Rahma Bourqia, présidente de l'Université Hassan II de Mohammédia et membre de la Commission royale pour la réforme de la Moudawana, souligne que le principal enseignement de la réforme est la restauration de l'égalité entre l'homme et la femme au sein de la famille. ALM : Quelles ont été les réactions des gens après l'annonce par SM le Roi des principales réformes de la Moudawana? Rahma Bourqia : Après l'annonce par SM Mohammed VI des grandes lignes de la réforme de la Moudawana, mon entourage, le monde associatif et toutes les Marocaines et Marocains que j'ai eu l'occasion de rencontrer ont exprimé une réelle joie. Leur réaction était marquée d'une grande satisfaction. En effet, la réforme a touché les droits de l'enfant ainsi que l'égalité entre l'homme et la femme au sein de la famille. L'élaboration de ce projet de réforme a été marquée par certains blocages. Quelle leçon en tirez-vous? En fait, l'ancien code du statut personnel englobait beaucoup d'injustices. La réforme présentée par SM est venue corriger ces injustices en octroyant davantage de droits à la femme, tout en préservant la dignité de l'homme. Ce principe d'égalité est au centre de la réforme. Nous aurons l'occasion de revenir sur les détails de ce projet de réforme quand il sera soumis au Parlement. Mais ce qu'il faut retenir c'est que cette réforme s'inscrit dans le cadre d'un projet de société moderne, tourné vers l'avenir dans le respect des grandes valeurs de l'Islam. A ce titre, tout le monde doit y adhérer car l'institution familiale est au cœur de tout développement. Combien d'articles de la Moudawana ont été touchés par cette réforme? Tous les articles du code sont concernés par cette réforme. Nous avons travaillé, au sein de la Commission royale, pour une révision radicale de toute la Moudawana. Environ 400 articles ont été modifiés. Certes, les débats ont été parfois houleux entre les différents membres de la Commission. Mais ces discussions intenses ont toutes été axées sur l'intérêt général et celui de la famille. Quelles sont les prochaines étapes que connaîtra le projet de réforme? Maintenant, comme l'a souligné le Souverain dans son discours devant le Parlement, le projet sera soumis aux élus du peuple. Je ne peux pas vous dire, avec exactitude, les points qui seront traités par le Parlement. A ce sujet, le discours Royal est clair. Les aspects qui touchent Imarat Al Mouminine sont du ressort strictement royal. Toutefois, les aspects civils seront par contre débattus et adoptés par le Parlement. En tout cas, c'est la première fois dans l'histoire du Maroc que le code de statut personnel est soumis aux parlementaires. C'est en soi un formidable acquis démocratique. A votre avis, la réforme des textes suffit-elle à éradiquer la violence et l'exclusion dont souffrent bon nombre de femmes Marocaines? Effectivement, les textes de lois ne peuvent pas, à eux-seuls, mettre un terme aux inégalités qui existent entre les femmes et les hommes. Mais la loi contribue au changement. SM le Roi a entamé un processus qui ne va pas s'arrêter dans les prochains jours. Au contraire, beaucoup d'autres mesures doivent être prises pour que la réforme de la Moudawana atteigne les objectifs excommptés. De quel genre de mesures parlez-vous? Il s'agit tout d'abord d'informer les Marocaines et les Marocains des détails de la réforme de la Moudawana. L'adoption de la réforme n'est pas une fin en soi. Il faut maintenant mobiliser tous les citoyens des nouveautés qu'elle contient. D'un autre côté, le ministère de la Justice est appelé à former les juges. Ces derniers ont une responsabilité considérable, beaucoup plus qu'elle ne l'était auparavant. Une réforme n'est vertueuse que par son application. C'est pourquoi, le Maroc devrait se doter de juridictions spécialisées dans les affaires familiales. C'est le cas déjà dans certaines villes marocaines, mais il est temps de généraliser cette expérience à tout le territoire. Qu'en est-il du changement des mentalités? C'est un des aspects les plus importants de la sensibilisation. Au Maroc, la femme est toujours exclue de bon nombre de secteurs. C'est le cas notamment de la politique. Nous l'avons vu lors des dernières élections communales. Le changement des mentalités peut se faire petit à petit, mais encore une fois je suis convaincue que la loi est un préalable essentiel.