C'est ce 2 février 2024, dans la capitale du Détroit, que se tient la troisième édition du Forum de l'aquaculture marin, un secteur en plein développement et bien accompagné pour relever les défis pour sa durabilité, notamment le manque de main-d'œuvre qualifiée et la maîtrise de la chaîne de valeur. Mme Majida Maarouf, Directrice générale de l'Agence nationale pour le développement de l'aquaculture (ANDA), à l'origine de cet événement, fait le point dans cet entretien. * Avant d'entrer dans le vif du sujet, la troisième édition du Forum de l'aquaculture marine qui se tient ce vendredi à Tanger, pouvez-vous nous faire l'état des lieux en peu de mots ? L'aquaculture marine au Maroc est dans une phase de décollage grâce à la stratégie mise en place par l'Agence nationale chargée de ce secteur. Partant des potentialités révélées par les Plans Aquacoles régionaux élaborés dans 8 régions littorales, aujourd'hui nous avons toute la visibilité sur la dimension cible du secteur aquacole en termes d'espaces dédiés à l'aquaculture en mer évalués à 24.000 ha et de type d'activités à promouvoir. Nous avons jusque-là lancé 16 appels à manifestation d'intérêt destinés aux investisseurs. Le résultat de ces appels se traduit par un portefeuille de plus de 400 projets dans les différentes filières du secteur qui sont à des stades progressifs de concrétisation. Aujourd'hui, le secteur compte pratiquement 143 projets installés et 60 autres en cours d'installation. Par ailleurs, il faut relever que du lancement de la Stratégie Halieutis à aujourd'hui, nous avons un portefeuille diversifié de produits avec des indicateurs très encourageants.
* Le rendez-vous 2024 de cet événement est placé sous le « Partenariat solide pour une industrie aquacole durable ». Qu'est-ce qui inspire cette thématique ? Pour cette 3ème édition, nous avons choisi ce thème parce qu'au fil du temps nous avons compris que l'aquaculture est un secteur très complexe. En effet, la chaîne de valeur de l'aquaculture au Maroc n'est pas encore pleinement maîtrisée et plusieurs maillons de l'écosystème sont au stade embryonnaire. Maintenant que nous avons la visibilité de tous ces éléments, nous estimons que le développement du secteur ne pourrait se faire d'une manière durable qu'à travers des partenariats solides. L'industrie aquacole nationale repose, aujourd'hui, en grande partie sur les fournisseurs en équipements et intrants étrangers en attendant que les activités connexes se développent à l'échelle nationale pour saisir les opportunités de business offertes par les projets aquacoles. L'objectif de ce thème est d'encourager les partenariats bénéfiques aussi bien entre les acteurs nationaux qu'avec les acteurs privés internationaux et pour cette édition nous avons invités les industriels espagnols qui ont déjà une grande connaissance du contexte aquacole national.
* Quels sont les enjeux et défis qui se posent aujourd'hui à ce secteur ? Les principaux défis pour cette activité sont d'abord la maîtrise de la chaîne de valeur, le développement de l'écosystème du secteur pour accompagner tous les projets en matière de construction navale, de fabrication d'équipements, d'expertise, de production d'intrants et de semences. Ce sont des éléments sur lesquels nous sommes en train de travailler avec des partenaires. Le second défi est la disponibilité du foncier, qui est presque commun pour tous les secteurs d'activité utilisateurs de ressources en terre, et l'aquaculture n'échappe pas à cette contrainte de la rareté du foncier sur le littoral surtout pour les activités connexes et annexes liées aux fermes aquacoles. Le troisième défi est l'accès au financement. C'est un secteur qui est considéré comme étant une activité à risque ce qui n'encourage pas les organismes financiers à suivre les projets aquacoles en termes de financement. Le dernier défi auquel fait face l'aquaculture au Maroc est la disponibilité de main-d'œuvre qualifiée. Avec le nombre de fermes en installation, leur réussite, leur durabilité dépendent de la mobilisation d'une main-d'œuvre qualifiée. C'est la clé du succès de l'aquaculture dans notre pays. Pour ce faire, nous sommes en train de lancer des actions dans ce sens, avec nos partenaires nationaux et internationaux pour la formation de techniciens et d'ouvriers qualifiés aquacoles.
* Le choix de l'Espagne comme pays invité d'honneur n'est pas fortuit. Quelle analyse faites-vous de la coopération entre le Royaume et le pays ibérique en matière d'aquaculture marine ? La coopération entre le Royaume du Maroc et le Royaume d'Espagne ne date pas d'aujourd'hui, surtout que le domaine de la pèche n'est pas en reste. C'est une coopération significative et historique au vu de la proximité géographique entre les deux pays. Outre la partie pêche, le secteur aquacole en Espagne enregistre une croissance remarquable tant sur le plan des volumes produits que des bénéfices tirés de cette activité. Les fermes aquacoles espagnoles produisent plus de 300.000 tonnes de divers produits aquacoles. Aussi, les équipementiers espagnols sont majoritairement fournisseurs des fermes aquacoles marocaines en équipements. Donc, les acteurs des deux pays ont des intérêts communs dans le développement de l'aquaculture. Ceci pour répondre à la demande croissante en produits de la mer mais également pour collaborer, échanger les connaissances, développer des partenariats privés-privés qui soient bénéfiques pour les deux pays.Donc, c'était tout à fait juste et normal que l'Espagne soit le pays invité d'honneur pour cette 3ème édition du forum de l'aquaculture marine.
Bon à savoir Aujourd'hui, l'activité aquacole au Maroc se positionne parmi les secteurs porteurs d'avenir, contribuant à jouer un rôle important de levier pour une économie bleue inclusive, avec 143 fermes installées dans les différentes régions du Royaume pour une production à terme de plus de 75.000 tonnes par an et la création de 1.700 emplois directs, souligne l'ANDA dans un communiqué. Elle précise que 66 projets sont en cours d'installation pour une production cible annuelle d'environ 24.000 tonnes par an, générant près de 626 emplois directs. Il est à noter, toujours selon l'Agence, que 10 plans aquacoles régionaux couvrant plus de 2.300 km ont été réalisés pour assurer le développement durable du secteur dans 8 régions littorales du Royaume, à savoir : Oriental, Tanger-Tétouan-Al Hoceima, Casablanca-Settat, Marrakech-Safi, Souss Massa, Guelmim-Oued Noun, Laâyoune-Sakia Al Hamra et Dakhla Oued Eddahab. Ce programme se traduit par l'élaboration d'un cadre juridique spécifique à l'aquaculture marine au Maroc, notamment, la loi n° 84.21 régissant l'aquaculture marine tout au long de la chaîne de valeur, élaborée et publiée en janvier 2023, pour offrir toute la visibilité aux investisseurs aquacoles sur leurs droits et obligations.