Maître Mohamed Berrada, avocat chevronné, ancien directeur du cabinet du leader Allal Fassi et ancien directeur de “L'Opinion”, est décédé, mardi, dans une clinique parisienne à l'âge de 78 ans. La dépouille du disparu devait être rapatriée hier pour être inhumée aujourd'hui à Casablanca. Mohamed Berrada, Mao pour les intimes, a fait ses études supérieurs à la Faculté de la Sorbonne où il a décoché en 1960 une licence en Droit. Pendant ses études en France, il fut porté à la tête du Mouvement estudiantin istiqlalien à Paris. De retour au Maroc, il s'inscrit au barreau de Casablanca et rejoint, en 1961, le cabinet de Allal El Fassi, leader du Parti de l'Istiqlal. En 1965, à l'âge de 33 ans, il fonda, sur décision de l'Istiqlal, le quotidien “L'Opinion” et assuma la responsabilité de sa direction. C'était en plein année noire de la proclamation de l'état d'exception. Le premier numéro de “L'Opinion” avait paru le 9 avril 1965, soit juste après les évènements du 23 mars de la même année. Pour rappel, “L'Opinion” succédait à deux autres journaux du Parti de l'Istiqlal, interdits par les autorités de l'époque: La “Nation Africaine” que dirigeait Driss El Fellah, interdite en fin février 1965 et dont le directeur fut traduit en justice pour avoir rapporté des propos du leader Allal El Fassi prononcés lors du 7éme congrès du parti et jugés “subversifs”, et le quotidien “L'Istiqlal”, réincarnation de son prédecesseur du même nom des années 50, dont la direction avait été confiée à feu Abderrahman Baddou et qui n'a vu paraître que quelques numéros, Oufkir ayant décidé son interdiction illico. C'est dans cette atmosphère marquée par la repression systématique et par l'étouffement des libertés publiques et individuelles, celles d'expression et de la presse en tête, que feu Mohamed Berrada avait pris sur lui de poursuivre le combat de façon active et directe, épris comme il était des valeurs démocratiques et des principes fondateurs et éternels de sa formation politique. Ses positions courageuses et le traitement qu'il réservait à des sujets sensibles pendant ces années noires, époque de la censure au quotidien, des interdictions et des saisies, lui ont valu plusieurs séjours en prison. Mohamed Berrada fut arrêté à trois reprises. Une première fois pour avoir publié une information faisant état du refus des dockers du Port de Casablanca de décharger un navire américain en juin 1967. Une autre fois, en 1969, en compagnie de M. Abdelkrim Ghallab, directeur d'“Al Alam”, au lendemain des élections municipales. La troisième fois c'était en septembre 1970, quelques mois après la création de la Koutla nationale (juillet) et juste après le boycot des élections scélérates d'août 1970 et l'appel à voter “non” à la Constitution de 1970. L'accusation qu'on avait retenue contre lui était la publication d'une information sur le limogeage de deux hauts officiers chargés des achats de l'armée. Il fut alors poursuivi pour “démoralisation de l'armée” et écopa d'un an de prison ferme. Un collectif de plus de 300 avocats se mobilisa pour le défendre -on y comptait notamment deux ténors français, Mes Maurice Duverger et Rland Dumas, et du côté marocain Mes M'hamed Bouceta, Abderrahim Bouabid, Abdelkrim Benjeloun, entre bien d'autres. Après sa sortie de prison, Mohamed Berrada quitte le journalisme pour se consacrer à sa carrière d'avocat où il s'est avéré un redoutable homme du barreau qui sait concilier sa fonction avec ses convictions politiques. S'étant déjà illustrés dans plusieurs procès célèbres; entre autres, le procès de 1963 contre l'UNFP, en 1967 de Ben Seddik, en 1966 du Colonel Zbiri qui avait tenté de renverser le régime algérien de Boumediene, Me Mohamed Berrada marqua son retour sur la scène politico-juridique en prenant la défense du pharmacien Benabderrazik lors de la tristement célèbre campagne d'assainissement économique menée par Driss Basri au milieu des années 90. Le défunt fut aussi un grand amateur et collectionneur d'oeuvres d'art. Il était notamment derrière le lancement de Chaïbi et de nombreux autres artistes peintres. Puisse Dieu recevoir le disparu dans Sa Sante Miséricorde. Nos condoléances vont à sa grande et petite famille, à ses proches et amis et à toutes ses connaissances. Nous sommes à Allah et à Lui nous retournons.