Le label « Halal » développé au Maroc est actuellement en cours de reconnaissance par le Mufti de Moscou, ce qui permettra l'accès à un nouveau marché pour les exportateurs marocains. Dans un échiquier commercial international en constante évolution, les exportateurs marocains œuvrent chaque jour à explorer de nouveaux marchés, tout en maintenant la présence de leurs produits dans les pays qui importent traditionnellement du Made In Morocco. Si la décarbonation s'impose comme enjeu majeur pour la continuité de la dynamique d'export des produits marocains vers l'Union Européenne au-delà de l'année 2026 (voir interview), la labellisation Halal permet, pour sa part, d'explorer un marché international aussi promoteur que florissant. Dans ce cadre, plusieurs membres de l'Association Marocains des Exportateurs (ASMEX) et de l'Institut Marocain de Normalisation (IMANOR) ont fait le déplacement en Russie au courant de cette semaine. Invitée par le Mufti de Moscou, cette délégation marocaine a tenu plusieurs séances de travail avec ses partenaires russes afin d'élaborer puis de mettre en place un accord commun sur les produits labellisés Halal.
Halal Made in Morocco « Nous sommes actuellement en cours d'ouvrir un nouveau marché pour les exportateurs marocains puisque la convention en préparation permettra de reconnaître les produits Halal russes au Maroc et les produits Halal marocains en Russie », nous confie M. Hassan Sentissi, président de l'ASMEX. « Le commerce entre le Maroc et la Russie ne date pas d'hier, mais nous n'avions à ce jour jamais mis en place de cadres pour renforcer le segment des produits Halal. Il convient à cet égard de préciser que la Russie et ses pays satellites totalisent plus de 90 millions de musulmans qui sont des consommateurs potentiels pour les produits Halal produits dans notre pays », poursuit notre interlocuteur. Plus développée au Maroc qu'en Russie, la certification Halal bénéficie actuellement à près de 600 produits Made In Morocco. Un nombre croissant de sociétés exportatrices et de produits du Maroc continuent par ailleurs à s'inscrire dans la démarche de la certification Halal.
Marché porteur « La certification Halal permet l'accès à 57 pays émergents et à plus de 2 milliards de clients potentiels dans le monde. Elle s'étend en plus du secteur des produits alimentaires à d'autres secteurs à fort potentiel à l'export comme la cosmétique, l'industrie pharmaceutique ou le textile, sans oublier, bien entendu, l'hôtellerie, la finance participative, et bien d'autres secteurs... », explique le président de l'ASMEX. Si les exportateurs marocains peuvent déjà bénéficier d'un positionnement international de leurs produits Halal, cela revient en grande partie aux efforts de mise en conformité aux standards internationaux de la norme marocaine et à la procédure de certifications développée par l'IMANOR. « Nous avons mis en place une commission dédiée à ce sujet au sein de l'ASMEX depuis plusieurs années déjà, parce que nous avons toujours eu la certitude que notre pays dispose d'atouts suffisants pour bénéficier du potentiel énorme du business Halal et des opportunités qu'il offre », précise M. Sentissi.
Atouts marocains « Grâce à ses produits agricoles transformés, ses produits de la mer transformés, ses produits naturels et de terroir, le Royaume pourrait facilement se positionner sur cet important marché du Halal. Notre pays dispose également d'un avantage comparatif sur le segment de l'habillement traditionnel pour lequel il est nécessaire d'accorder un intérêt pour le labelliser Halal », poursuit la même source, notant que les efforts entrepris dans ce sens permettent déjà aux produits marocains de se positionner au niveau de plusieurs régions et pays à travers le monde. Si la Russie et les pays qui font partie de sa zone d'influence ne faisaient pas partie du lot jusqu'à présent, l'accord en cours d'officialisation permettra aux exportateurs marocains d'atteindre une nouvelle niche économique Halal, d'autant plus que le contexte géopolitique de cette région - marqué par plusieurs embargos des pays européens - se présente comme un catalyseur favorable pour l'accès des produits Halal Made in Morocco.
3 questions à Hassan Sentissi, président de l'ASMEX « Nous sommes confiants que le défi de la décarbonation sera relevé » * L'ASMEX est mobilisée pour organiser des ateliers sur la décarbonation au profit des exportateurs marocains. Quels sont les enjeux liés à cette mobilisation ? - A l'image de notre mobilisation concernant la labellisation Halal afin de faciliter l'accès à de nouveaux marchés, nous travaillons également à maintenir notre positionnement dans le marché de l'Union Européenne en préparant la décarbonation, et cela, en accompagnant les exportateurs marocains dans le cadre de la transition environnementale amorcée dans notre pays. Cette transition est un enjeu qui sera également déterminant à partir de l'année 2026, lorsque le commerce avec l'UE (qui représente actuellement près de 62% des exportations de notre pays) sera strictement conditionné aux efforts de décarbonation entrepris par les producteurs-exportateurs.
