Le Maroc a décidé souverainement d'exproprier des biens appartenant à l'Algérie qui a menacé de représailles. Une réaction jugée déplacée et basée sur une lecture erronée du droit international. Décryptage. Après une accalmie éphémère, un nouveau chapitre de tension diplomatique s'ouvre dans les relations maroco-algériennes. Alger, qui ne s'est pas empêché de provoquer le Royaume en abritant une nouvelle représentation d'une poignée de séparatistes rifains en violation totale des coutumes et du droit international, a trouvé un autre motif pour monter au créneau.
Le gouvernement algérien a vivement protesté contre la décision prise par les autorités marocaines d'exproprier des locaux et des biens immobiliers possédés par l'Algérie. Le gouvernement marocain a décidé souverainement, tel qu'énoncé dans le Bulletin Officiel du 13 mars 2024, d'exproprier les biens immobiliers dans le cadre d'une décision qui comprend une liste de biens possédés également par des citoyens marocains. Trois locaux sont concernés, il s'agit de la villa du Soleil Levant d'une superficie de 419 m2 et d'un autre local dénommé "Zanzie", constitué d'une résidence de deux étages et de bureaux de travail, et qui s'étend sur 630 mètres carrés. Ce à quoi s'ajoute un terrain de 619 m2.
L'Algérie fulmine !
Dans un communiqué au ton martial, le ministère algérien des Affaires étrangères a qualifié la démarche marocaine de provocation. Le ministère, qui s'est plaint d'un projet de confiscation, a promis de "répondre à ces provocations par tous les moyens qu'il jugera appropriés".
Une décision souveraine et légale
La décision marocaine, rappelons-le, est loin d'être arbitraire pour peu qu'elle soit fondée en droit. Le gouvernement a pris cette décision sur recommandation du ministère de l'Economie et des Finances, et ce, sur la base de la loi n° 81-7 relative à l'expropriation. L'expropriation est jugée d'utilité publique dans la mesure où elle va servir à étendre les locaux du ministère des Affaires étrangères. Tel que prévu dans les procédures en vigueur, l'Algérie, par l'intermédiaire de ses représentants, a la possibilité de faire des remarques et des recours auprès de la Justice. Un registre sera institué auprès des autorités compétentes pour recevoir les observations et les déclarations de la partie concernée qui doit se prononcer dans un délai de deux mois. "Une confiscation au regard du droit international est une expropriation sans paiement d'une indemnité. ce qui n'est pas le cas en l'espèce, étant donné que le tribunal administratif fixera le montant des indemnités selon les critères spécifiés par la loi", précise Mouad El Ajouti, avocat spécialiste du droit international, qui rappelle que le droit d'« expropriation » a été reconnu dans l'ordre juridique international, à d'innombrables reprises par la pratique diplomatique et la jurisprudence.
Que dit la loi
Selon la loi marocaine, sont exclus de l'expropriation les édifices religieux des divers cultes, les cimetières, les domaines faisant partie du domaine public et les ouvrages militaires. Une fois l'expropriation déclarée, le bien exproprié est transféré à la possession de l'expropriant entraînant ainsi une indemnisation fixée conformément à la loi n°7-81. Le montant est fixé d'après la valeur de l'immeuble au jour de la décision prononçant l'expropriation.
Entorse au droit international, une lecture erronée !
Le ministère dirigé par Ahmed Attaf a argué du droit international pour justifier ses esclandres en faisant état d'une "violation inqualifiable du respect et du devoir de protection à l'égard des représentations diplomatiques d'Etats souverains que sanctuariser tant le droit que la coutume internationale".
Dans son argumentaire, l'Algérie a évoqué la Convention de Viennes de 1961 qui régit les relations diplomatiques. Certes, l'article 23 dispose que "les locaux de la mission, leur ameublement et les autres objets qui s'y trouvent, ainsi que les moyens de transport de la mission, ne peuvent faire l'objet d'aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d'exécution".
Or, dans ce cas de figure, la décision marocaine ne porte ni sur le siège de l'ambassade, ni la résidence ni le consulat. Les locaux faisant l'objet d'expropriation, bien que propriétés de l'Etat algérien, n'abritent aucune activité diplomatique ou consulaire. En plus, ils ne portaient pas de drapeau algérien. Par conséquent, ils ne sont pas régis par le droit international mais par le droit marocain, selon Mouad El Ajouti.
Maintenant, l'Algérie menace de représailles et menace de recourir aux Nations Unies pour faire valoir ses intérêts. Les voies de recours sont connues. Le Maroc a pris sa décision conformément à la loi interne, ce qui contraste avec les méthodes arbitraires employées par l'Algérie en 1975 quand elle a mis la main sur les biens des ressortissants marocains qu'elle avait expulsés brutalement au lendemain de la Marche Verte. Trois questions à Mouad El Ajouti "La diplomatie algérienne s'est basée sur une lecture superficielle du droit international" * L'Algérie parle de confiscation, s'agit-il d'un argument spécieux ?
L'Etat algérien ne peut pas prétendre qu'il s'agit d'une mesure discriminatoire puisque l'expropriation concerne des biens immobiliers appartenant à des citoyens marocains qui ont fait l'objet du même projet d'expropriation. Une confiscation au regard du droit international est une expropriation sans paiement d'une indemnité. Ce qui n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'un projet de décret portant expropriation de biens détenus par la république algérienne a bel et bien été publié dans l'édition consacrée aux annonces légales, judiciaires et administratives du Bulletin Officiel daté du 13 mars. Il est clair que la procédure légale a été minutieusement respectée, donc il ne s'agit aucunement ni d'une confiscation, ni d'une expropriation arbitraire ou illicite comme essaie de le démontrer le communiqué du ministère des Affaires étrangères algérien.
* Le ministère algérien des Affaires étrangères parle d'une violation de la Convention de Vienne, qu'en pensez-vous ?
Le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères s'est basé sur une lecture furtive et une analyse erronée et superficielle du droit international en épinglant le non-respect des obligations de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Or, cette convention concerne exclusivement les locaux diplomatiques, les terrains expropriés pour utilité publique ne sont pas enregistrés auprès des registres administratifs avec cette appellation ou dénomination. Cette mesure d'expropriation pour utilité publique a été dictée par une nécessité d'extension des locaux administratifs du ministère des Affaires étrangères à la mesure de l'importance du rayonnement diplomatique du Royaume du Maroc sur le continent et à l'international.
* Comment peut-on appréhender l'expropriation au regard du droit international ?
Le droit d'expropriation est reconnu dans l'ordre juridique international, quels que soient les droits patrimoniaux en cause ou la nationalité de leur titulaire. Le droit a été reconnu sur le plan international à d'innombrables reprises par la pratique diplomatique et la jurisprudence. Il est traditionnellement considéré comme une faculté inhérente à la souveraineté et à la juridiction que l'Etat exerce sur les personnes et sur les choses qui se trouvent sur son territoire. La Charte des droits et des devoirs économiques des Etats, adoptée par l'Assemblée Générale des Nations Unies le 12 décembre 1974, dans son article 2(2) (c), confirme le droit souverain d'un Etat en matière d'expropriation.