Le centre d'Oncologie Al Azhar vient d'organiser un congrès samedi à l'hôtel Le Diwan à Rabat sur le « cancer du poumon ». Ont pris part à ce congrès de haute envergure d'imminents spécialistes en oncologie venus élaborer ensemble des stratégies efficaces de lutte contre ce cancer foudroyant. «Il s'agit de la deuxième édition du congrès sur le cancer bronchique qui réunit des praticiens maghrébins(Marocains, Algériens et Tunisiens) et européens, nous a expliqué M, Faouzi Habib, coordinateur du congrès, spécialiste en radiothérapie et oncologie au centre d'oncologie AL Azhar. Ce sujet s'articule autour de l'évolution du diagnostic en matière de l'anatomopathologie et de la radiologie d'une part, d'autre part il s'agit d'une étude sur les modalités actuelles thérapeutiques qu'on peut proposer à nos patients et sur le type de prévention en matière de cancer bronchique. Si on diagnostique un cancer bronchique tôt il peut relever de la chirurgie et les résultats sont excellents car la chirurgie reste l'élément salvateur. Par contre, comme malheureusement au Maroc on reçoit toujours nos patients à un stade tardif les résultats des soins restent décevants malgré l'introduction de nouveaux traitements tels que la thérapeutique ciblée. » Le tabagisme, principal coupable Considéré comme le premier cancer chez l'homme, le cancer bronchique est un véritable fléau qui guette tout le monde, surtout dans des milieux où se retrouvent les fumeurs. Le risque du cancer bronchique lié au tabac est en rapport avec le nombre des cigarettes fumées par jour et avec la durée d'exposition. Les études épidémiologiques ont montré qu'un fumeur moyen a environ 14 fois plus de risque d'avoir un cancer bronchique. Il diminue pendant plusieurs années après l'arrêt du tabagisme mais ne disparaît pas. Le cancer bronchique est une tumeur maligne originaire de la muqueuse tapissant les bronches. On parle également de cancer primitif du poumon ou plus communément du cancer du poumon. Les tumeurs évoluent souvent rapidement et l'absence de moyens pour établir un dépistage précoce conduit à les découvrir à un stade avancé. Le professeur Habib vulgarise le processus: « C'est une prolifération anarchique des cellules. Il y a une indépendance de ces cellules cancéreuses qui deviennent autonomes par rapport au fonctionnement général de l'organisme, à cause d'un stimulant exogène. » Contrairement au cancer du sein qu'on arrive à soigner de plus en plus efficacement, le cancer du poumon est le plus difficile à guérir. Un poumon atteint ne dépasse pas, souligne Pr Habib, 18 mois car les personnes atteintes consultent tardivement. La consommation passive du tabac, causée par la promiscuité, avec un parent fumeur, amène les enfants et toute personne se retrouvant dans le même espace, à fumer indirectement. Ils ont pratiquement autant de chances d'attraper le cancer du poumon que les fumeurs, Je ne comprends puisqu'une loi adoptée au Maroc interdisant de fumer en public et elle n'est pas appliquée,, contrairement aux pays développés où cette loi est respectée à 100%. A côté du tabac, les mécanismes en cause sont assez nombreux. Dans un premier temps, une cellule voit son ADN (son capital génétique) modifié à la suite de l'exposition répétée à un carcinogène lié à l'environnement (virus, irradiation), au mode de vie (alcool, alimentation, exposition au soleil...). Parfois les causes du cancer sont impossibles à identifier, conduisant à des examens complémentaires coûteux et souvent inutiles. Par ailleurs, la prise en charge diagnostique et thérapeutique par les médecins concernés est aussi sujet de polémique et est derrière l'organisation de ce congrès qui avait pour but aussi d' apprécier les pratiques actuelles de diagnostic, établir des recommandations pour effectuer un bilan et préciser l'intérêt des diverses thérapeutiques proposées à ce genre de cancer aux symptômes souvent évidents : «L'amaigrissement, énumère Pr Habib, la toux qui dure et qui ne régresse pas sous le traitement symptomatique, et souvent cette toux est teintée de sang, à moins que le malade crache du sang. Chez un tabagique qui a une toux productive tâchée de sang ou qui ne crache que du sang, on pourrait penser au cancer du poumon mais il faut le diagnostiquer par une biopsie car même avec une tuberculose on peut avoir du sang dans les crachats .» Mais pourquoi n'arrive-t-on pas à déceler le cancer chez un patient du premier coup? . Simplement parce que les appareils de diagnostic d' aujourd'hui « ne sont pas suffisants, nous explique encore Pr Habib. Actuellement il y a une machine qui s'appelle le Petscan une révolution en matière de diagnostic qui va bientôt être utilisée au Maroc, dans public comme dans le privé. Cet appareil nous permettra de déceler les maladies assez rapidement. Mais ce ne veut pas dire qu'elle va nous aider à 100%. Son aide est estimée à 80%. Mais dans 20% il faut que la technologie du diagnostic fasse encore un effort. De plus, cela pose un problème déontologique. Il y a certains malades qui consultent plusieurs médecins mais ces derniers ne détectent pas d'anomalie et par hasard le malade tombe sur un spécialiste qui refait le diagnostic. On fait une radio et on trouve du liquide dans les poumons qui révèle un cancer. D'où l'intérêt de la biopsie. » Le diagnostique précoce est l'étape la plus éfficace pour faciliter la guerison du malade . « Devant tout crachat qui dure longtemps, précise le coordinateur, il faut se résoudre au diagnostic après avoir éliminé l'eventualité d'une maladie infectieuse. Tout diagnostic précoce permet au patient d'être opéré et éventuellement de recourir à la radiothérapie et la chimiothérapie. Malheureusement, les malades arrivent tardivement et ils ne relèvent plus de la chirurgie . La chirurgie n'a qu'un rôle de diagnostic et on est alors obligé de faire la chimiothérapie et la radiothérapie. » Le pronostic de ce cancer est très sévère, puisque la survie à 5 ans est de seulement 30% chez les malades. Plus le diagnostic du cancer du poumon est tardif, moins le pronostic de la maladie est bon. De l'avis de certains pneumologues, l'incidence du cancer du poumon au Maroc reste très inférieure par rapport à d'autres pays industrialisés. Cependant, les chiffres actuels ne reflètent pas la réalité du cancer du poumon au Maroc. Les traitements actuels n'augmentent, au mieux, que de quelques mois la survie dans les cancers de stades avancés. Face aux difficultés thérapeutiques, le dépistage précoce des tumeurs, notamment chez les fumeurs, pourrait augmenter la proportion des cancers curables. De nouveaux outils permettraient d'atteindre cet objectif comme les nouvelles techniques d'imagerie, le scanner spiralé ou la recherche d'anticorps monoclonaux spécifiques des cellules tumorales dans les crachats. Dernièrement, des essais préliminaires ont montré des résultats encourageants. Cependant, le coût de ces techniques en limite les applications. Les recommandations issues de cette journée doivent fournir une base de travail pour les praticiens et contribuer à la qualité de la prise en charge des patients atteints de cancers bronchiques sur l'ensemble du territoire national,