Le ministère de la Santé a validé une nouvelle réduction des prix de plusieurs médicaments, dont certains utilisés dans le traitement du cancer. Cette mesure est une initiative salutaire, en attendant la mise à jour de la tarification nationale de référence. Le coût élevé de nombreux médicaments, notamment ceux destinés au traitement des maladies chroniques, plonge les ménages les plus modestes dans des dilemmes insoutenables. Cette réalité expose les patients à une rude épreuve : affronter la maladie, avec toutes ses implications sur leur santé, tout en menant un combat parallèle pour accéder à des traitements souvent hors de portée. Cette situation demeure des plus inquiétantes si l'on prend en compte l'importance de la part des médicaments dans les dépenses de santé des ménages, d'un côté, et la détérioration de leur pouvoir d'achat, de l'autre. Pour y remédier, le ministère de la Santé et de la Protection sociale a décidé, depuis 2021, de réviser les prix de vente de certains médicaments originaux, génériques et bio-similaires en vente au Maroc. Dès lors, pas moins de 5.350 médicaments ont vu leur coût réduit, ciblant principalement les traitements pour maladies chroniques. Aujourd'hui, cette tendance baissière des médicaments se poursuit avec une nouvelle décision ciblant, cette fois-ci, une liste de produits coûteux, utilisés dans le traitement de divers types de cancer. La décision a été publiée au Bulletin Officiel N° 7392, sachant que les baisses varient de 10 à 1.000 dirhams et de 6.000 dirhams pour certains médicaments dont le prix de vente est de 5 chiffres. Cette réduction touche aussi bien le prix hôpital que le prix public de vente en pharmacie. En gros, ces médicaments sont utilisés dans le traitement des maladies qui nécessitent une longue prise en charge. Il s'agit notamment du médicament IRESSA 250 mg contre le cancer bronchique non à petites cellules, qui voit son prix, après la réduction, passer à 9.355 dirhams, contre environ 16.063 dirhams auparavant, soit une baisse de 6.708 dirhams. La nouvelle tarification nationale de référence se fait toujours attendre Quant au médicament Faslodex à 250 mg, utilisé par les femmes pour traiter le cancer du sein, son prix de vente public a été réduit à 2.893 dirhams, contre 3.732 dirhams auparavant, soit une réduction de 839 dirhams. Le prix du médicament CAELYX PEGYLATED LIPOSOMAL 2 mg, destiné à traiter certains types de cancer, a également été réduit, passant de 3.907 dirhams à 3.727 dirhams. Cette même réduction s'applique pour les hôpitaux. Sur la base des demandes présentées par les industriels, le prix de vente de trois médicaments originaux a été finalement déterminé. Il s'agit, par exemple, du médicament ROZLYTREK 200 mg, utilisé pour traiter divers types de tumeurs cancéreuses, qui devrait être vendu au public pour environ 46.408 dirhams, tandis que les hôpitaux l'acquerront pour environ 45.895 dirhams. Le prix de vente de la version réduite de ce même médicament (100 mg) a été fixé à 8.138 dirhams pour le public et 7.966 dirhams pour les hôpitaux. Quant à la solution RYBREVANT 350 mg, son prix de vente au public a été fixé à 15.290 dirhams. D'autres médicaments ont vu également leurs prix réduits de quelques dirhams, notamment NOLIP 5mg, qui se vend désormais à 22 dirhams pour les hôpitaux et 35 dirhams en officine. Au regard du Dr Tayeb Hamdi, spécialiste en politiques de santé, cette baisse tombe à point nommé, permettant aux couches sociales modestes d'accéder aux médicaments, tout en garantissant l'équilibre financier de chaque régime de l'assurance maladie. Toutefois, des efforts restent à faire pour garantir que les médicaments soient durablement accessibles, en mettant fin aux écarts de prix entre le Maroc et d'autres pays. Par ailleurs, le coût des médicaments renvoie automatiquement à la tarification nationale de référence qui peine encore à voir le jour depuis 2006. La tarification de référence est si importante qu'il s'agit de la base sur laquelle se calcule le niveau du remboursement des médicaments et des prestations médicales par la Sécurité sociale. D'où la nécessité qu'elle soit mise à jour et soit conforme aux prix réels des actes médicaux et aux évolutions des technologies médicales, et ce, au bénéfice à la fois des opérateurs privés et des ménages. "L'actualisation de cette tarification est une priorité majeure pour notre pays qui avance à grands pas dans la généralisation de l'assurance maladie", souligne Dr Hamdi. Cette tarification est jugée vitale pour mettre fin aux abus souvent observés dans le secteur privé, dont le chèque-garantie et ce qu'on appelle "le noir".
Trois questions au Dr Tayeb Hamdi "Il faut procéder à une actualisation de la tarification nationale de référence" - Le ministère de la Santé s'efforce, ces dernières années, de réduire les prix de nombreux médicaments, dont ceux utilisés dans le traitement du cancer. Comment évaluez-vous l'impact de cette mesure sur les patients ? L'accès des patients aux médicaments est l'une des pierres angulaires d'un système de santé efficient, d'autant plus que l'objectif de l'assurance maladie est de permettre à la population d'accéder aux soins sans obstacle financier, y compris celui des prix des médicaments. Les médicaments représentent environ un tiers des dépenses de santé au Maroc, et un tiers également des dépenses de l'assurance maladie obligatoire. Par conséquent, toute réduction des prix des médicaments contribuerait à améliorer l'accès aux soins, tout en assurant un équilibre financier et une réussite durable de l'assurance maladie. - Dans quelle mesure la baisse des prix des médicaments contribue-t-elle à améliorer l'accès des populations vulnérables aux traitements ? C'est un levier important, mais il n'est pas le seul. Il est crucial d'agir sur d'autres leviers tout aussi importants, notamment la généralisation des médicaments génériques. Actuellement, le taux de pénétration des génériques au Maroc ne dépasse pas 45%, comparé aux Etats-Unis, où il atteint 85%, et à l'Allemagne, où il se situe autour de 70%. La généralisation de l'assurance maladie constitue une opportunité idéale pour généraliser la prescription de médicaments génériques, qui sont plus abordables, tant pour l'Etat que pour les patients. De plus, il est nécessaire de généraliser les parcours de soins coordonnés, afin d'orienter les patients de manière proactive et de rationaliser les dépenses inutiles pour les caisses d'assurance maladie. Enfin, l'instauration de protocoles thérapeutiques standardisés est indispensable pour harmoniser les prescriptions médicales et éviter les traitements ou analyses redondants. - Quelle est, selon vous, l'importance de la révision de la tarification nationale de référence, qui n'a pas été actualisée depuis 2006, maintenant que la Haute Autorité de la Santé est opérationnelle ? Pour répondre à cette question, il est important de souligner que de nombreux Marocains, qu'ils soient assurés ou non, se retrouvent contraints de renoncer aux soins en raison de la difficulté à en supporter les coûts. Cela résulte d'une tarification nationale qui n'a pas été révisée depuis 2006, ce qui fait que les patients doivent souvent payer de leur poche bien plus que ce qui est remboursé. Il est urgent de réviser la tarification de référence de l'assurance maladie (TNR). Le fait de ne pas la mettre à jour profite uniquement aux caisses d'assurance maladie, qui continuent d'encaisser les cotisations des assurés, alors qu'un tiers d'entre eux renoncent aux soins.