En cette 20ème édition du Festival International du Film de Marrakech, la colonisation, l'exploitation humaine et l'immigration émergent en tant que sujets phares, monopolisant la scène cinématographique de l'événement. Depuis l'avènement du cinéma en Afrique, les sujets de la colonisation, de l'exploitation humaine et de l'immigration demeurent au cœur des récits cinématographiques. Cela semble être un reflet inévitable de la réalité humaine et de son histoire, qu'elle soit ancienne ou contemporaine. Le cinéma, en tant que miroir de la société, capture le malheur, gravé dans la mémoire collective, tandis que le bonheur demeure éphémère, définissant ainsi les nuances complexes des sentiments humains. Cette persistance thématique plonge le cinéma africain dans un moment de deuil, comme si l'art cinématographique se figeait pour mieux interroger les blessures du passé et les défis du présent. Ainsi, le cinéma africain devient une chronique ininterrompue, où le deuil s'entremêle avec la quête constante de compréhension et de rédemption. Que ce soit dans le tumulte égyptien de "VOY ! VOY ! VOY !", le paysage sénégalais d'"Io Capitano", ou le récit captivant du Burkina Faso avec "Or de Vie", ces trois films plongent dans la complexité de la peine humaine. Chacun à sa manière, ils tissent une toile immersive, dévoilant le quotidien des jeunes Africains et la douloureuse frustration de leurs aspirations.
« VOY ! VOY ! VOY ! », Faire Tout pour Survivre, Faire Tout pour Immigrer !
Basé sur une histoire vraie extraordinaire, le film égyptien "VOY ! VOY ! VOY !" explore les méandres de la détermination humaine. Un homme, avide de vivre en Europe, simule la cécité pour atteindre son rêve insaisissable. Sa destinée prend une tournure surprenante lorsqu'il intègre une équipe de footballeurs aveugles en partance pour la Pologne, dévoilant ainsi une aventure qui transcende les frontières de la vue pour révéler la véritable nature de la vision intérieure. Un récit captivant où l'obscurité devient le moyen de trouver la lumière. « C'est l'histoire d'un homme qui a attendu inconsciemment toute sa vie pour ce moment précis. L'immigration n'était pas son intention, mais lorsque l'opportunité s'est présentée, il n'a pas hésité à la saisir. Le film explore la vision complexe de l'Homme africain, un individu profondément attaché à son pays mais toujours habité par le désir de le quitter. Cette contradiction émerge comme une réalité sociale captivante qui mérite d'être vue et discutée », nous confie l'acteur principal du film, Mohamed Farag. En dépit des thématiques souvent sombres qui prédominent dans de nombreux films présentés au festival, le géant égyptien affirme avec conviction que la production cinématographique africaine ne se limite pas à un cycle vicieux de narrations douloureuses. Pour lui, l'histoire riche de son pays mérite d'être racontée sous diverses perspectives. « On a beaucoup à offrir », souligne-t-il, ajoutant que la variété des récits peut transcender la vision souvent sombre qui caractérise certains films africains. « Or de Vie », un Récit Burkinabé Dévoilant l'Exploitation Humaine dans les Mines
Au cœur du site d'orpaillage de Kalgouli, au Burkina Faso, Rasmané, à seulement 16 ans, plonge courageusement à plus de 100 mètres de profondeur dans les mines artisanales pour extraire l'or tant convoité. Son quotidien, marqué par l'angoisse des accidents imminents et les doutes persistants de ses parents, le pousse à tracer son propre chemin dans cet univers impitoyable d'adultes. Animé par l'espoir de s'émanciper et d'offrir une vie meilleure, Rasmané se sacrifie, laissant derrière lui les lambeaux de son innocence. « Mon tout premier long métrage tire son essence directement de mon entourage, de la vie quotidienne qui palpite autour de moi. Ce n'est pas simplement l'histoire individuelle de Rasmané, mais un récit qui transcende les limites d'un individu pour embrasser le destin de toute la jeunesse burkinabé », nous indique le jeune réalisateur Boubacar Sangaré. « Mon inspiration découle également d'une réalité plus vaste, celle du capitalisme qui continue de piller les richesses africaines, dépouillant notre jeunesse de son trésor et l'envoyant vers des horizons lointains, souvent occidentaux. Ce film se veut être une déclaration poignante, un miroir reflétant la dualité de nos rêves et les réalités parfois brutales de notre environnement », entrevoie Sangaré.
