Les chiffres révélés par le rapport du PNUD et de la Ligue arabe sont une véritable bombe à retardement. Pourquoi ? Si plus de 140 millions d'Arabes vivent en dessous du seuil de pauvreté, c'est-à-dire avec moins de 2 dollars par jour, selon les critères universellement reconnus, le rapport précise bien que le pourcentage global de pauvreté monte de 19% à 41%, car, dans la majorité des pays, la pauvreté existe avec des revenus supérieurs. En effet, même avec 5 ou 6 dollars par jour, on est toujours dans les normes de la précarité. Absolument, avec le niveau de vie galopant, et la flambée des prix des hydrocarbures et des denrées alimentaires de base, la situation est certainement pire car même avec 10 dollars par jour - l'équivalent de 2000 dhs - on ne risque pas de sortir de l'auberge. Avec la chute des cours du dollar, qui a perdu plus de la moitié de sa valeur en quelques années, ces chiffres sont tout simplement catastrophiques. Nous n'allons pas adopter la posture de la vierge offensée, mais tout de même une lecture lucide du rapport nous renseigne que certains aspects ont été ignorés, voire occultés. Par exemple, la mainmise des Occidentaux sur les ressources naturelles des pays arabes, dont surtout celle des multinationales qui font main basse sur le pétrole et le gaz, dont les revenus sont détournés vers les banques suisses, britanniques ou françaises ! Il n'y a pas de fumée sans feu, et l'on ne peut lutter contre la pauvreté sans s'attaquer aux causes qui la produisent en termes de système de gouvernance, de corruption et de faiblesse des institutions publiques, et ce qui en découle comme inefficacité des politiques. Ne nous leurrons pas, car il sera franchement impossible dans ces conditions de réduire de moitié la pauvreté et la malnutrition d'ici 2015 afin d'atteindre les objectifs du développement, comme le préconise le rapport, voire de créer 51 millions d'emplois en faveur des jeunes qui constituent la moitié des effectifs des sans-emploi, et ce, afin de maintenir le chômage à son niveau actuel et non pas de le réduire ! Le rapport parle de «contrat social» et «d'alliance pour le développement» entre pays riches producteurs de pétrole et les autres moins favorisés sur ce plan, mais le véritable enjeu est de pouvoir changer la donne afin de créer de la richesse pour le plus grand nombre et non pas condamner à la pauvreté la majorité des populations. En conclusion, un autre monde arabe sera possible le jour où les richesses de ces pays profiteront aux peuples arabes. Autrement, cette bombe à retardement risque de menacer la stabilité de certains pays arabes, surtout lorsque la malnutrition se traduira par des émeutes de la faim.