La réforme de 2004, qui a donné naissance à la Moudawana, a été une étape majeure tant sur le plan juridique que social, visant à aligner le droit familial marocain sur les normes internationales tout en restant fidèle aux principes de l'Islam. Cette réforme a mis l'accent sur la stabilité et l'harmonie de la cellule familiale, considérée comme le fondement de la société marocaine. Le renouveau du Maroc n'a pas commencé aujourd'hui. C'est un socle bâti depuis des siècles. Les différents Rois qui se sont succédé à la tête du Royaume ont toujours apporté une touche particulière pour que ce pays retrouve ses lettres de noblesse dans le concert des grandes nations. Le règne de SM le Roi Mohammed VI s'inscrit dans cette dynamique avec des réformes audacieuses qui font du Maroc d'aujourd'hui un Etat de modernité où la femme occupe une place de choix. Justement, parlant de la place de la femme au sein de la société, on ne peut que se référer à la Moudawana. Cette réforme qui a révolutionné le Maroc depuis l'accession du Souverain au Trône de Ses glorieux ancêtres, il y a de cela vingt cinq ans. Un acte courageux, à l'époque, dans un Maghreb en pleine mutation pour ne pas dire en ébullition. Remontons dans le temps. La Moudawana ou Code du Statut personnel (marocain, bien entendu) a été codifié en 1958, sous le règne de feu SM le Roi Mohammed V. Il a été amendé en 1993, une première fois, par feu SM le Roi Hassan II, puis révisé en 2004 par le Parlement avant d'être promulgué par SM le Roi Mohammed VI, en octobre de la même année. Ce dernier amendement a considérablement amélioré les conditions de la femme en instaurant l'égalité entre les deux sexes. Dans cette dynamique, la famille est placée, désormais, sous la responsabilité conjointe des deux époux et non sous celle exclusive du père. La règle de « l'obéissance de l'épouse à son mari » est abandonnée. La femme n'a plus besoin de tuteur pour se marier et l'âge minimum légal de mariage est passé de 15 ans à 18 ans. Ces jalons ont été posés, il y a plus de deux décennies. Dans Son discours de 2004, le Souverain soulignait : «...En effet, Nous considérons cette transition vers la modernisation démocratique comme un chantier permanent qui nous a permis d'enregistrer des acquis significatifs, notamment par l'organisation d'élections libres et crédibles, l'élargissement du champ de la participation et des libertés publiques, la modernisation de la Justice et le renforcement de son indépendance, la promotion de la condition de la femme, l'adoption d'un Code avant-gardiste de la famille, outre les autres réformes institutionnelles profondes... ». Cependant, le chantier de la réforme de la Moudawana (code de la famille) a continué d'évoluer pour être en phase du Maroc d'aujourd'hui et demain en tenant compte de l'environnement international. Dans cette optique, la Moudawana est entrée dans sa phase finale en 2024. Ceci après six mois d'auditions, quand la commission chargée de sa révision a transmis, en mars, une première mouture du texte au chef du gouvernement, Aziz Akhannouch, qui l'a remise à SM le Roi Mohammed VI. Selon les experts du PCNS, Nouzha Chekrouni et Abdessalam Saâd Jaldi, « le Code de la famille, la Moudawana, apparaissait à son adoption par le Parlement, en 2004, comme étant le début d'une révolution juridique et sociale qui consacre l'égalité homme femme et améliore le droit des femmes au sein de la cellule familiale ». En effet, il a permis, entre autres, d'ouvrir de nouvelles perspectives en ce qui concerne la condition de la femme marocaine. D'après les deux chercheurs, le Code de la famille a constitué une avancée sociale. Cependant, vingt ans après sa promulgation, soulignent-ils, force est de constater que le texte de 2004 accuse de nombreuses limites dans la consécration de droits pleins et entiers, et paraît de plus en plus inadéquat avec les transformations de la société marocaine.
Transition sociétale C'est suite à ce constat que SM le Roi Mohammed VI a appelé les institutions de représentation démocratique à procéder à une refonte globale du Code de la famille, en vue de parvenir à la codification d'un nouveau texte compatible avec la transition sociétale qui caractérise le Maroc contemporain. Dans un rapport, publié à cet effet, elles se sont attelées à scruter les dysfonctionnements et les limites du régime familial en vigueur. Dans leur analyse, elles ont examiné respectivement la lente progression vers l'égalité dans les rapports familiaux, avec un focus sur les droits interpersonnels, matrimoniaux et patrimoniaux, les insuffisances du régime juridique de la protection des enfants et les problématiques inhérentes à l'établissement de la filiation avant de dégager des perspectives de réformes. Sur un autre plan, les mécanismes extra-judiciaires de règlement des différends (la médiation, la conciliation et l'arbitrage) jouent un rôle fondamental dans la résolution des conflits familiaux qui peuvent éclater entre les couples. Ils se caractérisent par la souplesse de leur procédure, leurs coûts non exorbitants, la rapidité du traitement des différends et le choix de la loi applicable. Il faut dire, in fine, que le Code de la famille de 2004 a notamment consacré l'égalité entre les époux, dans une responsabilité partagée de la famille, contrairement à l'ancien texte qui minorait la femme sous le principe de « l'obéissance en contrepartie de l'entretien ». Le texte de 2004 a bouleversé l'ordre établi du patriarcat et fait de la femme une citoyenne à part entière. Cela a entraîné dans la vie quotidienne des hommes et des femmes une transformation des pratiques sociales, des attitudes et comportements, avec des conséquences considérables. Les institutions et les mécanismes du droit des personnes et de la famille propres à la tradition musulmane classique ont été repris dans le nouveau Code, avec des retouches qui ne convergent pas avec les principes d'égalité entre les hommes et les femmes et les droits de l'enfant dans les relations familiales. En témoigne l'exemple des droits interpersonnels conjugaux et des droits patrimoniaux. Toutefois, le mutisme du Code sur les circonstances pouvant conduire le juge à autoriser de tels mariages, l'absence d'âge minimal en dessous duquel il peut les approuver, ainsi que l'impossibilité d'introduire un recours pour annuler la décision du juge autorisant le mariage de mineurs, ont porté préjudice à l'efficacité du principe d'égalité. Bon à savoir Les droits interpersonnels conjugaux, la formation du mariage et sa dissolution étaient les deux terreaux propices aux discriminations de genre dans le dispositif juridique marocain, que le législateur avait tenté d'atténuer en 2004. C'est ainsi que le Code de la famille de 2004 a placé le mariage sous la responsabilité conjointe des deux époux, en proscrivant le concept de l'homme comme chef de la famille auquel la femme doit « obéissance et soumission », tout en élevant l'âge du mariage. Cependant, et presque vingt ans depuis son adoption, des insuffisances subsistent. Celles-ci concernent essentiellement le mariage des mineurs, l'identification du mariage, les ambiguïtés juridiques relatives au divorce, l'absence à la fois de prestation compensatoire et de partage des biens acquis pendant le mariage sans oublier le mariage des Marocaines avec des non-musulmans. S'agissant du mariage des mineurs, l'article 19 du Code de la famille prévoit que la capacité matrimoniale s'acquiert à l'âge de 18 ans, tant pour le garçon que pour la fille.