Le nouveau dirigeant de la Syrie, Ahmad al-Chareh, a déclaré que l'organisation d'élections dans son pays pourrait prendre quatre ans et la réécriture de la Constitution quelque trois années. "Le processus électoral pourrait prendre quatre ans", a affirmé Chareh, dont le groupe islamiste radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), à la tête d'une coalition, s'est emparé de Damas le 8 décembre à l'issue d'une offensive éclair, avant d'ajouter qu'il serait nécessaire de "réécrire la Constitution", une tâche qui pourrait prendre "deux ou trois ans", dans un entretien avec la chaîne saoudienne Al Arabiya. Mi-décembre, un responsable du nouveau pouvoir avait annoncé une suspension de la Constitution et du Parlement pendant une période de trois mois. Depuis leur arrivée au pouvoir, les nouvelles autorités tentent de rassurer la communauté internationale, dont une grande partie avait mis au ban M. Assad au début de la guerre dans le pays, déclenchée en 2011 par la répression de manifestations prodémocratie. Alors que la guerre a fait plus d'un demi-million de morts, causé la fuite de millions de personnes et morcelé et ravagé le pays, Chareh a demandé une levée des sanctions internationales. "Les sanctions ont été imposées à la Syrie en raison des crimes commis par le régime" de Bachar al-Assad, a-t-il indiqué, ajoutant que vu que les auteurs des exactions ne sont plus au pouvoir, "les sanctions doivent donc être levées automatiquement". Le conflit a été marqué par l'implication de plusieurs puissances internationales occidentales comme les Etats-Unis ou la France (via la coalition antijihadiste), mais aussi la Russie et l'Iran ou encore de groupes armés comme le Hezbollah libanais. Dans son interview, Chareh s'est notamment adressé aux deux principaux alliés de Bachar al-Assad, l'Iran voisin et la Russie. "La Syrie ne peut pas continuer sans des relations avec un grand pays au poids régional comme l'Iran mais il faut que celles-ci se fassent sur la base du respect de la souveraineté des deux pays et sans ingérences", a-t-il estimé. "La Russie est un pays important", a-t-il dit, parlant d'intérêts "stratégiques profonds". "Nous ne voulons pas que la Russie quitte la Syrie de la manière dont certains le souhaiteraient", a-t-il ajouté. Chareh a en outre déclaré s'attendre à ce que l'Arabie saoudite joue un "rôle très important" en Syrie, où elle pourrait tirer parti de "grandes opportunités d'investissement".
La "dissolution de HTS" après une "conférence du dialogue national" Il a également plaidé pour une intégration à la future armée des Forces démocratiques syriennes (FDS), dirigées par les Kurdes et appuyées par les Etats-Unis, qui ont pris le contrôle de plusieurs régions dans le nord-est. "Les armes doivent être uniquement aux mains de l'Etat", a dit Chareh, ajoutant que c'est sur "ces critères" que des "négociations" seront menées avec les FDS "dans l'espoir de trouver une solution appropriée". Le nouveau dirigeant syrien a d'ailleurs indiqué que la "dissolution de HTS" serait annoncée lors d'une "conférence du dialogue national" qui sera "inclusif et représentera l'ensemble des Syriens". Il n'a pas précisé de date. Sur le terrain, les forces syriennes se sont lancées cette semaine dans des opérations contre des combattants loyaux au régime déchu. Elles ont par ailleurs arrêté jeudi un dirigeant du pouvoir déchu, considéré comme responsable de nombreuses condamnations à mort dans la tristement célèbre prison de Saydnaya près de Damas, selon l'observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Depuis son entrée en fonction, le gouvernement de transition dirigé par Mohammad al-Bachir a promis de respecter les droits des minorités du pays multiethnique et multiconfessionnel ainsi que ceux des femmes. Une déclaration d'une membre de la nouvelle administration a cependant soulevé un tollé cette semaine. Dans un entretien à une chaîne de télévision turque, Aïcha al-Debs, présidente du "Bureau des affaires de la Femme" et seule femme au sein du gouvernement, a appelé les femmes à "ne pas outrepasser (...) leur rôle éducatif au sein de la famille". Dimanche, comme pour calmer le jeu, le chef de la diplomatie syrienne, Assaad Hassan al-Chibani, a affirmé sur X que les autorités soutenaient "pleinement" les droits des femmes. "Nous croyons au rôle actif de la femme au sein de la société, et nous avons confiance en (...) ses compétences", a-t-il précisé.
31 morts dans des combats entre forces kurdes et pro-turques
Les combats qui se poursuivent dans le nord de la Syrie entre des groupes soutenus par la Turquie et les forces dominées par les Kurdes ont fait depuis dimanche 31 morts, des combattants des deux bords, a indiqué lundi une ONG. Fin novembre, des factions syriennes pro-turques ont lancé une offensive contre les Forces démocratiques syriennes (FDS, dominées par les Kurdes) dans le nord du pays. Ces combats ont été déclenchés parallèlement à une offensive fulgurante lancée depuis le nord-est par une coalition de rebelles, dominée par des islamistes radicaux, qui leur a permis d'arriver à Damas et de prendre le pouvoir. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), sept combattants pro-turcs ont été tués lors de violents combats lundi dans la région de à Manbij (nord-est). Des combattants des FDS se sont infiltrés dans la ville reprise par les forces soutenues par Ankara début décembre, a précisé l'ONG. Six autres combattants pro-turcs et trois membres des FDS avaient été tués la veille dans ce secteur, selon l'ONG basée au Royaume-Uni et qui dispose d'un vaste réseau de sources en Syrie. En outre, 13 combattants de factions pro-turques et deux membres des FDS ont été tués dimanche dans des "combats acharnés" dans la province d'Alep, près du barrage de Techrine et d'un pont stratégique enjambant l'Euphrate, selon la même source. Les FDS ont annoncé lundi avoir mené des attaques qui leur ont permis de "détruire deux radars, un système de brouillage et un char de l'occupation turque" près de ce pont. Les Unités de protection du peuple kurde (YPG), épine dorsale des FDS soutenues par les Etats-Unis, ont été le fer de lance de la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Ankara considère les YPG comme une extension du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), sa bête noire.