actions allant à contresens de lHistoire et de la géographie, de complots à peine voilés contre les intérêts légitimes du Maroc... La politique «guerrière» qu'il réservait au pays des «Moros» ne relevait nullement d'une stratégie d'Etat mais trouvait son explication dans sa seule attitude anti-marocaine, faite de rancune, de haine, de penchants expansionnistes et de fascisme. Petit-fils de Manuel Aznar Zubigaray, diplomate et journaliste proche du dictateur Franco, il passe pour être le dépositaire «légitime» d'une idéologie aux antipodes des valeurs et principes régissant le monde civilisé, où la préservation des déterminants du bon voisinage et le respect des Etats, de leurs droits légitimes et des sentiments de leurs peuples, passent en premier. Rappelons-nous que dès son accession au pouvoir en 1996, il avait radicalisé toutes les positions de son pays sur les questions relatives au Maroc, en premier lieu la question du Sahara. N'avait-il pas, profitant de la présidence par Madrid du Conseil de sécurité des Nations Unies, mobilisé toutes ses ressources diplomatiques et son influence pour faire adopter une résolution visant à imposer le défunt plan Baker (le dernier) comme solution unique? Sa tentative ayant échoué grâce à un dynamisme salutaire de la diplomatie marocaine et à une position internationale de plus en plus acquise à la position légitime du Maroc, Aznar a continué malgré tout, contre vents et marées, à soutenir la position des séparatistes polisariens et à faire de ce soutien aveugle une constante dans son agenda politique. En juillet 2005, juste après la fin de son mandat à la tête du gouvernement, José Maria Aznar a invité et reçu «cordialement» à Madrid, Mohamed Abdelaziz, le responsable en chef des graves violations des droits de l'Homme perpétrées dans les camps de Tindouf. Son objectif était double: provoquer le Maroc tout en contrariant pour une énième fois ses droits légitimes (une pathologie décidément incurable) et tenter de déstabiliser la coalition gouvernementale fraîchement installée après la sortie tonitruante du cabinet Aznar ; une sortie favorisée en partie par les retombées politiques de l'attentat terroriste de Madrid du 11 mars 2004, au lendemain desquelles José Maria Aznar avait particulièrement et lamentablement brillé par ses mensonges et manipulations. Pour «fignoler» son coup, il avait, à l'issue de ses entretiens avec Abdelaziz, annoncé son intention de visiter les camps de Tindouf, ce qui suscita une grande polémique en Espagne et accapara le débat politique. Mais des voix sérieuses dénonçant «un acte qui porte atteinte à la politique étrangère espagnole» ont fini par prendre le dessus. Ainsi, l'homme politique s'est transformé en un vulgaire spécialiste de la nuisance, ce que sa visite d'avant-hier à Mellilia occupée ne fait que confirmer. Le triste registre de José Maria Aznar avec le Maroc ne s'arrête pas à la seule question du Sahara. L'idéologie qu'il défend étant foncièrement colonialiste, c'est sur la question des présides occupés, Sebta et Mellilia et les îles avoisinantes, qu'il dévoile le meilleur de sa rancune et de sa haine envers le Maroc en particulier et envers le monde arabo-musulman en général. José Maria Aznar est descendant des comtes d'Aznar, des «nobles» du nord de l'Espagne qui avaient joué un rôle important dans la «Reconquista» par laquelle furent chassés de l'Andalousie, en représailles aveugles, juifs, musulmans et Morisques, tous des andalous, provoquant ainsi l'un des plus graves drames humains de l'Histoire. L'unique motivation était la rancune. Cette même rancune on l'a retrouvée chez l'honorable Aznar lorsque, lors d'une conférence animée en 2006 à l'Institut Hudson, à Washington, il déclara: «Les musulmans devraient présenter des excuses à l'Espagne pour l'avoir occupée pendant huit siècles»! estimant également que «l'Alliance des Civilisations (défendue par l'Espagne et la Turquie avec le soutien des Nations unies pour rapprocher l'Occident et le monde musulman, ndlr) est une stupidité». C'est également cette rancune enracinée qui avait motivé l'action militaire qui a abouti à l'occupation, en 2002, du rocher marocain «Leïla». Une agression qui ne visait qu'à satisfaire une envie personnelle de José Maria Aznar de «mater les Moros». En se permettant de déclarer la guerre à un pays voisin pour résoudre un différend, Aznar avait non seulement violé le droit international, mais outragé la Constitution de son propre pays dont l'article 63 stipule que seul le chef de l'Etat, c'est-à-dire le Roi Juan Carlos, peut déclarer la guerre après avis favorable du Parlement. On peut enchaîner avec l'immigration. Du temps d'Aznar au pouvoir, la communauté marocaine immigrée en Espagne s'était retrouvée dans une situation des plus difficiles. L'Histoire retiendra que c'est au cours du mandat d'Aznar que cette communauté avait subi une grave agression raciste en terre espagnole qui n'a d'égale que celle ayant marqué l'époque de la «Reconquista». Un événement tragique qui porte le nom d'Elejido, le village andalou, où, durant plusieurs jours, des citoyens marocains étaient lynchés par des groupuscules racistes sous le regard indifférent de la police espagnole, protégée par Aznar. S'adressant aux habitants de cette région lors des élections législatives de mars 2000, Aznar avait dit avoir compris le message qu'ils lui ont adressé. Depuis, il avait radicalisé davantage sa politique anti-marocaine. Si l'on remonte à décembre 2001, on retrouvera un autre fait de haine à l'encontre du Maroc, tout aussi incompréhensible qu'outrageant. Un acharnement gratuit de José Maria Aznar contre l'actuel chef de gouvernement, M. José Luis Rodríguez Zapatero, alors dans l'opposition, parce que ce dernier avait décidé de se rendre en visite au Maroc en tant que leader politique. Aznar était monté au créneau en personne pour opposer son veto au voyage de Zapatero. Une démarche tout aussi insolite que comique qui avait fait dire à Zapatero que «l'Espagne maintient son ambassadeur au Maroc, et là où se trouve l'Etat peut se trouver n'importe quel citoyen espagnol et encore plus un leader politique faisant jouer son rôle». Tel est, succinctement, Aznar qui s'est rendu à Mellilia occupée pour se livrer à son sport favori, celui de la provocation, de la nuisance et de la quête du conflit en lieu et place de la coopération et de la bonne entente.