Au moment où le gouvernement procède à la décompensation partielle, l'Etat continue à générer des économies pour continuer à financer les réformes sociales dans un contexte de redressement. Explications. Depuis que le gouvernement a annoncé la décompensation partielle du prix du gaz butane, ce sujet ne cesse de susciter le débat. Entre critique et compréhension, les avis divergent. D'où la nécessité de la pédagogie. Pour sa part, le gouvernement juge cette mesure nécessaire pour continuer le financement de l'Etat social tout en préservant les équilibres budgétaires. C'est ce qu'on retient du grand oral du ministre délégué chargé du Budget, Fouzi Lekjaa, qui est venu, lundi, défendre cette réforme à la Chambre des Représentants, lors de la séance hebdomadaire consacrée aux questions orales.
Le ministre délégué a défendu le bien-fondé de la baisse des subventions allouées au gaz butane dont le prix de la bonbonne de 12 kg a augmenté de 10 dirhams. Selon ses explications, de 2015 à 2023, l'Etat a alloué 111 MMDH à la subvention du gaz butane, dont 2,5 MMDH annuellement, soit 14% seulement, ont bénéficié aux populations démunies. Par contre, la population aisée a profité de 27% du budget de compensation du gaz.
Sur la base de ces chiffres, le gouvernement a jugé qu'il valait mieux soutenir les populations en situation de précarité directement par les aides sociales, plutôt que de maintenir la subvention du gaz qui n'avait pas d'effet palpable sur leur pouvoir d'achat. "3,6 millions de personnes démunies vont recevoir 25 milliards de dirhams cette année", a précisé Lekjaa, ajoutant que ce montant va culminer à 29 MMDH en 2026.
Maintenant, après la décompensation partielle, l'Etat va continuer à subventionner le gaz à hauteur de 35 dirhams la bouteille, dont le prix réel du marché s'élève à 88 dirhams. Ceci dit, la subvention au prix du gaz coûte désormais environ 16,96 MMDH, tel que prévu dans la Loi des Finances.
Pas de nouvelles hausses en perspective
Concernant le reste des produits de première nécessité, le ministre a rassuré les députés en niant toute hausse future du prix du blé ou de ses produits dérivés, rappelant que l'Etat continue de subventionner pleinement les prix du blé tendre. Lekjaa a rappelé que le gouvernement a déboursé 8 MMDH durant les deux dernières années à cet effet. Idem pour l'électricité dont les prix sont restés à l'abri des flambées de l'énergie à l'international, grâce aux 9 MMDH accordés à l'Office National de l'Electricité et de l'Eau potable (ONEE).
Décompensation : Philosophie de la réforme
Le ministre a explicité la philosophie derrière la décompensation partielle. Il s'agit de dégager les marges budgétaires nécessaires pour poursuivre le financement des réformes liées à l'Etat social, à savoir les aides sociales directes, l'aide au logement et la généralisation de la couverture sociale. "La décompensation n'est pas synonyme de libéralisation", a-t-il assuré. En fait, la logique gouvernementale est la suivante : pour continuer de donner les aides directes aux familles démunies, et soutenir financièrement les familles moyennes désireuses de s'acheter un logement principal tout en finançant la sécurité sociale universelle, il faut absolument réduire les dépenses de compensation, sans les couper entièrement. La facture de l'Etat social devrait culminer à 90 MMDH en 2026, soit 8% du produit intérieur brut. Une part qui pourrait baisser au cas où le taux de croissance augmente significativement.
Rationalisation des dépenses pour plus d'économie
Dans l'esprit du gouvernement, la décompensation partielle s'inscrit dans un processus de rationalisation des dépenses publiques engagé depuis l'époque du Covid-19 afin de permettre au Trésor public de compenser les effets du "quoi qu'il en coûte". En remettant de l'ordre dans les finances publiques, le gouvernement a augmenté les recettes de 12,5% par an. De 2022 à 2025, le gouvernement prévoit d'arriver à 100 MMDH d'économies issue des "marges budgétaires". La décompensation partielle du gaz butane est censée y contribuer à hauteur de 12 MMDH d'ici 2026.
Ce redressement a permis de réduire le déficit qui devrait atteindre 3% en 2026 après avoir atteint un niveau inédit (7%) en 2020. En 2024, rappelons-le, le déficit devrait se stabiliser à 4%, selon les objectifs de la Loi des Finances 2024, avant de poursuivre sa tendance baissière. Dans les quatre premiers mois de 2024, les recettes fiscales ont augmenté de 17,5% par rapport à la même période de l'année précédente.
Le redressement continue sans pression fiscale !
Selon Lekjaa, le gouvernement a amélioré ses recettes sans augmenter les impôts. "La pression fiscale a baissé de 23% à 21%", a-t-il indiqué. En réalité, les caisses sont remplies grâce à la réforme fiscale que l'Exécutif mène depuis deux ans. Ces résultats sont dus à l'élargissement de l'Assiette fiscale dans sa globalité afin d'inclure le maximum possible de contribuables, notamment ceux qui ne payaient pas leur juste part. En outre, la bonne santé du fisc s'explique aussi par le réajustement de l'Impôt sur les sociétés et de la TVA. Bien que des produits de base aient été exonérés, d'autres produits tels que le sucre raffiné, l'électricité, l'eau et l'assainissement ont été imposés de façon plus importante au cours de trois années. Pour leur part, les sociétés s'acheminent vers un taux unifié de 20% dans les deux prochaines années, sachant que les taux ont été revus à la hausse pour les établissements bancaires et ceux d'assurance.
Maîtrise de la dette ?
Entre-temps, la dette reste soutenable. C'est en tout cas l'avis du gouvernement. La dette publique a été à 72% du PIB en 2021 et devrait baisser à 68,8% en 2026, selon les estimations du gouvernement. Cette baisse est due principalement à la maîtrise du déficit budgétaire. Fouzi Lekjaa a rappelé, à l'hémicycle, que l'endettement est étroitement lié au déficit qui va baisser à 3,5% l'année prochaine. Pour ce qui est de la dette extérieure, le gouvernement n'a nulle intention d'user de la ligne modulable mise à disposition du Royaume par le Fonds Monétaire International (FMI), sauf en cas de nécessité absolue. "Espérons que nous ne soyons pas obligés de l'utiliser", a confié le ministre-délégué aux députés.