Les deux villes mitoyennes de la côte atlantique, Rabat et Salé dont l'aire géographique n'est séparée que par un fleuve (Le Bouregreg), traversent une nouvelle ère géologique, non pas parce qu'un cataclysme de grande ampleur les a frappées, mais à cause du séisme humain avec ses dégâts collatéraux. Si autrefois nos aïeux avaient à affronter les affres de ce qu'on appelait «'Ame Jrade» (l'année des criquets), aujourd'hui les habitants de ces deux villes doivent supporter les désagréments de «'Ame Lahfir» (l'année des excavations). Là où vous vous plantez vous trouvez des gens qui piochent. Parfois, après un énième déblaiement/remblaiement on se remet à nouveau à piocher avec autant d'ardeur que de voracité. Que cherchent ces messieurs dont les plus outillés se servent de marteaux piqueurs ou d'engins lourds et tranchants, sous l'épiderme de la croûte terrestre? Si c'est de l'or, la ruée vers ce métal précieux avait pris fin avec l'urbanisation galopante et débridée. La ruée fiévreuse vers le foncier a tout supplanté. Si c'est pour le pétrole, alors il faudrait de puissantes machines de forage pétrolier pour creuser à plus de deux milles mètres. Encore faudrait-il que le diagnostic de prospection soit positif pour éviter une autre mascarade comme celle de Talsint. Tiens, on nous dit que ces travaux sont entamés dans le but d'aménager la voie ferrée du nouveau tramway et embellir le littoral. Soit, mais un tram qui phagocyte le peu de bande goudronnée qui reste, ne serait-il pas une entrave gênante au lieu d'être comme beaucoup l'espéraient une issue salvatrice à l'épineuse problématique du transport en commun? Tous les ingénieurs qui ont un peu de bon sens disent que les deux villes jumelles ont besoin d'un métro souterrain. Ceux qui ont voyagé en Europe et visité les villes où ce moyen de locomotion est adopté, gardent en mémoire sa grande utilité. Le métro parisien transporte quotidiennement plusieurs millions de personnes. C'est rapide, pratique, confortable et convivial. Aujourd'hui, avec le boom démographique, même le tram le plus luxieux ne pourrait jamais rivaliser avec le métropolitain qui trouve sa voie dans le sous-sol pour ne pas encombrer le réseau des bus existant. Beaucoup de mairies ont abandonné le tram comme solution urbanistique à cause des accidents de la circulation et des indemnisations qui en résultent. Le seul tram qui semble échapper à cette règle restrictive est celui de Lisbonne. Mais c'est un tram à qualifier de romantique. Personnellement, je m'en étais servi pour aller au contre culturel de Belem à l'époque où jetais invité par un festival de cinéma. C'est un train très ancien, mais on éprouve du plaisir à monter à bord. Il était un petit peu bondé, mais avec le temps, il est devenu un ingrédient touristique. Qui visite Lisbonne sans prendre le tram a le sentiment de rater son voyage. Avec son bois de palissandre, ses ornementations stylisées internes et externes, ce serait une calamité de supprimer ce joyau. D'ailleurs, il ne gène pas la circulation et la ville est tellement veillotte que tout réaménagement risquerait de la défigurer. En Belgique (Bruxelles) le métro est assez douillet. On y trouve le même confort que celui de Paris (sauf les heures de pointe). Il vient à l'heure. Seul lacune: le prix du ticket est relativement cher pour un marocain. Mais, que voulez-vous, les compatriotes de Jacques Brel sont mieux payés que ceux d'Ibn Batouta. Le tram que l'on va installer pour relier Rabat et Salé, risque de prendre du temps. L'on craint que la clause relative aux pénalités de retard fixée par le CCAG (le référentiel des Travaux Publics) soit de rigueur dans la période de l'achèvement des travaux et de la réception définitive. En attendant cette dernière, on remarque déjà que la qualité des travaux n'est pas uniformément homogène. Côté dénivellation de la ligne ferroviaire par rapport à la chaussée, la topographie du schéma synoptique passant de haut en bas et vice versa (tronçon entre Bab Lakhmiss et la gare de Salé), les virages à angle droit (proximité de la bibliothèque nationale) avec les frictions métal/métal, arrêt tout près des urinoirs à ciel ouvert de Bab al Had, rouille du matériel sous les intempéries, chemins de câbles électriques noyés… l'on se demande comment, avec ces verrues de laideur, serait la figure finale de ce Wafid al Jadid (nouveau arrivant). Concernant les travaux de réaménagement du littoral qui avancent à la vitesse de l'escargot, l'on remarque un revirement inquiétant: on passe de la perspective paysagiste ouverte sur l'horizon à l'immobilière avec un retour massif des échafaudages de béton armé. On revient à la case de départ. Les propriétaires des lots de terrains expropriés sont les plus lésés. Le principe d'utilité publique risque de devenir une futilité privée. Autre remarque, on ne sait pas si les nombreuses grues et poclains installés de part et d'autre des berges du fleuve sont équipées de systèmes parafoudre pour évacuer les surtensions atmosphériques. Car le dernier tonnerre qui a frappé la banlieue de Sale était un des plus violents. Il aurait fait des dégâts humains et matériels incalculables si ce tonnerre avait diaboliquement visé la Marina et la forêt de métal où elle se trouve engouffrée en ce moment. Tout électricien averti vous dirait que l'électricité atmosphérique résultant du titanesque choc des nuages orageux de polarité opposée (dipôle divin) aime le fer. Plus on lui en donne plus il devient gourmand. Gare au vomissement. Les grues de manutention sans parafoudres peuvent amplifier le marasme en cas de violentes surtensions atmosphériques. Avis d'un cartésien de branche scientifique, esthète par vocation et par conviction.