La situation demeurait tendue dimanche à Port-au-Prince, théâtre de scènes de pillage et d'exode, alors que la communauté internationale, Etats-Unis en tête, tente d'organiser les secours après le séisme qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts. Quatre jours après le tremblement de terre qui a frappé à une dizaine de kilomètres de la capitale haïtienne, les habitants continuaient d'attendre l'assistance humanitaire dans un pays totalement désorganisé. En milieu de journée samedi, des affrontements violents ont opposé dans une rue commerçante du centre-ville un millier de personnes qui se disputaient des marchandises volées dans des magasins et des maisons. Malgré l'arrivée progressive des secours, certains ont décide de fuir la ville, emportant seulement un sac ou une valise et espérant trouver refuge chez un parent à la campagne, moins touchée par la catastrophe. Face à l'ampleur de la catastrophe, les Etats-Unis continuent de jouer un rôle de coordinateur et ont promis leur soutien à Haïti. Le président américain Barack Obama a réuni à la Maison blanche ses deux anciens prédécesseurs, Bill Clinton et George Bush, et les a chargés de lever de fonds. "Nous nous engageons dans l'une des plus grandes missions humanitaires de notre histoire afin de sauver des vies et d'apporter une assistance pour éviter une catastrophe de plus grande ampleur", a déclaré Obama. La secrétaire d'Etat Hillary Clinton a effectué une brève visite d'une journée à Port-au-Prince afin d'assurer les Haïtiens du soutien des Etats-Unis. La chef de la diplomatie s'est entretenue avec le président René Préval et lui a confirmé la détermination de Washington à aider à la reconstruction d'Haïti. Bien que l'aide internationale continue d'arriver à Port-au-Prince, son acheminement jusqu'à ceux qui en ont besoin demeure un problème. "La distribution est totalement désorganisée. Ils ne parviennent pas à identifier les personnes qui ont besoin d'eau. Les malades et les personnes âgées n'ont aucune chance", estime un habitant de Port-au-Prince. Des personnes gagnées par le désespoir ont confectionné des banderoles sur lesquelles sont inscrits à la peinture les mots, "nous avons besoin d'aide pour les victimes, nous avons besoin d'aide et de nourriture". Aucun bilan n'a été établi et les autorités haïtiennes estiment que le nombre de morts pourraient être compris entre 100.000 et 200.000, soit l'une des dix catastrophes les plus meurtrières de l'histoire. Les Nations unies ont confirmé que le chef de la mission pour la stabilisation en Haïti (Minustah), le Tunisien Hedi Annabi, a été tué ainsi que deux de ses adjoints. Le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, leur a rendu hommage samedi à New York. Au total, 37 membres de la mission de l'Onu ont trouvé la mort dans cette catastrophe. Ban Ki-moon a jugé que ce nombre pourrait atteindre 40 mais des responsables onusiens affirment que le nombre pourrait dépasser les 100. Malgré l'afflux de l'aide, la situation sur place crée un phénomène d'entonnoir qui rend difficile l'acheminement des secours. L'aéroport de Port-au-Prince dispose d'une capacité limitée et a été très endommagé par le séisme, obligeant les Américains qui ont pris le contrôle de la base aérienne à gérer une situation complexe. Cette décision a provoqué un mini-incident diplomatique avec la France. Le secrétaire d'Etat français à la Coopération, Alain Joyandet, présent sur place, a déclaré aux médias avoir élevé une protestation auprès des autorités américaines après qu'un vol humanitaire français apportant un hôpital de campagne a été dérouté. Le retour des gangs Depuis le séisme du 12 janvier, les gangs armés qui contrôlaient autrefois le plus grand bidonville d'Haïti sont revenus, avec la ferme intention de reprendre possession de "leur" territoire. La sécurisation de Cité Soleil, en banlieue de Port-au-Prince, était jusqu'ici l'une des réussites incontestées portées au crédit du président René Préval depuis son arrivée au pouvoir en 2006, mais le tremblement de terre dévastateur de mardi a endommagé le Pénitencier national et permis à 3.000 détenus de s'évader. "Rien d'étonnant à ce qu'ils reviennent ici. Ça a toujours été leur bastion", commente un policier haïtien dans ce dédale de baraquements, d'allées et d'égouts à ciel ouvert qui abrite plus de 300.000 habitants. Ce membre des forces de l'ordre, comme ses collègues, confirme que des bandes armées notoires imposent à nouveau leur présence depuis le séisme. Juchés sur des motos, brandissant des fusils d'assaut ou des armes de poing sans doute volés à leurs gardiens le jour de leur évasion, les membres des gangs façonnent leur propre légende et inspirent des morceaux de rap populaires. L'un d'entre eux n'est connu que par son "nom de guerre", "Blade" (Lame). La rumeur veut qu'ils soient allés samedi matin sur les ruines du ministère de la Justice pour y incendier tous les documents sur leur incarcération et leurs casiers judiciaires. Au Pénitencier national, il reste peu de traces des détenus. Plusieurs ont peut-être péri dans une petite cellule sans fenêtres qui porte les traces d'un incendie et reste chaude plusieurs jours après le séisme.