Le défi cit du Trésor a connu un allègement, dans un contexte où l'économie nationale fait face à plusieurs défi s imposés par la conjoncture. Plusieurs mesures ont été mises en place par l'Exécutif afin de maintenir les indicateurs au vert malgré les chocs répétitifs. Décryptage. L a situation des charges et ressources du Trésor, sur la base des recettes encaissées et des dépenses émises, dégage un déficit budgétaire de 73,7 milliards de dirhams (MMDH) en 2023, contre un déficit de 76,3 MMDH un an auparavant, selon la Trésorerie Générale du Royaume (TGR). Ce déficit tient compte d'un solde positif de 31,1 MMDH dégagé par les Comptes spéciaux du Trésor (CST) et les Services de l'Etat gérés de manière autonome (SEGMA), fait savoir la TGR dans son Bulletin mensuel des statistiques des finances publiques (BMSFP). Une situation qui demeure toutefois maîtrisable, car après avoir atteint un pic pendant la période de la pandémie, avec une dette atteignant 72,2% en 2020, le Trésor marocain s'est engagé fermement à inverser la trajectoire de la dette publique. Le seuil cible est un plafond de 70% à horizon 2026. Cet objectif semble largement à la portée. Les estimations du département de tutelle ressortent avec un niveau de 70,3% à fin 2024. D'ici cette échéance, le Trésor présente des indicateurs encourageants : sa dette demeure principalement une dette à taux fixe. Par ailleurs, les recettes ordinaires brutes ont augmenté de 10,6% à 339 MMDH, suite à la hausse des impôts directs de 5,4%, des droits de douane de 12,8%, des impôts indirects de 3,6%, des droits d'enregistrement et de timbre de 11,1% et des recettes non fiscales de 41,2%, précise la même source. Concernant les dépenses émises au titre du budget général, elles ont été de 532,7 MMDH en 2023, en progression de 15,3% par rapport à leur niveau en 2022, en raison de l'augmentation de 4,5% des dépenses de fonctionnement, de 24,2% des dépenses d'investissement et de 39,6% des charges de la dette budgétisée. L'augmentation des charges de la dette budgétisée s'explique par la hausse de 51,4% des remboursements du principal (89 MMDH contre 58,8 MMDH) et de 15,8% des intérêts de la dette (33,4 MMDH contre 28,9 MMDH). Par ailleurs, la TGR indique que les recettes des CST ont atteint 182,1 MMDH, tenant compte des versements reçus des charges communes d'investissement du budget général pour 32,7 MMDH. Les dépenses émises ont été de 151,6 MMDH, intégrant la part des CST au titre des remboursements, dégrèvements et restitutions fiscaux pour 5,2 MMDH. Le solde de l'ensemble des Comptes spéciaux du Trésor s'est élevé à 30,5 MMDH. Pour ce qui est des services de l'Etat gérés de manière autonome (SEGMA), leurs recettes ont dépassé 3,26 MMDH en 2023, en progression de 27% comparativement à 2022. Les dépenses ont été de près de 2,65 MMDH en 2023, en augmentation de 3,2%. A fin décembre 2023, les recettes ordinaires ont été réalisées à hauteur de 115,6% des prévisions de la Loi des Finances, les dépenses ordinaires ont été exécutées pour 107,4% et les dépenses d'investissement ont été émises pour 112,4%. Défis et mesures Tenant compte des pressions inflationnistes et de la nécessité de ne pas fragiliser la reprise économique, la politique monétaire demeure accommodante. La Banque centrale maintient depuis mars 2023 le principal taux directeur à 3%, niveau bas d'un point de vue historique, selon des analystes, et demeure négatif en termes réels et particulièrement faible comparé aux pays de la région. En dépit d'un désajustement de taux désormais conséquent par rapport aux Etats-Unis (taux directeur à 5,25-5,5%) et la zone euro (4,25%), le dirham se maintient, voire s'est légèrement apprécié à l'été 2023 par rapport aux deux devises composant son panier d'ancrage (USD et EUR), bénéficiant notamment de la reprise de l'activité touristique, de transferts importants de la diaspora et d'une attractivité pour les investisseurs étrangers. Déficit budgétaire maîtrisé Dans un contexte international aussi difficile, le Royaume parvient à maîtriser les grands équilibres financiers du pays. Fort de rentrées fiscales plus importantes que prévu, le Maroc a pu réduire son déficit budgétaire en 2022 (5,2% contre 6,0% en 2021 et 7,1% en 2022) et cette consolidation devrait se poursuivre (4,9% en 2023 d'après le Fonds Monétaire International (FMI) et 4% pour 2024 prévus dans le dernier projet de Loi des Finances). En dépit d'une forte progression lors de la période de la pandémie, la dette du Maroc demeure viable à moyen terme grâce à des ratios maîtrisés (dette à 69,7% du