Des Cinéastes Africains qui Explorent de Nouveaux Horizons
Dans une étude de caractère subtile et puissante, la jeune cinéaste Myriam Birara plonge au cœur des ombres de l'injustice et explore la grâce indomptable du besoin de liberté. L'action se déroule au Rwanda, en 1997, trois ans après le génocide qui a frappé la minorité tutsie. Eva, le personnage central, est enlevée et subit une violence indicible. Face à cette tragédie, ses tantes optent pour un mariage forcé, perpétuant ainsi un cycle de souffrance. « Même si les événements de mon film se déroulent trois ans après le génocide, je ne souhaite pas qu'il soit perçu comme une histoire malheureuse, à l'image de nombreux films présentés au festival. C'est une histoire d'amitié, une toile pleine de couleurs qui se déploie dans les paysages verts de mon pays natal », souligne Birara. « Mon intention n'est pas de simplement exposer la douleur, mais de célébrer la résilience et la beauté qui peuvent émerger même des périodes les plus sombres de notre histoire. Mon Rwanda, bien que marqué par le passé, est également un lieu où l'amitié peut fleurir, où la vie persiste malgré les épreuves ». « À travers mon film, je souhaite partager une vision différente, une palette de couleurs qui transcende la tristesse pour offrir une lueur d'espoir. Car même dans les ombres de notre histoire, il y a des nuances vibrantes qui méritent d'être explorées et célébrées », conclut-elle. « Oura el Jbel », la Quête Inlassable de la Liberté
Dans une exploration cinématographique captivante, le film tunisien « Oura el Jbel » suit le périple d'un homme qui s'échappe violemment de son environnement banal, un monde qui étouffe sous le poids des principes, des codes et des institutions de la société. Bravant les conventions, cet individu audacieux choisit la voie de l'évasion radicale, se lançant dans un voyage turbulent vers la liberté. « La liberté demeure le souhait le plus profond de chaque être humain, et c'est précisément cette quête universelle que le film explore de manière poignante. Nous plongeons dans l'essence même de ce désir, cherchant à comprendre ce que l'homme est prêt à entreprendre pour conquérir cette liberté », nous révèle, l'actrice tunisienne Selma Zghidi. « À travers chaque scène, chaque geste capturé à l'écran, nous dévoilons les différentes facettes de cette quête inlassable. Le film devient ainsi un voyage introspectif, un miroir tendu vers chaque spectateur, l'invitant à réfléchir sur sa propre recherche de liberté dans ce monde complexe ». « En révélant les actions et les choix de l'homme dans sa quête pour la liberté, le film nous interpelle tous, nous invitant à nous interroger sur notre propre définition de la liberté et sur les moyens que nous sommes prêts à déployer pour l'atteindre », signale-t-elle. D'un Continent à l'Ecran : Le Cinéma Africain en Pleine Ebullition
Face à ces récits poignants et à la diversité dynamique du cinéma africain, se dessinent également des défis cruciaux pour son avenir. Les cinéastes, tout en explorant les tréfonds de l'expérience humaine, sont confrontés à la nécessité de surmonter les barrières financières, les préjugés culturels, et les infrastructures limitées. Le chemin vers une reconnaissance mondiale et une distribution équitable reste parsemé d'obstacles.
Cependant, c'est dans ces défis que réside l'opportunité de redéfinir les normes, de narrer des histoires authentiques et de faire entendre la voix diverse de l'Afrique sur la scène cinématographique internationale. Le futur du cinéma africain repose sur la créativité sans limite de ses artisans, prêts à relever ces défis avec détermination et innovation, ouvrant ainsi la voie à un horizon cinématographique africain plus brillant et plus inclusif.