Après plusieurs mois de travail, de recherches et d'explorations, l'artiste plasticien Abdelfettah Jabri, retrouve ses nombreux amateurs à l'occasion de l'exposition de ses dernières oeuvres, à la galerie d'art «Espace d'art 2 Mars». Il faut dire que cet artiste singulier, se caractérise par cette volonté de toujours exposer du nouveau et c'est pour cela qu'il lui arrive de se faire rare et de se faire tant attendre. En effet, il y a beaucoup de temps que le public n'a plus retrouvé celui qui fut l'un des premiers Marocains à bénéficier d'une bourse d'étude pour aller suivre une formation supérieure en Europe, une bourse que lui valurent ses travaux de grande qualité, à une époque où la peinture et les arts plastiques d'une façon générale étaient encore mal perçus. C'est d'ailleurs avec beaucoup de fierté qu'il raconte les péripéties de son séjour à Liège en Belgique et son militantisme pour que la formation artistique soit reconnue autant que les disciplines classiques. Cela s'est passé il y a quelque quarante années. Depuis cette époque belge, Abdelfettah Jabri a beaucoup roulé sa bosse jusqu'à occuper les premiers marches sur le podium de la création au Maroc. Et il va sans dire qu'il constitue aujourd'hui l'une des adresses incontournables de la scène plastique non seulement au Maroc mais aussi sur les plans arabe et africain. l'approche de Abdelfettah Jabri, sa conception de l'acte de peindre et sa vision de la scène artistique, en font un artiste très distingué. Une approche réaliste sans pour autant être rigide, une conception professionnelle sans jamais tomber dans l'autosatisfaction démesurée et une vision claire et nette de ce que devrait être le peintre marocain authentique qui fait de son pays la source de son inspiration. Certes, comme tous les peintres de renom, il a traversé les écoles, les styles et les tendances pour «atterrir» enfin au pays qu'il redécouvre autrement et qu'il veut faire découvrir. «Le Maroc n'est pas abstrait», thème de son exposition en dit long sur ce regain d'intérêt pour le pays, pour sa nature et ses habitants. Jabri a pris sur lui de démontrer en quelques sortes qu'un peintre marocain authentique, ne peut être autrement que figuratif eu égard aux trésors que le Maroc recèle et que certains daignent ignorer pour aller reprendre des schémas et des styles étrangers dans un souci de montrer aux Occidentaux qu'on peut faire autant sinon mieux qu'eux. Erreur monumentale de la part de ces peintres qui ne font que dévoiler leur aliénation latente, parfois prononcée vis-à-vis des peintres européens, notamment français, au moment où ces derniers ont depuis Eugène Delacroix, trouvé une bouffée d'oxygène au Maroc qui a donné du sang nouveau à leurs talents et carrément relancé leur création. L'histoire ne cesse d'ailleurs de le confirmer et même de nos jours la tendance continue et le Maroc ne cesse et ne cessera d'inspirer les artistes de talent, notamment occidentaux qui sont à la recherche de couleurs gaies, de paysages féeriques et de lumières exceptionnelles, ces mêmes lumières et couleurs qui, au demeurant, attirent les plus grands cinéastes. Et lorsqu'on persiste à reproduire ces formes qu'on appelle, souvent à tort d'ailleurs, impressionnisme, expressionnisme, dadaïsme, cubisme etc, on finit par dévoiler une incompétence flagrante et à montrer que l'on se cache plutôt derrière des écoles qui appartiennent, elles, à des époques historiques déterminées, dans des sociétés déterminées, qui ne peuvent être ni transposées ni imitées sous peine de tomber dans le ridicule. L'artiste plasticien comme tous les artistes, les écrivains, les philosophes et tous les intellectuels, est un pur produit d'un certain environnement et une certaine culture qui ont un devenir et une évolution propre à eux. L actuelle exposition de Abdefettah Jabri qui est l'un des rares à comprendre cet état de fait, est une invitation à la redécouverte de la beauté du Maroc, un voyage guidé au milieu des kasbah, des grottes, des vallées, berf au milieu du Maroc profond. C'est aussi un hommage appuyé à des endroits chargés de symboles et d'histoire et qui sont menacés de disparition. Dans ce sens, on peut dire que Abdefettah Jabri n'a rien perdu de son militantisme et c'est tout à son honneur, puisqu'il remet en quelque sorte les pendules à l'heure et rappelle à qui veut l'entendre et le comprendre que la reconnaissance, la vraie, doit être d'abord gagnée... ici.