Devant les députés, le chef du gouvernement a présenté la CAN 2025 et la Coupe du Monde 2030 comme une opportunité pour élever l'artisanat. Objectif atteignable, mais à condition d'améliorer le marketing artisanal au niveau national et international. Lundi, Rabat vibrait au rythme de la Coupe d'Afrique des Nations (CAN) «Maroc 2025» avec le tirage au sort organisé au Théâtre national Mohammed V. Alors que cet événement célébrait l'artisanat et la richesse artistique du Royaume, sublimés par une décoration inspirée du «zellige», le chef du gouvernement dévoilait, au Parlement, le bilan du secteur, tout en présentant la feuille de route pour les années à venir. Pour Aziz Akhannouch, la CAN et la Coupe du Monde 2030 sont une opportunité majeure pour valoriser les produits de l'artisanat pour la promotion de l'identité nationale tout en répondant aux attentes des touristes. «Ce genre d'événements sportifs est comme une véritable opportunité pour mettre en avant la richesse de la culture marocaine, notre patrimoine historique et notre nature diversifiée», a-t-il déclaré, affirmant que le pays aura un moment exceptionnel pour écrire un nouveau chapitre dans l'Histoire du tourisme marocain, consolidant les résultats de tout l'écosystème qui inclut l'artisanat.
Employant environ 22% de la population active, l'artisanat joue, selon le chef de l'Exécutif, un rôle central dans la promotion du Maroc en tant que destination mondiale, expliquant dans ce sens que le produit artisanal revêt une charge culturelle, civilisationnelle et patrimoniale lui permettant de se positionner comme un véritable produit touristique par excellence qui contribue à faire connaître l'identité marocaine et à mettre en valeur ses spécificités.
Il a également souligné que le secteur constitue un levier important pour le développement social et économique, contribuant à hauteur de 7% au produit intérieur brut (PIB) et exportant environ un milliard de dirhams de biens par an. D'ailleurs, Akhannouch, qui s'est félicité des 17,4 millions de touristes enregistrés en 2024, a noté que l'artisanat est étroitement lié au tourisme, vu que les achats de produits artisanaux représentent plus de 10% des dépenses totales des touristes au Maroc.
Rayonnement à l'international
D'où les actions gouvernementales pour protéger les produits artisanaux de la concurrence illégale en enregistrant des marques déposées aux niveaux national et international. En réponse à la présentation d'Akhannouch, le député istiqlalien Abdelfettah Ahl El Mekki a soulevé que la résilience du secteur passe impérativement par l'accompagnement et le soutien financier de son tissu entrepreneurial, mettant l'accent sur les TPE. «Il est également important de développer la présence des produits marocains dans les marchés internationaux et faire en sorte à ce qu'ils répondent à la demande de ces marchés», a ajouté le député, notant qu'il faut accélérer la cadence du déploiement du programme «Go Tourisme», car le développement des réseaux touristiques régionaux auront un impact conséquent sur l'artisanat. Pour rappel, le programme en question vise à renforcer la compétitivité de 1.700 entreprises touristiques, avec une enveloppe de 720 millions de dirhams.
Par ailleurs, le chef du gouvernement a rappelé que la tutelle a lancé une série d'initiatives pour développer la chaîne de valeur de certains métiers importants, en vue d'améliorer leur qualité et de les rendre plus attrayants pour les marchés intérieurs et extérieurs.
