La présidence Rassemblement National (RN) du groupe d'amitié France-Maroc à l'Assemblée nationale n'est que l'aboutissement d'une volonté de rapprochement longtemps délaissé à la droite. Des proches de Marine Le Pen témoignent. Désormais, l'amitié franco-marocaine a un synonyme : le Rassemblement National qui s'est emparé de la présidence du groupe d'amitié France-Maroc à l'Assemblée nationale. L'honneur est accordé à Hélène Laporte, députée de Lot et Garonne, qui prend désormais les rênes de ce groupe considéré prestigieux dans les couloirs du Palais Bourbon. 46 ans, Hélène Laporte incarne typiquement la nouvelle génération d'un parti qui veut ressusciter la gloire de la France à l'image de ce que veut faire Donald Trump pour l'Amérique. Fille d'un ancien candidat FN aux élections législatives du temps de Jean Marie Le Pen, elle a gravi l'essentiel des échelons avant de se frayer son chemin vers l'Assemblée nationale. Depuis son élection, Hélène Laporte s'évertue à redorer son image auprès de l'élite marocaine dont elle veut gagner la sympathie. Elle multiplie les interviews avec la presse du Royaume et enchaîne les tweets pour dire tout le bien qu'elle pense de notre pays. Mais, le choix de Mme Laporte suscite autant d'applaudissements que d'incompréhension. Histoire oblige, les observateurs les plus avertis ne manquent pas de rappeler son acharnement contre les tomates marocaines qu'elle accuse de concurrence déloyale. Ce qui est, selon ceux qui ont grincé des dents, loin de faire d'elle le profil idéal qu'elle veut mettre en avant. Selon nos informations, le RN a réfléchi longuement avant de choisir Mme Laporte et était soucieux de la réaction de l'opinion publique marocaine. Il a pris soin de choisir le candidat le plus avenant. N'aurait-il pas été plus pertinent de nommer quelqu'un qui n'était pas engagé sur un sujet de désaccord entre les deux pays ? "Oui sans doute", tranche Aymeric Chauprade, ex-eurodéputé et ancien conseiller de Marine Le Pen, qui reconnait que "ce qui unit le Maroc et le RN est bien supérieur à une querelle sur les tomates". Comme toute la droite souverainiste, Hélène Laporte s'oppose par principe au libre-échange pour des raisons politiques vu que le RN compte beaucoup d'électeurs parmi les agriculteurs français qui manifestent depuis des mois contre les accords signés par l'UE.
Au-delà des tomates, le RN rassure !
Ce débat demeure superficiel aux yeux de plusieurs membres du RN que nous avons interrogés. "Une fois le temps d'installation acquis, je suis persuadé qu'elle trouvera les mots justes pour nouer des relations bilatérales utiles à nos deux pays", confie Louis Aliot, Vice-président du parti et l'un des anciens compagnons de route de Marine Le Pen. Il se réjouit que son mouvement soit un des moteurs de "la relation d'exception". "Que personne ne doute de notre sincérité et de notre volonté de travailler utilement dans ce groupe d'amitié, et ce, dans l'intérêt de nos deux pays", poursuit le Maire de Perpignan. Nombreux sont ceux qui sont étonnés que le RN ait manifesté autant d'intérêt au Maroc dans la répartition des groupes d'amitié au Palais Bourbon. "C'est la conséquence du rééquilibrage des poids politiques à l'Assemblée", constate Emmanuel Dupuy, président de l'Institut Prospective et Sécurité en Europe (IPSE). Mais pour le parti fondé par Jean Marie Le Pen, il s'agit d'une fenêtre pour tisser des liens directs avec le Royaume, un apanage longtemps réservé aux Républicains. Pourquoi cet intérêt ? Pour des raisons historiques, explique M. Aliot, qui donne deux raisons principales : la stabilité du Royaume et sa crédibilité en Afrique et au monde arabe qui en font un allié indispensable pour la France. "C'est un mélange de respect et de fascination pour l'Histoire du Maroc et une intime conviction que l'intérêt de la France est de soutenir le Maroc dans son rôle de premier