Les cimaises de la galerie Fan-Dok à Rabat abritent actuellement les œuvres récentes de Moubarak Ammaneet El Imam Djimi. Placée sous le thème«Mémoire et gravures rupestres», cette exposition nous fait voir un carrefour labyrinthique des signes et des fragments graphiques naturalistes, et ce selon le langage plastique brut qui nous révèle une abondance des touches et des compositions meublant le fond du tableau. C'est tout un monde pariétal ouvert qui revisite la matière, ses textures et ses transformations pour mettre en relief une palette pure et enrichissante. Lauréat de l'Ecole Supérieure des Beaux Arts de Casablanca, l'artiste peintre Ammane Moubarak est un passionné des matériaux mixtes. Il met en scène des espaces scéniques structurés par l'alchimie des tons telluriques, en exploitant la mémoire de la terre avec certitude et adresse, en captant les traces des êtres et des choses via la magie visuelle de la glyptique. les clairs obscurs, les vides et les pleins, l'ordre et le désordre, le visible et l'invisible, la transparence et l'opacité, la suggestion et l'effacement sont autant d' éléments plastiques qui donnent forme à ses états d'âme et à ses impressions idéographique:«Je m'intéresse depuis des années à la Mémoire, aux traces de l'Homme qui nous rappellent son passage, son histoire, sa vie, ancienne et contemporaine. Comment nos ancêtres vivaient-ils ? L'Histoire n'explique pas tout. C'est là que commence ma recherche. Les quelques traces et dessins découverts sur les grottes et pierres ou encore les objets anciens, nourrissent et stimulent mon imagination pour reconstituer des scènes et des ambiances de vies. Il y a une évolution constante dans mes diverses réalisations sur la mémoire, les traces de l'Homme. Cette démarche est visible aussi bien au niveau de la forme et de la couleur qu'au niveau des matières utilisées. Le paysage urbain du nord du Maroc a sûrement influencé mon regard. C'est ainsi que le blanc, souvent absent dans les peintures préhistoriques, a dominé les toiles réalisées pendant une résidence à Tétouan. J'ai introduit également de nouvelles matières comme le cuivre, le métal, la chaux et les pigments. La technique, les formes et les couleurs donc changent et l'image chez moi continue son évolution à son rythme.», nous confié l'artiste. De son coté, El Imam Djimi (vit et travaille à Agadir) revisite et interroge des figures rupestres venues d'un passé lointain voire également des objets énigmatiques légués par la civilisation du désert du Sahara. Il est un exemple de bravoure technique et réflexive dans l'arène des lignes et des couleurs. On retrouve les formes et les traces gravées ou dessinées sur les pierres et les parois des grottes. Sur son acte pictural, A. Ajbour (Université d'El Jadida) a écrit:«Les gravures rupestres que Djimi tente de traduire et de transmuer font partie du patrimoine de l'humanité. Elles voyagent dans une transhumance incertaine, cependant assurées d'une seconde vie ; d'une vie multiple pourrait-on dire. Dans les tableaux, le regard est pris de fascination pour ces figures qui rappellent des histoires très anciennes. Des danses sans doute ou des célébrations de rites anciens. Des règnes en symbiose total : l'humain et l'animal, surtout. Ces toiles disent le constat des découvertes scientifiques. Le Sahara était bel et bien une forêt vierge. Djimi n'est pas un archéologue. C'est un enfant du désert. Il est aussi un enquêteur humain. Il assène au sable et aux pierres des interrogatoires longs, complexes, mais in fine assez conséquents pour s'offrir la voie d'une œuvre inédite. Un parti pris rupestre prometteur.».