Protection d'un héritage culturel
Il s'agit en l'occurrence du lancement du programme «Trésors des arts traditionnels marocains» en coopération avec l'UNESCO, visant la protection et la transmission des compétences associées à 32 métiers en voie de disparition, assurant ainsi la durabilité du patrimoine artisanal. Des initiatives qui s'imposent au moment où les métiers de l'artisanat marocain disparaissent graduellement au profit de modèles industriels. Les produits manufacturés à grande échelle, souvent moins chers, ont envahi le marché national, reléguant les produits artisanaux à une niche plus restreinte. Cette compétition «inégale» a naturellement conduit à une diminution de la demande pour les produits artisanaux traditionnels et donc à l'extinction de certaines spécialités artisanales. Alors que le secteur comptait auparavant plus de 200 métiers, aujourd'hui, seule une centaine parvient à subsister, nous déclarait précédemment Allal Amraoui, président du groupe istiqlalien à la Chambre des Représentants. Selon ce dernier, le premier facteur de cette disparition est «la baisse de la demande de certains produits artisanaux et la disparition de bon nombre de «Mâalems» qui détenaient les secrets de l'art artisanal», soulignant l'anecdote de la disparition de certains métiers au Maroc, dont les produits sont très prisés à l'international. «Les peignes en cornes, par exemple, sont devenus tendance sur les sites du e-commerce partout dans le monde, or, on n'en trouve presque plus au Maroc, sachant qu'à une époque ils étaient fabriqués en abondance par les artisans», s'interroge Allal Amraoui. Il est donc impératif d'élaborer de nouveaux schémas marketing pour que l'artisanat redevienne une tendance, dans le marché national, avant de voir les marchés étrangers. «L'artisanat au Maroc ne dépend pas de l'export ou des touristes, au contraire, il résiste encore grâce aux populations locales. Les caftans, les djellabas, le bois, le zellij sont prisés par les Marocains, d'où la résilience relative du secteur», explique Amraoui, qui prône la programmation et la multiplication de Salons d'artisanat à l'image des différents Salons dont bénéficient d'autres secteurs. Le ministère se veut rassurant quant à l'avenir du secteur, avec sa nouvelle stratégie qui repose sur trois axes fondamentaux. Le premier vise à encourager les artisans à se regrouper afin d'optimiser leur pouvoir de négociation. Le deuxième consiste à coordonner avec les secteurs concernés pour garantir un approvisionnement en matières premières de qualité à des prix compétitifs. Enfin, le troisième axe s'engage à accroître la valeur ajoutée des produits artisanaux en mettant l'accent sur la qualité, ce qui permettra d'augmenter les revenus des artisans et de les aider à faire face à la hausse des prix. Le gouvernement mise également sur le nouveau Conseil national de l'artisanat (CNA) pour donner un nouveau souffle aux métiers ancestraux, tout en renforçant la compétitivité des artisans.
Trois questions à Moulay Ahmed Afilal : « La CAN et la Coupe du Monde sont une occasion en or pour mettre en lumière notre artisanat » * Le Maroc s'apprête à accueillir deux événements sportifs majeurs à fort potentiel touristique. Comment l'artisanat peut-il en tirer profit ?
L'artisanat marocain fait face à une concurrence chinoise de plus en plus préoccupante, ce qui souligne l'importance de soutenir ce secteur, en particulier les petites et moyennes entreprises, ainsi que le secteur informel. La Coupe d'Afrique et la Coupe du Monde représentent une occasion en or pour mettre en lumière notre artisanat, véritable reflet de nos traditions et de notre patrimoine. Certes, ces événements majeurs auront un impact économique positif sur le secteur, mais un suivi rigoureux est indispensable, notamment pour les petits artisans, qui constituent plus de 80% de notre tissu artisanal. La réussite passe par l'adoption de nouvelles mesures et garanties visant à encourager ces artisans à rester attachés à leur métier. Il est également essentiel d'assurer un approvisionnement en matières premières de qualité, à des prix abordables, afin d'accroître leur capacité de production. Sans ces efforts, les petits artisans, souvent dépourvus des moyens nécessaires, continueront à peiner à accéder aux ressources indispensables à leur activité.
* Qu'est-ce qui donne à l'artisanat marocain un caractère spécial ?
