Dans une réunion au sein de la CGEM le 2 avril, la ministre de l'Energie Leila Benali a tiré la sonnette d'alarme sur le sous-investissement dans le secteur énergétique. Le secteur énergétique marocain est confronté à un déficit d'investissement alarmant, nécessitant une réaction rapide pour atteindre nos objectifs. C'est le constat implacable dressé par la ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, Leila Benali, lors d'une rencontre à la CGEM le 2 avril. Ce manque d'investissement, qu'il soit public ou privé, affecte à la fois la production d'électricité, le transport et la distribution.
En se basant sur une modélisation des besoins futurs, la ministre a appelé à "un vrai choc d'investissement" pour "un réveil" nécessaire. En prenant en compte une croissance économique normale sans les effets de la Coupe du Monde, les projets de dessalement d'eau de mer et les besoins en hydrogène, la cadence annuelle des investissements doit être triplée.
À partir de 2023 (année perdue) jusqu'en 2030, l'investissement doit atteindre 1 milliard de dollars par an. Historiquement, cet investissement était entre 300 et 400 millions de dollars par an, y compris de grands projets financés par l'Etat comme Noor Ouarzazate. Au-delà de 2030, les projections du ministère indiquent que les besoins en investissement devraient dépasser 1,9 milliard de dollars.
Transport électrique
Dans cette équation, l'élément négligé est le transport d'électricité. Alors que les efforts de l'Etat se concentraient sur les grands projets d'énergies renouvelables, les lignes de très haute et haute tension ont souffert d'un manque chronique d'investissements. "Dans la partie réseau, nous n'avons pas seulement sous-investi, mais nous avons sous-investi encore plus que les autres pays", a regretté Leila Benali.
Toujours selon les modèles du ministère, la cadence d'investissement dans le réseau, que ce soit en transmission ou en distribution, doit être multipliée par 5, à commencer par 2023. "C'est pourquoi nous avons revu le plan d'investissement de l'ONEE, car notre position en tant que ministère est que l'ONEE doit augmenter la part du CAPEX dans les réseaux de transport et de distribution d'au moins 25% dans son plan d'investissements", a expliqué la ministre.
Pour remédier à ce problème, le ministère envisage de faire appel au secteur privé. Dans cette nouvelle approche, une première expérience sera menée avec la réalisation de l'autoroute électrique Sud-Nord, longue de 1400 kilomètres d'ici 2026. Cette infrastructure sera capable de transporter jusqu'à 3 gigawatts d'énergie verte depuis les parcs éoliens et solaires du Sud du pays vers Casablanca. Ce projet est piloté par l'ONEE.
Ouverture au privé
Cette initiative sera étendue à l'avenir à plusieurs autres zones. "Nous avons aujourd'hui une compréhension beaucoup plus fine du renforcement du réseau, concernant non seulement l'autoroute Sud-Nord, mais également l'ensemble du réseau national 400 kV. Nous avons une idée assez précise des zones nécessitant un renforcement significatif, où nous avons commencé à ouvrir la voie au secteur privé pour investir", a révélé la ministre.
Concernant la moyenne tension, le réseau est ouvert au privé depuis 2021 suite à la publication d'un arrêté conjoint entre le ministère de l'Energie et celui de l'Intérieur. Le régulateur du secteur, l'Autorité Nationale de Régulation de l'Electricité (ANRE), est tenu de publier les tarifs transport et les services système au 31 janvier de chaque année. "Sur le plan réglementaire et législatif, nous avons autorisé trois projets moyenne tension de 100 MW dans le cadre de ce nouvel arrêté", a révélé la ministre.
Le secteur privé est donc appelé à investir dans le renforcement des lignes 400 kV sur plus de 1.500 km, mais également dans de nouveaux postes de transformation, et des solutions de smart grids ainsi que les services de stockage d'électricité (hors STEP).
L'autre élément primordial dans le secteur énergétique est le gaz naturel, source d'énergie d'appoint permettant de pallier l'intermittence des énergies renouvelables et de réduire le coût de l'énergie pour les industriels.
"Actuellement, des industriels de Kénitra, qui se fournissaient en gaz naturel du Gharb dont les ressources arrivent à maturité, ont besoin d'une alternative. De plus, il y a un besoin urgent pour d'autres industriels tels que l'OCP, les industries de la céramique et du verre. Certains ont gelé leurs investissements, d'autres ont fait faillite, et certains ont même quitté le Maroc", a déploré Leila Benali.
Pour que les industriels aient du gaz, ils ont besoin d'accès aux infrastructures les reliant soit aux bassins de production (Tendrara et Anchois), soit à court-terme au gazoduc Maghreb-Europe (GME) pour avoir accès au GNL importé des marchés internationaux, et regazéifié dans les ports espagnols.
La ministre ambitionne de doter le Maroc d'une infrastructure gazière agile et flexible. "Le Maroc a vocation à devenir un hub énergétique comme la Turquie, en tant que corridor de transit entre l'Europe, le bassin Atlantique et l'Afrique de l'Ouest, plutôt que comme le Qatar en tant qu'exportateur de gaz, une ressource dont il ne dispose pas en abondance", a tenu à clarifier la ministre.
GNL
Pour arriver à cela, les ministères de l'Intérieur, des Finances, de l'Equipement et de la Transition énergétique et cinq organismes (ANP, ONEE, ONHYM, ADM et Nador West Med) ont signé, le 27 mars, un protocole d'accord en vue de la mise en œuvre d'un Programme de développement d'infrastructures gazières. Ce programme, qui s'étendra sur plusieurs années, ambitionne de doter le pays de plusieurs points d'entrée pour l'importation de GNL, ainsi que d'une infrastructure de stockage et de transport du gaz naturel.
A court terme, il vise à apporter l'appui aux gazoducs raccordant les bassins de production de gaz domestiques aux consommateurs, ainsi que le développement d'un terminal GNL au port de Nador West Med et d'un nouveau gazoduc pour connecter le terminal au GME.