* Quelles sont les activités que l'ASMEX organise pour accompagner et encourager cette décarbonation ? - L'ASMEX a pris les devants à travers un programme de sensibilisation que nous déployons dans toutes les régions du Maroc. Avec nos partenaires et experts, nous avons déjà organisé plusieurs rencontres, notamment à Fès, Tanger et El Jadida. D'autres villes et régions sont également programmées pour les prochaines semaines. Ces rencontres font l'objet d'un grand intérêt de la part des exportateurs et des hommes d'affaires marocains qui sont très nombreux à s'y inscrire et à participer.
* Pensez-vous que la conformité des exportateurs marocains aux exigences de décarbonation de l'UE sera atteinte d'ici 2026 ? - Nous sommes obligés d'y arriver, autrement, il ne sera plus possible d'exporter vers l'Europe en 2026. D'ailleurs, cela fait près de trois ans que nous travaillons déjà dans ce sens. Nous mettons en place l'appui technique nécessaire et d'autres parties prenantes œuvrent également à contribuer à la réussite de cette transformation. C'est le cas de la CGEM par exemple ou encore du secteur bancaire qui a développé des lignes de crédits dédiés pour accompagner et faciliter cette transition. Nous sommes confiants que le défi de la décarbonation sera relevé, car il s'agit d'un enjeu de compétitivité qui est atteignable, mais également en totale conformité avec les orientations nationales et l'intérêt public.
International : Une décennie pour doubler la taille du marché mondial du Halal Le marché mondial des produits Halal connaît une croissance annuelle soutenue d'environ 8%, selon les données de la société américaine de recherche marketing Frost and Sullivan. Il est considéré comme l'un des secteurs les plus dynamiques de l'économie mondiale, avec le potentiel d'atteindre 4.960 milliards de dollars d'ici 2030, selon les prévisions. Cette projection marque une nette progression par rapport à 2020, où la valeur du marché Halal s'élevait à 2.300 milliards de dollars. Avec une base de consommateurs dépassant les 2 milliards de personnes, représentant près d'un quart de la population mondiale, le segment des consommateurs musulmans est en expansion rapide. Même des pays majoritairement non-musulmans comme la Thaïlande, le Japon et la Corée du Sud cherchent à s'affirmer comme des acteurs importants sur le marché Halal. L'Australie et le Brésil se distinguent en tant que principaux fournisseurs de viande et de volaille Halal pour les nations du Moyen-Orient, illustrant ainsi l'ampleur et la diversité géographique de ce marché en pleine croissance.
Marché UE : La décarbonation en enjeu de maintien de la compétitivité des exportations L'ASMEX œuvre dans le cadre de ses missions à accompagner ses membres pour l'amélioration de leur compétitivité à l'international. « L'ASMEX accorde une grande attention aux restrictions imposées par les marchés en matière de réduction des émissions de CO2, et alerte ses membres pour s'y préparer à l'avance afin de leur permettre d'éviter, dans la mesure du possible, tout blocage et toute perte de compétitivité. Dans ce cadre, l'association a créé une Commission dédiée aux Energies Vertes qui organise des actions de sensibilisation à travers les régions du Maroc afin de proposer des solutions en matière de décarbonation à travers le recours aux énergies propres », explique un communiqué de l'ASMEX. Si la déclaration des émissions carbones des produits importés a commencé le 1er octobre 2023 dans l'espace européen, l'imposition des taxes ne tardera pas à arriver puisqu'elle est prévue à partir de janvier 2026. « Les objectifs de la décarbonation s'imposent de plus en plus fermement aux industriels et deviennent un critère de choix pour leurs clients. Il convient, donc, devant le contexte mondial actuel, de plus en plus difficile, d'exploiter toutes les possibilités et accélérer les process pour répondre aux grands besoins en consommation d'énergies de nos industries et de nos citoyens », poursuit le communiqué. A noter que le prochain rendez-vous prévu par l'ASMEX - dont la date sera fixée prochainement - a pour ambition de « démystifier et lever les a priori à propos de l'enjeu de décarbonation».