Le secteur artisanal dans notre pays est bien riche et varié, présentant un énorme potentiel. Malgré la conjoncture internationale difficile, les principaux indicateurs de performance du secteur affichent des résultats encourageants, comme en témoignent les exportations de l'artisanat marocain à l'étranger, qui enregistrent des chiffres importants. Ceci est dû au fait que les produits d'artisanat marocain ne sont pas seulement des produits de large consommation seulement, mais également des produits de choix. La richesse de l'artisanat marocain est exprimée dans sa créativité par des formes multiples et des matériaux utilisés qui vont des tissus à la céramique, du fer au cuivre et du bois à la peau.
* Quels sont les défis que devrait surmonter le secteur ?
Tout d'abord, le financement reste un obstacle important. Les artisans et les petites structures peinent souvent à accéder aux ressources nécessaires pour moderniser leurs outils ou développer leur activité. La transmission du savoir-faire devient de plus en plus complexe, notamment en raison de la disparition progressive des «Maalems». Ce problème en particulier fragilise des métiers qui nécessitent une longue formation et un accompagnement rigoureux. Le secteur souffre aussi d'un manque d'attractivité auprès des jeunes générations, souvent attirées par d'autres filières perçues comme plus modernes ou mieux rémunérées. Tous ces facteurs mettent en danger la pérennité des savoir-faire traditionnels, qui font la fierté du Maroc. Tourisme : Le Maroc, leader régional Le Maroc est devenu la première destination touristique en Afrique, grâce à l'efficacité de la feuille de route touristique 2023-2026, mise en œuvre par le gouvernement conformément à la vision Royale pour le développement du secteur et le renforcement de sa compétitivité, a affirmé Aziz Akhannouch. Il a indiqué que cette feuille de route a été réalisée "à la faveur de la mobilisation globale et de l'adhésion de l'ensemble des acteurs et intervenants des secteurs public et privé".
Le Chef du gouvernement a également fait état de l'identification de 9 chaînes thématiques et de 5 chaînes horizontales en vue de renforcer le positionnement touristique du Royaume, notant que cela a été réalisé à travers un plan compétitif basé sur plusieurs leviers clés, qui sont fondés sur une stratégie visant à doubler la capacité de transport aérien afin de faciliter l'accès des touristes aux différentes régions.
Il s'agit aussi de favoriser la promotion et le marketing touristiques en accordant une attention particulière à la numérisation et à la diversification des produits d'animation culturelle et de divertissement, ainsi que de renforcer le rôle des PME dans ce domaine, outre la réhabilitation des hôtels, la création de nouvelles structures d'hébergement et le renforcement du capital humain. Des performances qui se répercuteront sur le secteur de l'Artisanat de manière considérable. Héritage : 30.000 apprentis à l'horizon 2030 Le ministère du Tourisme, de l'Artisanat et de l'Economie sociale et solidaire ambitionne de former 30.000 apprentis par an dans les métiers de l'Artisanat à l'horizon 2030. Lors d'un précédent exposé présenté au Parlement, Fatim-Zahra Ammor avait précisé que 19.000 apprentis devraient être formés en 2024, faisant état de l'augmentation du nombre des inscrits dans les centres de l'Artisanat de 12.000 en 2022 à 16.000 en 2023. Par ailleurs, Ammor avait indiqué que le développement de l'offre et de la commercialisation s'articule autour de cinq axes, dont deux portent sur la protection du produit et la formation professionnelle.
Notons que la nouvelle stratégie permettra aux acteurs de l'artisanat d'avoir un accès à un Programme d'excellence en vertu duquel ils seront accompagnés sur tous les maillons de la chaîne de valeur (matières premières, recherche et développement, conception et design, amélioration de la productivité, organisation et modernisation des outils de production, etc.).
Ce programme déclinera une offre de 30 services et ciblera deux filières : «Tapis» et «Poterie & Céramique» à l'horizon 2026. Il vise à réhabiliter les unités de production afin de transformer l'artisanat d'un secteur informel en un secteur bien structuré, moderne et compétitif, capable de générer de la richesse.