partenaire stratégique de l'Afrique du Nord", fait observer, pour sa part, Aymeric Chauprade, qui tient à rappeler que le RN fut de tout temps un des rares partis ayant soutenu la marocanité du Sahara. Force est de reconnaître que le RN a d'ores et déjà donné des gages d'amitié au Maroc. Le parti a été précurseur et a soutenu la souveraineté du Maroc aux côtés de LR avant qu'Emmanuel Macron, contraint par la force des choses, ne se décide à trancher son sempiternel dilemme. Marine Le Pen a publiquement soutenu cette décision qu'elle trouve qu'elle n'a que trop tardé. Une position partagée par la quasi-totalité de ses lieutenants. En parallèle, les élus du RN se sont distingués, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Parlement européen, par leur défense du Royaume chaque fois que ses intérêts étaient remis en cause par l'extrême gauche. Des eurodéputés comme Thierry Mariani, Nicolas Bay (ancien FN) ont voté contre toutes les résolutions anti-marocaines à l'hémicycle strasbourgeois aux côtés de leurs collègues du Patriotes pour l'Europe, un groupe présidé par un certain Jordan Bardella.
Aux origines d'une sympathie
La sympathie qu'éprouve le RN pour le Maroc est nourrie également de la révulsion qu'il porte pour l'Algérie dont il pourfend le régime. Il le montre aujourd'hui, alors que la crise diplomatique entre Paris et Alger bat son plein. L'Algérie inspire colère et rejet chez Marine Le Pen et ses partisans qui n'ont jamais pardonné au régime militaire son marchandage mémoriel et sa façon de se servir de sa diaspora comme arme politique au cœur de l'Hexagone. Marine Le Pen n'a pas manqué de menacer les Algériens de faire ce que Donald Trump a fait avec les Colombiens si elle arrive un jour au pouvoir. Le message est on ne peut plus clair ! Les figures de proue du RN passent leur temps à plaider sur les plateaux la fin des privilèges migratoires dévolus aux Algériens en vertu de l'accord de 68. "Nous parlons d'une alliance stratégique face, peut-être demain, au comportement belliciste de l'Algérie pour les deux pays amis, le RN ne sous-estime pas le risque que représente le régime algérien pour la stabilité de toute la région et pour la sécurité intérieure de la France", fait remarquer, à cet égard, M. Chauprade.
Entre réalistes et utopistes
Le RN a essayé de redorer son image au Maroc au fil des dernières années aussi bien par sa rhétorique amicale que par ses positions favorables à notre intégrité territoriale. D'où la réaction positive à sa présidence du groupe d'amitié chez plusieurs observateurs marocains, nonobstant la personnalité choisie. Bien que nationaliste et farouchement opposé à l'immigration, le parti, contrairement aux nationalistes espagnols, s'attache à l'amitié franco-marocaine. Etonnamment, le RN fut pro-marocain, du temps même de son fondateur Jean Marie Le Pen qui fut reçu, en 1990, par Feu Sa Majesté Hassan II. Leur entrevue est vivement documentée aujourd'hui dans une photo qui circule par moments sur les réseaux sociaux. On y voit les deux hommes s'entretenir cordialement, le sourire aux lèvres. Le fait que le RN soit dur, parfois très dur, sur l'immigration maghrébine ne l'empêche pas de s'estimer allié du Maroc. Beaucoup de gens n'arrivent pas à comprendre cette attitude. Les observateurs restent partagés, certains estimant que l'immigration est une affaire franco-française dont il ne faut pas se mêler tandis que d'autres désapprouvent les idées du RN sur les questions d'assimilation. Au sein de la classe politique, le courant réaliste ne cesse d'émerger. Le RN y est perçu comme un allié du Maroc face à une gauche (LFI, communistes, les verts...) très hostile au Maroc et qui se sert de l'immigration de façon clientéliste pour amadouer le vote des Musulmans de France. "La plupart des partis nationalistes en Europe ont démontré qu'ils estiment le Maroc et son intégrité territoriale", rappelle un député qui plaide pour une lecture réaliste de l'échiquier politique à l'Hexagone loin des clichés. "Entre deux pays, il existe forcément des désaccords sur certains sujets, mais des compromis seront possibles", plaide Aymeric Chauprade, qui se dit convaincu que ce qui rapproche le Maroc et la vision internationale du RN est supérieur à ce qui peut les éloigner. La marche vers le pouvoir