PIB en 2023 selon le FMI) et des facteurs limitant l'impact de la hausse des taux sur le service de la dette : nombre important d'investisseurs institutionnels - donc de long terme - nationaux, maturité confortable de la dette (6 ans en moyenne) réduisant les risques de refinancement, large part de dette externe concessionnelle, faible part de la dette marocaine en devises (25%), d'après des observateurs. Accès aux financements internationaux Si le Maroc se finance principalement sur le marché domestique, les fondamentaux du pays permettent de garantir un accès privilégié aux financements internationaux. S'agissant des financements concessionnels, le FMI a octroyé au Royaume en avril 2023 une ligne de crédit modulable (LCM) pour un plafond de 5 Md USD, LCM habituellement réservée à des pays plus riches. En septembre 2023, le FMI a de nouveau approuvé le recours du Maroc à la Facilité de Résilience et de Durabilité (FRD) pour 1,3 Md USD. Ces programmes constituent un signal positif envoyé sur la qualité de la signature marocaine. S'agissant des financements à conditions de marché, le Royaume a fait sa première sortie sur les marchés internationaux depuis deux ans le 1er mars 2023 pour 2,5 Mds USD et avait bénéficié de très bonnes conditions : taux de couverture supérieur à 10 et spreads très raisonnables par rapport aux obligations américaines. Les prévisions du HCP en 2024 L'économie marocaine devrait poursuivre en 2024 le redressement observé une année auparavant. Le Haut-Commissariat au Plan (HCP) anticipe dans ce sens un raffermissement de la croissance économique au titre de l'exercice actuel. Une dynamique qui devrait être soutenue par l'effort d'investissement et l'accroissement prévu de la demande adressée au Maroc. En 2024, le Produit intérieur brut devrait s'accroître de 3,2% par rapport à 2,9% estimé pour 2023. Le PIB nominal devrait, pour sa part, s'accroître de 6% en 2024 portant l'inflation, mesurée par l'indice implicite du PIB, à 2,8% en 2024 après avoir enregistré 4,5% en 2023 et 3,1% en 2022.
Défis à venir La capacité de financement du Maroc sera fortement sollicitée pour répondre aux défis à venir : reconstruction post-séisme, réformes sociales, transition écologique, Coupe du Monde 2030. Suite au séisme, les autorités marocaines ont annoncé un programme de 120 Md MAD (10,9 Md EUR) sur 2024-2028 (soit 1,7% du PIB annuel). A plus long terme, le financement de la transition écologique constitue le principal défi macro-économique : la Banque Mondiale estime que la mise en œuvre de la contribution déterminée au niveau national du Maroc requiert un volume de financements de 78,8 Md USD sur 2020-2030, soit 7,2 Md USD en moyenne par an (5,2 % du PIB). Ces priorités devront être conciliées avec le financement des réformes sociales du Nouveau Modèle de Développement (éducation, protection sociale, sécurité alimentaire, etc. pour un total représentant 4% du PIB) et de la Coupe du Monde 2030 que le Maroc accueillera avec l'Espagne et le Portugal (0,6% du PIB). Autopsie de l'économie nationale Fortement affectée par le stress hydrique et les tensions sur les cours des matières premières, l'économie marocaine demeure pourtant résiliente. Alors que la croissance marocaine est historiquement soumise aux aléas climatiques (les chocs sur la pluviométrie expliquent en moyenne près de 37% de la variance du PIB), le pays a connu en 2022 son année la plus sèche depuis plus de trois décennies, entraînant un net ralentissement de la croissance (de 8% en 2021 suite au rebond post-Covid à 1,3 % en 2022). En 2023, la croissance devrait s'établir à 2,9% selon la Banque Mondiale. Le secteur agricole rebondit faiblement (+1,5%) en lien avec une nouvelle récolte décevante et les activités non agricoles progressent à un rythme moins soutenu que les années précédentes (+2,6% après +3,1% en 2022 et +6,7% en 2021). S'agissant du séisme de septembre 2023, au vu du premier diagnostic (réactivité des autorités, préservation des principaux centres économiques, faible perturbation des réseaux et activités, pertes circonscrites sectoriellement), l'impact sur la croissance devrait être très modéré en 2023 et même légèrement positif en 2024. Le Maroc échappe aux fluctuations erratiques de l'activité qui caractérisent certaines des économies de la région, offrant des perspectives stables aux opérateurs. Toutefois, les taux de croissance enregistrés (3,5% par an en moyenne sur 2010-20 et 3,4% prévus par le FMI en moyenne pour 2024-28) doivent encore être rehaussés pour répondre aux défis socio-économiques du pays.