Articulé autour d'une analyse globale des modalités de financement des villes africaines et mettant en évidence les difficultés fréquemment rencontrées en relation avec la demande et l'offre du financement, qui empêchent les autorités locales africaines de se financer de façon adéquate, le rapport sur l'urbanisation en Afrique dévoile les pistes pour inverser la tendance. Grille de lecture. L'Afrique est au centre de toutes les attentions mais aussi de toutes les préoccupations tant il est vrai que les défis sont grands, mais non insurmontables, pour son développement socioéconomique. En la matière, les rapports se suivent sans jamais se ressembler. C'est dans ce cadre qu'il faut appréhender la nouvelle publication de la Banque africaine de développement (BAD) sur l'urbanisation des villes africaines. Un document de 96 pages qui liste les challenges à relever et les étapes à suivre pour y parvenir. C'est le président de l'institution financière continental, Akinwumi Adesina, qui a donné le ton lors de sa présentation de cette dernière parution, intitulée « Passer des millions aux milliards de dollars : financer le développement des villes africaines » (From Millions to Billions : Financing the Development of African Cities), commandée par la BAD. « Le Forum des maires lance ce que nous espérons être le début d'une nouvelle collaboration entre les institutions financières, les villes, les Etats et les municipalités, afin d'accélérer la croissance et le développement de l'Afrique », a déclaré M. Adesina, ajoutant que « cela montre également la priorité que les partenaires et les investisseurs de l'Africa Investment Forum accorderont à l'amélioration des investissements dans les projets au niveau infranational ». Il est évident, selon les rédacteurs, que l'urbanisation est la mégatendance qui redéfinit l'Afrique. La population du continent augmente à un rythme spectaculaire et elle devrait atteindre les 4 milliards d'habitants d'ici la fin du siècle. À cela s'ajoute une migration sans précédent des campagnes vers les villes, entrainée en grande partie par les jeunes. En raison de cette confluence démographique, le nombre de personnes vivant dans les villes africaines devrait également presque tripler, pour atteindre environ 1,5 milliard d'ici 2050.
Financer des projets appropriés
Selon le constat du rapport, de nombreuses villes africaines sont incapables d'utiliser de manière adéquate et productive les budgets d'investissement existants. Dans cette optique, estiment les rédacteurs, les villes doivent renforcer leur capacité à financer des projets appropriés de manière responsable et en temps opportun. Si elles y parviennent, cela les aidera à déployer les ressources de façon plus efficace tout en les plaçant dans une meilleure position pour mobiliser des financements supplémentaires.
Dans ses recommandations, le document indique que les pays africains doivent développer des pipelines de projets d'infrastructure soutenus par des données plus complètes. Car les sponsors et les investisseurs exigent des pipelines étayés par des données montrant le retour attendu du projet, les processus de développement du projet, la consultation avec les bénéficiaires et l'impact attendu.
Pour la BAD, ces données doivent inclure la part des infrastructures prévues qui sera financée par les ressources de la ville et l'ampleur du déficit d'investissement qui doit être comblé par un financement externe. Des pipelines de projets financièrement solides élimineront un obstacle courant à la mobilisation de financements.
En outre, elle recommande de compléter les accords de méga-infrastructures. A ce sujet, fait-elle ressortir, les pays africains ont entrepris plusieurs projets de méga-infrastructures avec des financements bilatéraux et multilatéraux. Ils peuvent tirer parti de l'impact de ces projets en les urbanisant de façon intelligente et en investissant dans des infrastructures et des services urbains complémentaires.
Progression de la population
Sur un autre plan, le rapport relève qu'au cours des cinq dernières décennies, les villes africaines ont été confrontées aux limites du système financier mondial à répondre à leurs besoins. Pour changer cela, soutient-il, le secteur financier doit considérer qu'investir dans les villes africaines n'est plus « risqué » mais « absolument nécessaire ».
En effet, explique la BAD, les villes africaines qui effectuent la transition vers des pôles économiques compétitifs, inclusifs et à faibles émissions de carbone récolteront les fruits de la stabilité, la croissance économique, de la création d'emplois et de l'attraction des talents. De plus, ces investissements iront bien au-delà de ces villes et auront un effet multiplicateur pour leurs nations, le continent et l'économie mondiale.
Enfin, les conclusions du rapport montrent une augmentation spectaculaire du nombre d'habitants : la population urbaine africaine devrait presque tripler au cours des 25 prochaines années, pour atteindre 1,5 milliard d'habitants d'ici 2050. La ville de Lagos comptera environ 24,5 millions d'habitants en 2050, soit plus de 32 fois le chiffre correspondant à la période où le Nigeria a accédé à l'indépendance en 1960, indique le rapport. Pour relever ce défi, on estime que les pays africains devront investir environ 5,5% de leur PIB annuel dans leurs villes, soit environ 140 milliards de dollars par an. Bon à savoir La Banque africaine de développement consacre 2 milliards de dollars par an à des projets et des programmes qui ont un impact positif direct sur les zones urbaines à travers l'Afrique, selon le président de l'institution financière panafricaine, M. Adesina. Ces projets couvrent un large éventail de domaines, notamment le logement, les transports, l'accès à l'eau potable et l'amélioration des systèmes d'assainissement et d'évacuation des eaux usées. Elle dispose également d'un Fonds de développement urbain et municipal (UMDF) qui soutient 15 villes, avec une assistance technique, le renforcement des capacités pour la planification urbaine intégrée, la gouvernance, la préparation de projets, les approbations du conseil d'administration de l'institution. En outre, l'UMDF va mobiliser 50 millions de dollars pour la période 2023-27. Ils serviront à soutenir les villes et les municipalités et seront partagés selon un ratio de 60% pour la préparation de projets urbains, 20% pour l'urbanisme et 20% pour l'accès des municipalités aux écosystèmes d'appui financier et une gestion urbaine plus large, incluant la gestion fiscale municipale.