Après la spectaculaire altercation avec le public, contraignant les organisateurs du Forum MEDays à suspendre un panel sur la guerre à Gaza, Mark Ellenbogen a présenté ses excuses. Dans cette interview débat, il s'explique et livre sereinement sa vision sur la guerre que mène Israël dans la bande de Gaza et croise ses arguments avec ceux de Mohammed Benchakroun, expert des questions internationales et Professeur à l'Université technologique de Ningbo en Chine. Explications. La 15ème édition du Forum MEDays vient de prendre fin. Une édition qui s'est déroulée dans la sérénité sauf que pendant un panel sur les guerres d'Ukraine et de Gaza, une altercation a éclaté entre Marc Ellenbogen, ex-ambassadeur américain et Consultant en politiques étrangères, et quelques membres du public. Avec un discours démesurément pro-israélien, digne des néoconservateurs, le diplomate américain a suscité l'indignation au sein de la salle avec des propos, jugés inappropriés et insultants, ce qui a contraint les organisateurs à suspendre la séance pour éviter que les choses ne dégénèrent.
Le lendemain, nous avons retrouvé le diplomate américain en compagnie de Mohammed Benchekroun, spécialiste marocain des questions internationales avec qui il a eu cette dispute. Dans le confort de la salle réservée aux invités VIP, les deux hommes semblent plus rassérénés et tentent de dialoguer laissant derrière eux le souvenir morose de la veille. Ils ont accepté de nous accorder simultanément une interview sous forme de débat. Deux visions différentes du conflit israélo-palestinien se confrontent.
Visiblement ému de ce qui s'est passé, le diplomate américain n'a pas manqué de présenter ses excuses. Il a, tout de même, défendu ses idées lors de notre échange. Il demeure convaincu de l'impossibilité d'un cessez-le-feu, autrement appelé pause humanitaire, que la communauté internationale, dont le monde arabe, revendique en urgence. « Je ne pense pas que ce soit possible dans le contexte actuel », lâche-t-il d'un air perplexe. Alors dans ce cas, Israël, dans sa volonté d'éradiquer le Hamas, risque d'anéantir les populations civiles, ce qui est perçu comme un crime de guerre, selon le droit international. Notre interlocuteur continue de parler de « dommages collatéraux », et estime que rien ne pourrait dissuader les Israéliens qui sont décidés à en finir avec le Hamas. Cependant, il n'écarte pas le scénario d'une négociation.
Un argument récusé par Mohammed Benchakroun, lequel pense que la question palestinienne ne saurait être résolue par les bombardements et les solutions martiales. « La violence crée de la violence », insiste-t-il soulignant que le cessez-le-feu immédiat est la seule façon de sortir par le haut du carnage actuel.
Ensuite, explique notre interviewé, il est évident que la solution des deux Etats soit remise sur la table, autrement il y a aura, selon lui, d'autres guerres. « Les Palestiniens ont incontestablement droit à un Etat », poursuit-il, faisant savoir que le gouvernement israélien d'extrême droite est une entrave à la paix puisqu'il renie ce droit. A ce moment, Mark Ellenbogen sort de son silence pour insister sur le fait qu'Israël ne peut pas reculer face au Hamas. Ce que refute catégoriquement M. Benchakroun qui refuse de faire du Hamas un prétexte sournois pour diaboliser les Palestiniens et leur imputer la responsabilité de l'échec de la paix.
Les deux adversaires conviennent tout de même que la paix ne peut avoir lieu que si les deux parties sont dirigées par des partis modérés. Mais le contexte actuel rend la paix difficile vu la poursuite de la colonisation en Cisjordanie, encouragée par le gouvernement de Benjamin Netanyahu, qui est allié avec des partis religieux orthodoxes. C'est là où on arrive devant l'impasse.
Sur ce point, Marc Ellenbogen convient qu'il est important de cesser l'installation des colonies. « La colonisation est une réalité. Il faut le dire comme on ne peut pas s'empêcher de reconnaitre qu'Israël ne veut pas la paix en s'entêtant à élargir son territoire et à grignoter les terres palestiniennes », s'insurge, pour sa part, Mohammed Benchakroun, qui juge que l'attaque du Hamas du 7 octobre, est une réaction à la poursuite de la colonisation sous les yeux indifférents de la communauté internationale. Là, M. Ellenbogen écarquille les yeux et s'oppose à cette conclusion. Sans en dire plus, il estime que la paix est tributaire de la relance des discussions avec le même esprit qui a abouti aux accords de Camp David et ceux d'Oslo.
Rappelons que, jusqu'à présent, plus de 12.000 civils ont péri sous les bombardements israéliens à Gaza depuis le déclenchement de la guerre. Israël justifie sa volonté d'aller jusqu'au bout pour éradiquer le Hamas par l'attaque du 7 octobre qui a fait 1200 morts civils et militaires israéliens.