Maintenant, le RN tente de se rapprocher du Maroc au moment où il est au sommet de sa gloire politique. C'est aujourd'hui le premier parti de France avec 11 millions d'électeurs aux dernières législatives. Son cheffe de file, Marine Le Pen, n'a jamais été si proche de l'Elysée, face à un bloc central discrédité, une extrême gauche trop radicale et une droite républicaine amenuisée. Dans une telle configuration, le parti a de fortes chances de remporter les présidentielles de 2027. Une aubaine pour le Maroc ? "Le Maroc sera considéré comme un partenariat privilégié et un acteur incontournable de la diplomatie française en Afrique et dans le monde arabe", confie Louis Aliot. Une position partagée par Aymeric Chauprade. Concernant la question migratoire qui sera toujours au centre des débats, le RN, poursuit notre interlocuteur, mènera une politique ferme contre le fondamentalisme religieux et l'immigration clandestine. "Il espère une coopération forte du Maroc sur ces sujets d'intérêt commun", conclut-il.
Trois questions à Louis Aliot : "Le Maroc est un pôle de crédibilité et de stabilité avec lequel nous devons travailler" * Pour la première fois, le RN préside le groupe d'amitié France-Maroc à l'Assemblée nationale, ce qui est perçu au Maroc comme un nouveau pas dans un long parcours de rapprochement entre le parti et le Maroc. A votre avis, pourquoi le RN a-t-il insisté pour présider ce groupe ?
Parce que le Maroc est un grand pays qui compte désormais en Afrique et dans le monde et qui fait preuve d'innovation, de modernité, mais aussi de respect et de tradition. Il est un pilier d'équilibre au Proche et Moyen Orient en dialoguant avec tout le monde, mais aussi en Afrique où il est respecté. La France a une longue Histoire avec le Maroc, qui, malgré certaines difficultés qui existent, nous oblige dans un respect mutuel. J'ajoute que la stabilité du régime et l'autorité du Roi en font un interlocuteur de choix dans cette période internationale instable. Il est pour nous le pôle de crédibilité et de stabilité avec lequel nous devons travailler. Ça ne fait aucun doute.
* Qu'est-ce qui explique l'intérêt du RN pour le Royaume ?
La volonté d'aller de l'avant en se respectant, ce que nous représentons mutuellement. Nous sommes très attachés à cette relation ancienne et historique et avons toujours eu un très grand respect pour la Monarchie alaouite et la stabilité qu'elle incarne au travers de l'autorité de Sa Majesté. Le Maroc et la France ont entretenu des relations diplomatiques et commerciales dès le XVIème siècle. Il n'y a aucune raison de ne pas faire vivre cette proximité. D'ailleurs, avec Perpignan, nous serions heureux qu'aboutisse notre jumelage avec Tanger, ville culturelle et économique avec laquelle nous pourrons échanger avec bonheur.
* A quoi ressembleraient les relations entre la France et le Maroc si le RN arrivait au pouvoir, ce qui est fort probable en 2027 ?
Le Maroc est un partenariat privilégié, un acteur incontournable de la diplomatie française en Afrique et dans le monde arabe. C'est aussi un partenaire économique indispensable et des échanges culturels qui feront rayonner nos deux pays. J'ajoute que les problèmes géostratégiques, économiques et politiques pourront être traités d'une manière apaisée et profitable à nos deux nations. Ce serait le renouveau de nos bonnes relations dans la confiance et le respect mutuel. Un renouveau des relations franco-marocaines, un nouveau chapitre s'ouvrirait.