Introduction Le Fonds Monétaire Arabe (FMA) a récemment publié un classement global de la préparation des gouvernements à l'intelligence artificielle (IA), plaçant le Maroc au 88e rang mondial et au 11e rang arabe avec un score de 43,34 points. Cependant, ces indicateurs, bien qu'intéressants sur le plan comparatif, ne reflètent ni la réalité des transformations numériques ni la nature immatérielle de l'IA, ce qui les rend en grande partie inappropriés pour juger du potentiel d'un pays en transformation. Dans cet article, je démontre pourquoi ces indicateurs manquent de pertinence, en m'appuyant sur le paradoxe de Solow, comme je l'ai déjà analysé dans ma thèse soutenue en 1998 à La Sorbonne, mon HDR en 2005, ainsi que dans mes nombreux articles scientifiques sur cette question. Ces travaux ont permis de mettre en lumière les limites des outils de mesure traditionnels face aux transformations profondes de l'ère numérique.
1. Les limites des indicateurs traditionnels pour évaluer l'IA Les indicateurs utilisés par le FMA, comme la connectivité Internet, les infrastructures physiques, ou encore les politiques publiques affichées, reposent sur des paramètres tangibles et quantifiables. Or, l'IA est une technologie intense en immatériel, ce qui rend ces indicateurs insuffisants. 1. Focus sur le mesurable :
* Les indicateurs traditionnels ignorent les actifs immatériels essentiels à l'IA, tels que : * La qualité des données. * Le savoir-faire humain en science des données. * L'innovation et la créativité technologique. * Ces actifs sont difficilement mesurables, mais jouent un rôle crucial dans la réussite des initiatives en IA.
2. Une vision statique de la transformation numérique :
* Ces classements évaluent les infrastructures en place, sans tenir compte de la capacité des pays à innover ou à adapter leurs systèmes économiques et sociaux. * Ils sous-estiment le potentiel des pays en développement, où des compétences spécifiques pourraient être valorisées par l'IA.
3. Manque de contextualisation locale :
Les indicateurs globaux ne prennent pas en compte les spécificités culturelles, économiques et sociales de chaque pays. Par exemple, l'IA peut jouer un rôle clé dans la transformation de secteurs traditionnels comme l'artisanat ou l'agriculture, ce qui échappe totalement à ces classements. 2. L'éclairage du paradoxe de Solow Le paradoxe de Solow, qui stipule que l'impact des technologies avancées comme l'IA n'est pas immédiatement visible dans les statistiques de productivité traditionnelles, est au cœur de cette analyse. Comme je l'ai démontré dans ma thèse en 1998 et approfondi dans mon HDR en 2005, les transformations induites par les technologies numériques sont souvent intangibles et ne sont pas capturées par les indicateurs économiques traditionnels.
3. Une vision alternative pour évaluer l'IA Plutôt que de s'appuyer sur des indicateurs rigides, il est nécessaire de développer une approche systémique et qualitative pour évaluer la préparation des pays à l'IA. Voici mes recommandations, basées sur les recherches que j'ai menées dans mes travaux académiques et scientifiques : 1. Mesurer les transformations immatérielles : - Inclure des indicateurs sur :
* La qualité et l'accessibilité des données. * L'adoption de l'IA dans des secteurs non traditionnels comme l'artisanat et l'agriculture. * L'impact social de l'IA, notamment en matière d'inclusion numérique.
2. Prendre en compte la capacité d'adaptation :
* Evaluer la flexibilité des systèmes éducatifs pour former des compétences adaptées aux besoins de l'IA. * Mesurer l'adoption de l'IA dans les petites et moyennes entreprises (PME), qui sont le moteur de nombreuses économies locales.
3. Intégrer les spécificités culturelles : Reconnaître les initiatives locales innovantes, comme l'utilisation de l'IA pour valoriser les savoir-faire artisanaux ou améliorer des secteurs comme l'agriculture ou l'éducation.
Conclusion Les indicateurs actuels du FMA ne tiennent pas compte de la nature immatérielle de l'IA ni des spécificités locales des pays en transformation. À travers le prisme du paradoxe de Solow, il apparaît clairement que ces classements sont biaisés en faveur de pays déjà avancés technologiquement, et qu'ils ignorent les progrès significatifs réalisés dans d'autres contextes. Comme je l'ai démontré dans mes nombreux articles scientifiques, il est crucial de repenser les outils de mesure en adoptant une approche systémique et humaine, en phase avec les défis et les opportunités de l'ère numérique.