Pour les juristes marocains, l'année 2004 a été marquée par de grands bouleversements dans le Droit de la famille. Positifs, ces changements ont été salués tant à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur. Le code de la famille, tourné vers l'avenir, remplace “La Moudawana” frappée de caducité. Une grande révolution qui inscrit dans l'ère les modalités de conclusion de mariage et de dissolution dui lien conjugal. Ainsi, par exemple, l'article 94 du code de famille dispose que « Si les époux, ou l'un d'entre eux, demande au tribunal de régler un différend les opposant et qui risquerait d'aboutir à la discorde, il incombe au tribunal d'entreprendre toutes tentatives en vue de leur réconciliation conformément aux dispositions de l'article 82 ». En instituant le divorce judiciaire pour raison de discorde, le législateur marocain a voulu rompre avec l'arbitraire de l'époux qui possédait unilatéralement le pouvoir discrétionnaire de répudier sa femme selon son humour. En cela il s'est inspiré du Droit Européen et notamment du Droit Français. Jadis, le mari n'avait besoin que de prononcer l'expression « tu es illicite pour moi» pour que le divorce soit consacré et consommé. Voici encore pour illustrer le cas un exemple tiré de la jurisprudence : Le mari dit par exemple : “Par Allah très puisant, si tu montes sur la terrasse, les choses licites seront illicites pour moi”, par conséquent quand la femme désobéit, elle devient illicite. Dans certains cas, cette sanction peut être une répudiation triple, comme l'illustre un jugement du début du siècle dernier dont voici quelques extraits : «Le mari a défendu à sa femme de monter sur la terrasse, en appuyant sa défense d'un serment….or celle-ci y est montée…Le cadi a posé la question suivante : « Avez-vous eu ou non l'intention de répudier votre femme triplement ? » Le mari a répondu par affirmation et le cadi a tranché dans ce sens. Voulant préserver les droits de la femme et des enfants, le législateur a institué le régime du divorce pour discorde, en lui donnant un sens étendu qui a permis à la femme de demander le divorce si elle déclare éprouver une vie conjugale intolérable et affiche sa conviction de l'impossibilité de sa continuité. Un changement qui tranche avec la réalité longtemps consacré de la femme –objet et des enfants laissés pour compte. Cependant, commence à se poser avec acuité déjà, six années après l'entrée en vigueur du code de la famille, la question suivante : Est-ce que cette innovation a permis la stabilité des familles ? Sachant que les statistiques du ministère de la Justice ont révélé récemment que le taux de divorce pour discorde a atteint des chiffres frappants. Chaque jour des dizaines de couples défilent devant la chambre de conseil du tribunal de famille. Afin de restreindre ce taux croissant de divorce pour discorde, la mission de conciliation doit revêtir un caractère obligatoire. Des parents du couple doivent s'investir de cette mission de conciliateur pour donner au couple une seconde chance de coexistence conjugale. Ce que d'ailleurs le législateur a voulu instaurer par les articles 95 et 82 du code de famille. Article 95 :« Les deux arbitres, ou ceux qui en tiennent lieu recherchent les causes du différend qui oppose les conjoints et déploient toutes leurs possibilités pour y mettre fin. En cas de réconciliation des époux, les arbitres en dressent un rapport en trois copies signées par eux et par les époux et les soumettent au tribunal qui en remet une copie à chacun des époux et conserve la troisième dans le dossier. Le tribunal prend acte de cette réconciliation ». Article 82 : Lorsque les deux parties comparaissent, les débats ont lieu en chambre de conseil, y compris l'audition des témoins et de toute autre personne que le tribunal jugerait utile d'entendre. Le tribunal peut prendre toutes les mesures, y compris la délégation de deux arbitres, du conseil de la famille ou de quiconque qu'il estime qualifié à réconcilier les conjoints. En cas d'existence d'enfants, le tribunal entreprend deux tentatives de réconciliation, espacées d'une période minimale de trente jours. Si la réconciliation entre les époux aboutit, un procès verbal est établi à cet effet et la réconciliation est constatée par le tribunal ».